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 Interview de Mohamed, jeune Tunisien en France

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wapasha
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wapasha


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MessageSujet: Interview de Mohamed, jeune Tunisien en France   Interview de Mohamed, jeune Tunisien en France EmptyJeu 28 Juil à 19:28

altermonde.levillage- jeudi 28 juillet 2005, Jean Dornac
Interview de Mohamed, jeune Tunisien en France

Après Kenza, j’ai eu la chance de rencontrer Mohamed, un homme jeune, 31 ans, de nationalité tunisienne. Il est ingénieur et travaille en France.

Je ne le connaissais pas auparavant. Mais ce fut une très belle rencontre qui m’a montré combien les propos racistes d’un Philippe de Villiers, les propos indignes d’un Nicolas Sarkozy, comportent une part de monstruosité à laquelle il faut ajouter une large part d’ignorance quant à la valeur de ceux qu’ils méprisent.


Citation :
Cependant, en tant que responsables politiques, ils savent combien leurs propos peuvent provoquer de dégâts ; ils ne peuvent ignorer qu’ils entraînent de nombreux citoyens dans la voie du mépris, de façon tout à fait gratuite et mensongère. Ils savent, et c’est incontournable, qu’ils participent à cette honte et ce drame qui consistent à opposer un peuple, et plus encore une ethnie contre une autre. Il serait temps qu’ils comprennent que le temps des croisades est dépassé et que nous demandons, nous qui nous proclamons humanistes, le rapprochement des peuples. Nos ancêtres ont payé un prix exorbitant, en vies gâchées, en familles brisées, pour avoir dû obéir à de tels dirigeants à l’esprit racorni, raciste, ouvertement ou dissimulé.

Trop de citoyens, aujourd’hui encore, en France, se laissent entraîner dans la haine raciale, cette haine qui ne profite qu’aux manipulateurs d’esprits. Une fois de plus, j’ai constaté combien le racisme n’est basé que sur des a priori sans fondement, des idées parfaitement fausses. Et une fois de plus j’ai vu combien les discours haineux de certains dirigeants peuvent égarer des masses entières.

Enfin, ce genre de rencontre avec « l’autre » m’a confirmé, une fois de plus, que c’est l’ignorance qui est mère de la peur et par voie de conséquence, mère du racisme. C’est en ce sens que la responsabilité des politiciens manipulateurs est infiniment plus grave que celle des citoyens : les premiers savent, les seconds suivent le plus souvent sans réfléchir, sans chercher à savoir, confortés qu’ils croient être par le racisme affiché ou dissimulé, mais bien réel, de certains dirigeants.

Aller vers « l’autre » est source de savoir, d’enrichissement personnel, d’échanges formidables, de découvertes inattendues ; c’est le meilleur moyen de quitter l’abîme de la peur.

* * *
Le nom de l’interviewé a été changé. C’est une décision que j’ai prise personnellement pour la sécurité du jeune homme, tant en France qu’en Tunisie


Jean Dornac : J’ai le plaisir d’interroger, aujourd’hui, Mohamed. Il est Tunisien, ingénieur et travaille en France. Il a trente et un an. Bonjour, Mohamed !

Mohamed : Bonjour !

Jean Dornac : Vous m’avez raconté une anecdote que je trouve frappante. Je vous la laisse raconter...

Mohamed : Oui... Alors voilà, en travaillant ici, j’ai donc atterri dans un bureau où j’étais avec un Français d’origine maghrébine. On va dire qu’il s’appelle Jamel. On a travaillé plusieurs mois ensemble avec d’autres Français dit de souche. Ce qui m’a beaucoup dérangé, c’est qu’on faisait toujours l’association Jamel et Faouzi comme étant Arabes, alors que moi j’aurais fait plutôt l’association Jamel et Laurent ou Jamel et Patrick : Ils étaient de la même nationalité. Ils ont été dans les mêmes écoles ; ils ont suivi le même parcours, etc... Un jour, on était en train de travailler dans le bureau et il a commencé à pleuvoir dehors. Et Jamel regardait la pluie qui tombait. Soudain, il a commencé à chantonner : « Il pleut, il pleut bergère ». Là, j’ai éclaté de rire d’abord parce que moi je ne connaissais pas ça et puis j’ai éclaté de rire parce qu’il y avait une autre personne qui était dans le bureau et je sentais qu’elle avait des préjugés. Donc, pendant la pause, j’ai pris cette autre personne qui était un Français de souche, et je lui dis : « Voilà, tu vois, quand il a plu, la réaction de Jamel c’était de chanter "Il pleut, il pleut bergère" et, ça, on ne peut pas être plus Français que ça ! » C’est ça être Français ! C’est-à-dire, s’il m’arrivait la même chose, je vais penser à quelque chose de ma culture, de ma tradition, je vais chanter une chanson tunisienne, ou arabe, ou alors je vais penser à une petite histoire des « Mille et une nuits », ou d’autres histoires que j’ai entendues. Et le fait que Jamel s’identifie complètement avec cette culture qu’il a eue en chantant "il pleut, il pleut bergère", fait qu’on ne peut pas être plus Français malgré tous les regards bêtes et méchants qui sont posés sur lui par les autres.

