Le Vioxx jugé responsable de la mort d'un homme

cyberpresse-Le samedi 20 août 2005
Le Vioxx jugé responsable de la mort d'un homme

Dans un premier jugement qui ouvre la voie à des milliers d'autres poursuites, le géant pharmaceutique Merck a été condamné hier à verser plus de 253 millions de dollars américains à la famille d'un Texan mort après avoir pris son médicament anti-inflammatoire Vioxx.

Maxime Bergeron

Citation :

Carol Ernst réagit au verdict rendu en sa faveur par une cour texane

Les jurés ont accordé 24,4 millions en dommages et intérêts compensatoires et 229 millions en dommages exemplaires à la famille de Robert Ernst, mort subitement à 59 ans d'arythmie cardiaque après avoir pris du Vioxx pendant huit mois.

Merck fera appel du jugement, a indiqué la société.

«Le jury a vu la vérité en noir et blanc», a lancé Me Mark Lanier, principal avocat de la veuve, Carol Ernst, peu après l'annonce du verdict.

Pendant le procès, à Angleton au Texas, les avocats de la famille Ernst ont fait valoir que Merck s'était empressée de lancer Vioxx sur le marché sans faire les essais d'innocuité nécessaires, de manière à concurrencer le Celebrex, médicament antidouleur de Pfizer. La famille a soutenu que M. Ernst avait souffert d'arythmie à cause du Vioxx, ajoutant que la société avait minimisé le potentiel du médicament de causer des crises cardiaques et des attaques.




Merck a nié tout lien entre le médicament et la mort de M. Ernst, un marathonien qui travaillait comme entraîneur privé. Les responsables de la compagnie ont indiqué dans leurs témoignages que le Vioxx avait été soumis à des essais rigoureux avant d'être mis sur le marché et que 58 études n'ont établi aucun lien avec des crises cardiaques.

Cependant, Merck a retiré le Vioxx du marché en septembre dernier après qu'une étude ultérieure eut démontré que les utilisateurs couraient des risques accrus de crises cardiaques à la suite d'un usage prolongé.

Au Canada

Des dizaines de milliers de personnes ont intenté plusieurs recours collectifs au pays. Seulement au Québec, elles sont entre 30 000 et 75 000 à vouloir être dédommagées, a indiqué à La Presse Me Irwin Liebman, qui a déposé l'automne dernier la première demande de recours collectif de la province.

Le juge en chef de la Cour supérieure du Québec décidera d'ici la fin de l'année s'il accepte ou non d'entendre les recours. Me Liebman est optimiste, d'autant plus que les motifs qui ont permis à la famille de Robert Ernst d'obtenir 253 millions hier sont les mêmes qui seront invoqués ici.

«C'est exactement la même preuve qui sera faite ici, c'est la même consommation, la même pilule, la même affaire. Nos lois, d'après moi, sont aussi favorables ici qu'elles le sont au Texas», a souligné Me Liebman. Selon l'avocat, les participants québécois au recours collectif peuvent espérer toucher entre 5000 $ et 25 000 $ si la démarche aboutit.

Louis Hubert espère bien voir ce jour arriver. Le Montréalais de 64 ans a fait deux crises cardiaques et six crises d'angine après avoir pris du Vioxx pendant 18 mois en 2000 à la suite d'une opération au genou. Avant son expérience avec le médicament, son coeur se portait «à 110 %», a-t-il affirmé en entrevue. L'homme en veut aujourd'hui à Merck d'avoir ruiné sa santé.

«Ce n'est pas un mauvais produit, c'est un produit qu'on aurait dû prescrire pour un temps très court», a déploré M. Hubert.

Un long combat en perspective

Merck, société du New Jersey, prépare sa défense contre des milliers d'autres poursuites pour blessures corporelles intentées par des utilisateurs du Vioxx. Ainsi, le mois prochain, la compagnie doit se défendre dans un procès à Atlantic City. La société a déjà constitué une réserve de 675 millions de dollars américains pour combattre les poursuites liées au Vioxx et pour faire face aux obligations qui pourraient en découler.

Dans une note interne que La Presse a obtenue, Ken Frazier, vice-président de Merck, a toutefois tenu à rassurer les 62 600 employés quant à l'avenir du groupe. «Nous avons confiance en notre santé financière», écrit-il.

Hier, le titre de Merck a plongé de 7,7 % (2,35 $) à la Bourse de New York, à 28,06 $. C'est son plus bas niveau depuis le 1er février dernier.

La somme de 253,4 millions accordée par le jury est la septième en importance en 2005, selon des données recueillies par l'agence Bloomberg.

Un gros morceau pour Merck

Merck a perdu gros en septembre dernier quand elle a retiré le Vioxx des tablettes: cet anti-inflammatoire très populaire auprès des arthritiques avait généré des ventes de 2,5 milliards de dollars américains l'an dernier, soit environ 11 % des revenus de la compagnie. La société, établie en 1891 aux États-Unis, a retiré le produit après que des études eurent démontré qu'il augmentait les risques de problèmes cardiaques.



Merck, qui compte 62 600 employés dans le monde, a une valeur en bourse de 61,6 milliards de dollars. Merck Frosst Canada, sa filiale canadienne, emploie 1870 personnes, la plupart à Montréal.

Le titre de Merck a perdu environ un tiers de sa valeur depuis le retrait du Vioxx en septembre dernier. Parmi les médicaments les plus populaires de la société, on compte le Zocor, le Fosamax, le Singulair et le Cozaar.

source : http://www.cyberpresse.ca/monde/article/article_complet.php?path=/monde/article/20/1,151,1062,082005,1136192.shtml

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