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 Les braises durables du mouvement social

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FleurOccitane
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Date d'inscription : 30/04/2005

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MessageSujet: Les braises durables du mouvement social   Les braises durables du mouvement social EmptyJeu 6 Oct à 13:55

Citation :

Les braises durables du mouvement social

Lu sur Le Grand Soir : "Pour percevoir dans toute sa dimension la persistance exceptionnelle de la résistance sociale au libéralisme dans la France de 2005, il ne faut pas se contenter d’analyser chaque grève et mobilisation - les 18-20 janvier, le 5 février, le 10 mars, le 16 mai, le 4 octobre.. - mais il importe de savoir rapprocher votes politiques et luttes sociales de la période récente. Relier ce qui s’est passé à la fin du gouvernement Jospin, le 21 avril 2002, lors des grandes grèves de 2003, aux élections du 28 mars et 13 juin 2004, et enfin le 29 mai 2005 aux grèves et journées d’action permet de comprendre qu’en profondeur, le salariat de ce pays est en révolte profonde.


Déjà Nov-déc 1995, dont c’est le dixième anniversaire, avait stupéfié le monde entier : c’était la première grande grève générale anti-libérale dans un des grands pays riches. L’effet différé en avait été la chute d’Alain Juppé et la victoire anticipée de la gauche le 1er juin 1997, avec l’annonce des « 35 h sans perte de salaire ». « Mais avec la droite, si on a tout ce qu’on ne veut pas, avec la gauche, on a malheureusement pas tout ce qu’on veut » disait un salarié gréviste. Une étude [1] à la fin du gouvernement Jospin démontra que la combativité et le nombre des conflits augmentaient d’année en année : voyant le chômage reculer, grâce à la politique de relance, de croissance, des 35 h, percevant le bout du tunnel, les revendications salariales concrétisées par des grèves et des manifestations prenaient alors pour la première fois le pas sur la défense de l’emploi. L’idée que « cela allait mieux » avivait les exigences sociales. Ce fut l’erreur du gouvernement Jospin, qui allait pourtant dans le bon sens, de ne pas saisir et de ne pas répondre assez activement à cette impatience grandissante. Cela aboutit à un avertissement méconnu aux élections municipales de mars 2001 puis, bien sûr, au coup de tonnerre du 21 avril 2002. On ne le redit jamais assez, mais le 21 avril, la gauche, au total, était majoritaire en voix contre la droite : seulement le centre de gravité de la gauche s’était déplacé à gauche, c’est ce que ne comprit pas le candidat socialiste et c’est ce qui le rendit minoritaire au sein de la gauche. D’ailleurs le 1er mai 2002, un million de personnes étaient dans la rue, et ce n’était pas un signe d’atonie sociale.

La grande tradition de lutte sociale française :

Les gouvernements Chirac-Raffarin, stimulés par un Medef libéral intégriste, voulant profiter à fond de l’occasion donnée par le 21 avril, entreprirent une politique thatchérienne de destruction sans précédent des éléments du pacte républicain survivants encore en France depuis 1945 (retraite, sécu, droit du travail...). Mais ce faisant, ils ont heurté de front la masse du salariat qui avait déjà si bien résisté contre de semblables assauts en hiver 1986 et en nov-décembre 1995. L’exception française, « le modèle social français », si ces mots ont un sens, il vient de là : nous sommes un pays qui a connu de nombreuses grèves générales, de 1936, à 1945, de 1953 à 1968, de 1995 à 2003, nous sommes le pays de la protection sociale et des conventions collectives grâce à ces luttes historiques.

En 2003, il y eut 11 journées nationales enseignantes, 9 journées nationales interpro-fessionnelles, 140 jours de combat pour défendre les retraites du 1er février au 23 juin, il y eut quatre journées avec plus de 2 millions de manifestants, soit 5 à 6 fois plus de jours de grève qu’en novembre-décembre 1995. C’était déjà extraordinaire. Certains croient que cela se termina par une « victoire » de Raffarin-Fillon : en apparence oui, mais sur le fond non, car à la fin, 66 % de l’opinion était encore hostile à la régression qu’ils proposaient pour les retraites. La majorité des salariés sait que la France ne vit pas « au dessus de ses moyens », et que retraites et Sécu ont été mises en place en 1945 quand elle était en ruine : pourquoi seraient-elles remises en cause quand la richesse du pays est 5 fois plus élevée, et lorsque les profits des entreprises dépassent tous les records historiques ?


