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neteconomie-02/05/2005
Florence DEVOUARD - Wikimedia Foundation : "Les blogs et wikis autorisent ce que nous appelons le journalisme citoyen"
VP de l'organisation américaine Wikimedia Foundation à laquelle est affiliée Wikimedia France, F. DEVOUARD précise la notion de diffusion libre du savoir.

Citation :

AB – Florence DEVOUARD bonjour. En quoi la diffusion du savoir, telle que pratiquée par la Wikimedia Foundation, est-elle spécifique ?

FD – Bonjour. Notre objectif est de proposer une ressource d'information sur Internet qui puisse être utilisée par le plus grand nombre.

Nous nous sommes délibérément tournés vers un projet multilingue afin de créer un contenu accessible autant que possible dans la langue maternelle de nos utilisateurs, mais également de prévenir la mise en place d'un monopole linguistique.

Par ailleurs, l'accès à nos contenus est gratuit, et ce afin que les ressources financières ne constituent pas un frein. Enfin, et surtout, notre contenu est sous licence libre (la GFDL ou Licence de documentation libre GNU).

Cette licence implique que le contenu puisse être lu librement, mais aussi redistribué, modifié ou encore intégré dans d'autres contenus, y compris commerciaux.

La licence implique également que les versions modifiées des documents soient conservées sous la même licence libre.

Mettre un document ou une oeuvre sous licence libre garantit le minimum de restrictions légales à leur usage.

Si les oeuvres créatives – du texte, de l'image, des fichiers audio & vidéo - sont de plus en plus fréquemment mises à disposition gratuitement sur le Net, elles sont le plus généralement sous copyright, ce qui restreint automatiquement leur diffusion.

AB – Quel regard porte la Wikimedia Foundation sur les projets de "bibliothèques numériques" anglophones (Google Print Library Project, NYPL Digital Gallery) et francophones (BNF, Gallica, etc.) ?

FD – Nous ne pouvons qu'approuver la mise en ligne de documents anciens numérisés pour être mis à disposition des internautes, plutôt que gardés précieusement dans des tiroirs !

Par ailleurs, la démarche de la BNF consistant à mettre en ligne des documents permettant de multiplier le nombre de sources originelles et ainsi de garantir une diversité de points de vue et de regards sur notre passé, me semble parfaitement légitime et souhaitable.

Le financement de l'opération par voie privée ou par voie publique est un autre débat. Il est dans l'attitude européenne de penser que ce type de projet devrait être financé par des fonds publics, alors que la position américaine consiste plutôt à reposer sur des fonds privés. Je prônerais pour ma part, pour le pragmatisme )

Concernant le projet de la BNF, nous apprécions également que les contenus produits soient mis à disposition gratuitement au grand public.

Cependant, il faut admettre qu'un grand nombre de Wikipidiens regrettent la tendance européenne consistant à "copyrighter" des créations produites avec des fonds publics, plutôt que d'aider à leur libre diffusion. Ceci vaut tout autant pour les enluminures de la BNF, pour les photos officielles de personnalités politiques ou pour les photos prises sur Titan par l'Agence spatiale européenne (ESA).

Il est tout de même étonnant de voir qu'un projet associatif francophone ne puisse utiliser légalement des photos de personnalités politiques françaises !

Nous avons récemment contacté l'Agence spatiale européenne pour lui demander si elle n'accepterait pas de mettre une partie de ses photos dans le domaine public ou sous licence libre.

Actuellement, les seules images que nous puissions utiliser légalement proviennent de l'Agence spatiale américaine (NASA), car elle est obligée de mettre ses images dans le domaine public conformément aux lois américaines.

La conséquence immédiate est tout simplement que les images de la NASA peuvent être trouvées partout sur le Net, ce qui n'est pas le cas des images de l'ESA.

La représentation de l'espace sur Internet est, au final, biaisée et limite la popularité de l'ESA hors de l'Union européenne, popularité qui serait pourtant justifiée. Ces restrictions légales sont malheureusement imposées par les politiques locales et européennes.