Jean Dornac : En tant que témoin tunisien, travaillant en France, quel est votre regard sur la façon dont la France, aujourd’hui, accueil l’immigration, notamment maghrébine ?

Mohamed : Par rapport à l’immigration générale en France et par rapport à l’immigration d’origine maghrébine en particulier, je pense qu’il y a beaucoup de choses qui restent à faire. Notamment, ce qui m’a toujours troublé, bouleversé depuis que je suis arrivé, c’est l’association qu’on faisait entre moi et entre ces Français issus de l’immigration, justement. A à la limite, franchement, on ne devrait même pas parler d’immigration pour eux : ce sont des gens qui sont nés ici. Peut-être que leurs parents ou leurs grands-parents sont des immigrés, mais eux ils sont nés ici, ils ont vécu toute leur vie ici, ils ont fait tout leur cursus ici. Certains d’entre eux ne parlaient même pas arabe alors qu’on faisait, juste sur leur prénom, l’association entre eux et moi. Alors que moi, je faisais naturellement l’association entre eux et tous les autres Français. C’est-à-dire que tout leur fond culturel est français ; ils n’étaient pas arabes, ils n’étaient pas maghrébins. Ils avaient quelques bribes de culture maghrébine, forcément, mais ils avaient beaucoup, pour le reste, de culture française. Moi, je suis francophile, donc j’ai aussi une partie de culture française, mais c’est une culture de laquelle je me suis rapproché, ce n’est pas une culture dans laquelle je suis baigné naturellement, dans laquelle je suis né, ce qui est complètement leur cas à eux. Et c’est étrange comme ils sont encore regardés comme des immigrés alors qu’ils ne le sont pas, qu’ils n’ont jamais été immigrés ; je le répète, ils sont nés ici, ils ont vécu toute leur vie ici.

Jean Dornac : Est-ce que vous percevez des différences sur, je dirais, le traitement dans vos entreprises, les différentes que vous avez faites, entre vous qui êtes Tunisiens et ces jeunes, moins jeunes, d’origine immigrée, mais Français ?

Mohamed : Oui ! Il y a des différences qui, des fois, vont dans les deux sens, c’est-à-dire, parfois je suis beaucoup mieux traité ; c’est affligeant, mais c’est comme ça. Je suis beaucoup mieux traité que des Français qui sont d’origine maghrébine. Pourquoi ? Peut-être parce que je suis un petit peu moins typé, et c’était aberrant, pour moi, de le percevoir comme une chance... Je me souviens qu’il y avait une dame, d’une très bonne volonté, une vieille dame qu’on a connue en arrivant ici et qui, au cours d’une discussion, me dit : « On dirait un métropolitain » ! Même le terme « métropolitain », c’est un héritage colonial, quoi. Voilà, pour elle j’étais, sur mon faciès, « intégrable ». Et puis, il y a un autre côté, c’est que je suis ingénieur, je suis bien payé, je ne suis pas dans les classes sociales les plus basses, et c’est pour ça que j’ai été parfois privilégié par rapport à des Français qui étaient de classes sociales plus basses. Et je trouve ça vraiment aberrant ! Dans l’autre sens, ça marchait aussi des fois, mais très rarement. C’est-à-dire qu’on privilégie des Français par rapport à moi. Je ne trouve pas ça extrêmement aberrant. A la limite, une société peut se fixer des limites par rapport à son immigration. Mais il faut savoir ce que c’est, l’immigration. Moi, je suis immigré ! Les gens qui sont nés ici, qui ont vécu toute leur vie ici, qui ont toute la culture d’ici et qu’on traite encore d’immigrés, c’est ça qui est aberrant !

Jean Dornac : Vous avez parlé d’héritage colonial... Vous pouvez nous dire quelques mots sur la situation en Tunisie et ce qu’est cet héritage aujourd’hui ?