2003-2004 : dans la rue et dans les urnes

Le grand et beau mouvement de 2003 n’a pas été défait, mais seulement mis en échec : les consciences n’ont pas cédé et elles ont cherché la meilleure façon de prendre revanche. D’ailleurs Chirac et Chérèque en ont été les grands perdants dans les élections politiques comme dans les élections professionnelles. Plus de 100 000 adhérents ont quitté la Cfdt, non pas par découragement mais par volonté de poursuivre mieux le combat. Le gouvernement a cru bon de dire que « ce n’est pas la rue qui gouverne » alors il a eu droit au message cinglant des urnes ! Le vote massif à gauche (avec 7 % de participation en plus) le 28 mars 2004 est un « effet différé » des grandes grèves de 2003. Dans la rue comme dans les urnes, dans les sondages, le gouvernement s’est vu confirmé minoritaire : la majorité écrasante du salariat (devenu 88 % de la population active) rejette avec constance le pillage perpétré par le capitalisme financier, sent parfaitement les mensonges qu’on lui déverse et refuse la « contre-révolution blanche » que les libéraux veulent imposer.

Cela s’est confirmé encore lorsque la gauche a été majoritaire pour l’Europe sociale le 13 juin 2004 et quand le non s’est imposé, majoritaire à 55 % le 29 mai 2005. Ce fut un « non » social, antilibéral, pro européen, un « non » de classe, un « non » du salariat, venu des profondeurs, forcément lié au climat social.


Redémarrage dés le début 2005 :

Sentant que le gouvernement est un « mur » socialement, les salariés avaient cherché à « contourner » l’obstacle politiquement. Mais comme après les votes de mars et juin 2004, le gouvernement Raffarin était toujours là et toujours agressif, on a eu la surprise de voir un rapide redémarrage du mouvement social lors des journées « fonction publique » des 18-20 janvier 2005. Il est rare que si tôt après une si longue grève fort coûteuse comme celle de 2003, les salariés puissent « repartir » aussi vite. Il y a des « cycles » dans le mouvement social et les forces doivent se reconstituer : là, on a le sentiment d’une combativité liée dans le temps, souterraine mais puissante et qui cherche obstinément à se frayer sa voie par tous les moyens. Ce fut le cas le samedi 5 février dans la défense des 35 h puis le 5 mars à Guéret dans la journée service public nationale, enfin le 10 mars avec un million de manifestants. L’unité syndicale brisée par ceux qui signèrent la réactionnaire réforme Fillon sur les retraites, s’est même reconstituée, ce qui est un fait très positif et d’autant plus notable. Ce fut après la mobilisation du 10 mars que, pour la première fois, un sondage donna le « non » majoritaire pour le 29 mai.

Contre ce « non » donné alors à 51 %, Chirac proposa de négocier 1 % d’augmentation de salaires... le « non » gagna encore quelques points !

Après le 10 mars, c’était relancé : en effet, il y eut des grèves dans le privé, pas seulement dans le public. C’est mille fois plus dur dans le privé : la répression anti-syndicale y est forcenée, la pression pour la rentabilité, le stress managérial, le chantage à l’emploi y sont puissants et permanents. Déjà des jeunes précaires avaient gagné de belles luttes dures dans les Mac Do, Accor, Virgin... Au printemps 2005, il y a eu notamment la magnifique grève des salariés de Carrefour qui n’aurait « pas dû avoir lieu » tellement le climat y était défavorable : faiblesse syndicale, isolement, brutalité, chantage à l’emploi, précarité...Mais ils ont eu la force et le courage d’y aller et de tenir cinq semaines, butte témoin de cette lame de fond qui ne demande qu’à déferler.