Il est contradictoire de se plaindre d'une culture anglo-américaine de plus en plus présente sur le Net, tout en imposant des restrictions d'usage des documents et des oeuvres appartenant au patrimoine européen.

De son côté la Wikimedia Foundation, ainsi que ses deux représentations locales en France et en Allemagne, souhaite prendre part au mouvement de libération de l'information, par le biais de solutions législatives, réglementaires ou autres.

AB – Google et Yahoo vont fournir serveurs et capacité d'hébergement aux contenus émanant de la Wikimedia Foundation, dont Wikipedia "encyclopédie libre et gratuite". La monétisation des contenus n'est pas envisagée. S'agit-il d'une démarche purement altruiste ?

FD – Une correction avant toute chose. Si un accord a effectivement été passé avec Yahoo, la Wikimedia Foundation est toujours en train de négocier les modalités d'un accord potentiel avec Google. Ces deux sociétés Internet américaines sont les mieux placées pour préciser leurs motivations. Ceci dit, il me paraît évident que nous bénéficions ici d'un effet de compétition. Cependant, au delà du bénéfice en terme de service aux utilisateurs ou en terme d'image de marque par exemple, je crois pouvoir dire sans me tromper que dans les deux cas, soutenir notre projet fait aussi partie d'une démarche altruiste.

Google et Yahoo ne sont pas uniquement de gros groupes d'intérêts, ces sociétés sont constituées d'hommes et de femmes qui travaillent à mettre l'information à disposition de tous. Par ailleurs, la plupart des interlocuteurs avec qui j'ai été en contact sont des enthousiastes de Wikipidia !

Comme je l'ai signalé précédemment, il existe une attitude purement française qui consiste à prêter des intentions douteuses aux sociétés commerciales souhaitant investir dans des démarches éthiques, de développement durable, ou tout simplement dans l'optique de faire le bien.

Le don devient de plus en plus la subvention, les esprits se concentrent sur l'argent public et négligent les motivations individuelles.

Pour ma part, je crois que de nombreuses personnes sont prêtes à donner pour un projet auquel elles croient. C'est ainsi que nous fonctionnons actuellement, essentiellement par le biais de dons individuels de 5 à 10 dollars.

D'autres choisissent de fournir un peu de bande passante, d'autres encore des serveurs, ou des impressions gratuites pour nos documents ou simplement donner de leur temps.

On pourrait se prendre à rêver au développement d'un projet mondialement communautaire auquel chacun donnerait un peu de ce qu'il possède le plus.

AB – Wikis et Weblogs forment-ils l'avenir du journalisme sur Internet ?

FD – Je ne pense pas que Wikis et Weblogs remplacent un jour entièrement les medias traditionnels. Toutefois, ils représentent un outil de diffusion de l'information supplémentaire et vont très probablement influencer le développement futur du système.

En offrant des plates-formes techniques accessibles à tous, les blogs et wikis autorisent ce que nous appelons le 'journalisme citoyen', par ce biais nous pouvons tous passer du statut de lecteur à celui de rédacteur, de commentateur des évènements. Position éminemment satisfaisante.

La multiplication du nombre de sources, leur diversité, permettra de limiter les risques de manipulation par les medias. D'ailleurs, les blogs et wikis permettent d'ores et déjà de garantir une plus grande liberté d'expression à ceux qui voient leurs droits restreints, en particulier dans des pays tels que la Chine et l'Irak actuellement.

Le troisième bénéfice sera tout simplement de commenter des évènements locaux qui ne sont généralement pas couverts par les média traditionnels, faute de temps, d'argent, d'intérêt… En bref, combler les vides )

A ce propos, lors du lancement du projet Wikinews, la Wikimedia Foundation s'est elle-même inscrite dans cette démarche consistant à créer du contenu journalistique libre, selon un mode coopératif. AB – Florence DEVOUARD, merci pour ces éclaircissements.

source :http://www.neteconomie.com/perl/navig.pl/neteconomie/infos/article/20050502113617

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