Mohamed : En Tunisie, en fait, l’héritage colonial, je pense, il a été complètement... l’héritage, la lutte anticoloniale ont été complètement confisqués. D’abord, disons, que contrairement à ce qu’on voit d’ici, et ce qui est toujours répété, il est faux de dire que le monde arabe ou les autres pays musulmans sont dans la haine. Personnellement, je veux dire que par mon éducation scolaire, je n’ai pas ressenti tout ça. C’est-à-dire que jamais, quasiment, dans mon éducation scolaire, on a parlé de ce colonialisme, de la lutte anticoloniale, sauf brièvement et pour citer juste quelques noms des héros de la Nation. On n’a pas de « grandes messes », de commémorations. Vraiment, les gens sont assez simples, ils sont passés dessus. C’est-à-dire que c’était un besoin à l’époque de se libérer, mais ils ne gardent pas une haine tenace contre le colonisateur, etc. Sauf, bien sûr, quelques franges radicales qui sont extrêmement minoritaires. Mais ceci dit, je pense que le colonialisme, en fait, n’a pas changé trop de sens, il a changé de forme, mais il est toujours là. Je pense qu’aujourd’hui on fait un colonialisme, comment dire... par procuration. On a installé quelques pouvoirs locaux qui continuent dans la même logique entre riches et pauvres. La logique coloniale, c’est ça, en fait. Ce n’est pas une logique entre Nations, entre cultures, c’est une logique entre riches et pauvres.

Jean Dornac : Bon, parlons un petit peu de la situation internationale actuelle. Il y a eu, dernièrement, les attentats de Londres. Depuis, en Europe, en règle générale, pratiquement tous les gouvernements ont décidé d’augmenter les lois sécuritaires, enfin, tout le poids qui est autour de ça. Et des gens, des hommes politiques, comme en France Nicolas Sarkozy et Philippe de Villiers et quelques autres, appuient sur le fait hystérique. Comment vous vivez ça, vous qui vivez en France ?

Mohamed : D’abord, je voudrais dire que je suis souvent renvoyé à ma culture musulmane et ceci alors que je ne suis pas très pratiquant. Ça m’a fait au départ un petit choc parce que, moi, je ne voyais pas les gens par rapport à leur religion. Quand je me présentais à une personne, je ne disais jamais : « Salut, je suis Mohamed, musulman » ! Et je ne regardais jamais Paul comme un chrétien ou un protestant ou un juif. Donc, le fait d’être renvoyé tout le temps, ça fait quelque chose de bizarre. Cela dit, le grand problème, aujourd’hui, en France, par rapport à l’Islam, et en Occident en général, c’est qu’on « essentialise » l’Islam. C’est-à-dire qu’on veut que l’Islam soit violent par nature. Ils affirment que ce ne sont pas des musulmans qui sont violents, mais l’Islam lui-même qui est violent. Ça, c’est une chose. La deuxième chose, c’est qu’on ne regarde jamais quelle est la cause de cette violence islamique. Je suis d’accord pour dire que l’Islam n’est pas meilleur que toutes les autres religions dans le sens où il y a des cons musulmans comme il y a des cons dans les autres religions. Une société, ou une religion ou un groupe quelconque qui peut se prétendre être la perfection, c’est forcément un... ça ne peut être qu’un fasciste quoi. C’est une idéologie fasciste qui dit qu’on est parfait et que les autres sont tous mauvais.

Donc, je ne pense pas que parmi les musulmans il y a plus de cons que chez les autres. Seulement, il y a les conditions politiques qui créent des frustrations et ces frustrations se traduisent par ça. Ça peut paraître choquant quand on dit ça. Mais si on prend le dernier exemple, les attentats de Londres : ça a fait 60 victimes innocentes, on est d’accord ; mais, sur les 10 années d’embargo contre l’Irak, il y a eu, selon les chiffres de l’ONU, ce ne sont pas les statistiques de Saddam, ce sont les chiffres de l’ONU -on peut considérer que malgré les pressions américaines etc., ils sont quand même minimalisées- il y a 600 000 enfants irakiens qui sont morts de l’embargo ! 600 000 enfants ! Ça veut dire que si vous prenez l’attentat, il va falloir 10 000 attentats de ce genre pour faire « l’équilibre » macabre, disons. Et ça, ce n’est jamais présenté comme ça. Donc voilà, toute la discussion à propos de l’Islam et de la violence de l’Islam on a plus le temps ; tout l’historique par rapport aux autres religions et tout ce qui se passe qui, justement, expliquerait cette frustration et cette réponse violente des radicaux musulmans, elle est toujours occultée. En fait, c’est une pratique coloniale qui consiste à dire que les tribus Mao-mao africaines étaient des cannibales parce qu’elles résistaient aux colons ; que les jaunes, en Asie, étaient des violents par nature, des sauvages par nature ; les Noirs africains qui résistaient à la colonisation étaient des sauvages. Ça ne veut pas dire que ces attentats c’est de la résistance, c’est pas ce que je veux dire. Mais je veux dire que ça vient de là, ça vient de la frustration.

Jean Dornac : Est-ce que vous ressentez le poids des lois sécuritaires en Europe ?