Les conflits du privé se sont développés courageusement, dans un silence médiatique organisé, dans les pires difficultés, à nouveau pour la défense de l’emploi, mais aussi pour les salaires. Il n’y a pas dans ce pays d’observatoire médiatique honnête et fiable des luttes sociales : on nous raconte le CAC 40 heure par heure, mais on ne mesure jamais de la même façon la tension et les combats sociaux. Pourtant le nombre de jours de grève, la durée des conflits, le pourcentage de salariés impliqués, le type de mots d’ ordre, l’unité syndicale réalisée ou non, la forme des luttes (occupations, manifestations, séquestrations, etc.) sont autant d’indices précieux. Il y a eu en mars, avril, mai 2005, sous le débat référendaire, sans qu’on puisse avoir une vision d’ensemble, et sans qu’une généralisation n’ait été possible, une progression des conflits. Cela perça à nouveau médiatiquement lors du refus du lundi de Pentecôte travaillé, le 16 mai, à quelques jours du vote référendaire.

Certains ont dit que le 29 mai était un exécutoire sans lendemain : ils sont méprisants et auto-aveuglés, car, en vérité, des millions de salariés ont, en conscience, rejeté le libéralisme en Europe comme en France. Les Français ne font pas de « zapping électoral », au contraire, ils répètent le même message : ils sanctionnent la gauche quand elle fait des concessions aux libéraux, et ils sanctionnent les libéraux quand ceux-ci se lancent dans des contre-réformes réactionnaires. Ils se servent du vote et de la lutte dans le même sens.

La surdité du gouvernement Villepin-Sarkozy, qui met les bouchées doubles, comme si ses jours étaient comptés, pour parfaire l’œuvre de destruction sociale des gouvernements Raffarin, indigne l’immense majorité des salariés. On a des braises durables et ce nouveau gouvernement Chirac souffle dessus. La mise en place du « contrat nouvelle embauche », les mesures contre le Code du travail, le blocage des salaires, la hausse du coût de la vie, l’aggravation des inégalités, alors que la France n’a jamais été aussi riche et les profits aussi considérables, tout cela rend la situation explosive.

On a rarement eu une telle conjonction (depuis les années 1963-1967) : un gouvernement minoritaire qui ne veut rien entendre et s’acharne, une succession de signes nets de rejets politiques et sociaux, une grogne qui se ressent partout, 57% des français ont confiance dans leurs syndicats, 74 % des Français sont « pour » la mobilisation nationale unitaire du 4 octobre ! Explosif est donc le mot qui convient pour caractériser le moment.

L’explosion de septembre 2005 autour de la Sncm n’est d’ailleurs pas une question corse : c’est une question de défense du service public. Même ceux des syndicalistes qui sont nationalistes « défendent la continuité territoriale » entre le continent et l’île, et demandent à « l’état français » de ne pas privatiser, de défendre l’emploi et le bon emploi : d’ailleurs, le soutien populaire massif que les marins en grève ont obtenu, y compris après l’occupation de leur entreprise, le bateau Pascal-Paoli, découle de cette compréhension du problème posé.

Une banderole à Bastia disait tout : « libération sociale ». C’est en province et à Marseille, sans doute, depuis dix ans, en 1995 et en 2003, qu’on a eu les plus grosses manifestations en proportion de la population : lorsque 200 000 manifestants ne parviennent plus à défiler sur la Canebière tellement ils sont serrés, qu’on ne vienne pas nous dire que c’est grâce à la fonction publique, celle-ci ne peut guère fournir physiquement plus de 15 à 20 % des manifestants... le reste c’est donc bien du « privé » ! Il n’y a d’ailleurs pas opposition : le secteur privé plus gravement menacé dans ses droits que le secteur public soutient ses grèves « par procuration », mais cherche à s’y joindre dés que cela devient possible. En dépit des politiques qui cherchent à l’émietter et à le diviser le salariat de ce pays demeure remarquablement homogène dans sa culture et ses réactions quand il s’agit de défendre ses droits sociaux et ses salaires. Et demain de les reconquérir !

Gérard Filoche, Inspecteur du Travail

Mis en ligne par endehors, le Mercredi 5 Octobre 2005, 16:26 dans la rubrique "Social".

http://endehors.org/news/8598.shtml
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