Mohamed : Personnellement, comme je disais, je suis dans une position un peu privilégiée. Mais je vois que pour beaucoup d’autres personnes, c’est très pesant. C’est-à-dire que le fait d’être suspecté -même moi ça m’est arrivé ; j’étais aux Etats-Unis et je suis passé par ce qu’ils appellent un « secondary check » donc un questionnaire de plus et d’autres choses encore- mais à la limite, ça c’est pas ce qui me dérange le plus. C’est-à-dire que des actions préventives, même si on sait que c’est pas vraiment ça, que ça sert pas vraiment à ça, à la limite, c’est pas ça qui est le plus dérangeant. Le plus dérangeant, c’est la logique de confrontation qui est de plus en plus, disons, monté par les pouvoirs, par les médias, par tout ce qu’il y autour. C’est-à-dire qu’on va de plus en plus vers une logique d’affrontement et qui essaye de se déculpabiliser complètement de ce qui est fait par l’Occident dans les pays pauvres ou dans le Tiers-Monde ou ailleurs ; et de dire que la faute çà vient de l’essence ou de la religion ou de l’idéologie ou du genre ou de la race, etc.
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MessageSujet: Re: Interview de Mohamed, jeune Tunisien en France   Interview de Mohamed, jeune Tunisien en France EmptyJeu 28 Juil à 19:29

La suite :

Citation :
Jean Dornac : Il y a un autre problème crucial, qui, je dirais, fait souffrir le monde arabe, pas seulement en Europe, d’ailleurs, parce que nous en France, il y a également beaucoup de monde qui lutte et qui sont des soutiens le peuple palestinien ; ce problème Palestinien est un poison, non ?

Mohamed : C’est un poison non seulement pour le monde arabe, mais c’est un poison pour l’humanité en général. On dit souvent que j’exagère quand je dis ça. Mais si on le regarde vraiment, ce problème palestinien, il résume ou, disons, il intègre dans ce conflit, à tort ou à raison, des conflits entre supposées religions, entre cultures, entre Nord et Sud, entre pauvres et riches, donc il y a beaucoup de conflits qui sont dans ce même conflit. Et donc, ça fait un point de focalisation. Et pour le monde arabe, c’est avec les différentes guerres, avec cet Israël qui est installé au cœur même du monde arabe, que c’est un vrai poison, que c’est une vraie humiliation qui est ressentie tous les jours. C’est le point central de la cause arabe. Mais je pense que ce sont, et on est entrain de le voir, les guerres par ricochet qui sont en grande partie, forcément pas uniquement, le résultat du conflit israélo-palestinien. Le conflit israélo-palestinien a participé à ces guerres : les guerres du Liban, les guerres entre Israël et l’Egypte, les guerres de l’Irak, etc. C’est un grand problème qui fait des ricochets un petit peu partout dans la religion et tant que ce ne sera pas résolu, on aura toujours ces problèmes-là, ou aura encore, toujours, ces attentats et le reste.

Jean Dornac : Ariel Sharon est censé faire évacuer la bande de Gaza par les colons israéliens. Vous pensez que ça va être une réalité et quelles peuvent en être les conséquences positives ou négatives ?

Mohamed : Moi, franchement, je pense qu’il n’y a même pas lieu de penser et d’analyser ce que fait Sharon. Son adjoint le plus proche qui s’appelle Dov Weiglass l’a déjà dit. Il a dit clairement dans une édition de « Haaretz » : que « c’était juste un écran de fumée » ! La logique, toute la logique de la société israélienne, de la création de l’Etat Israélien, -et comme il disait d’ailleurs sur les ondes d’une radio française, personne ne l’a repris sur ça, c’est un truc extrêmement raciste je trouve- et Monsieur Pérez le disait aussi sur une radio française sans que personne ne le reprenne, il disait : « La logique, quand on dit qu’Israël est un Etat juif, ça veut dire qu’Israël est un Etat juif démographiquement et non pas religieusement. Comme si c’était mieux, si c’était démographiquement ! Dans ce cas-là, quelle est la différence avec la logique démographique de Le Pen ? C’est même encore pire parce que la logique d’Israël s’applique contre les autochtones, c’est même une logique contre les autochtones. Donc, le plan de désengagement de Gaza et tout ce qui s’en suit, ça revient exactement à la même logique. C’est-à-dire qu’Ariel Sharon voit très bien que, à Gaza, il y a un million deux cent milles Palestiniens, et il y a dedans huit mille colons juifs. Donc, la bataille est déjà perdue ; ils ne peuvent rien faire par rapport à ça. Par contre, ils regardent de l’autre côté, ils regardent du côté des implantations de colonies de « Maale Adoumin » et de Hébron et ce qui entoure Jérusalem et ils voient qu’elles sont rattachées à Israël avec une minorité de Palestiniens ou de Palestiniens qui vont être complètement expulsés. Donc, il fait son écran de fumée avec Gaza pour que le monde s’occupe avec ça et il continue avec le reste. Mais comme j’ai dit, il n’y a même pas besoin d’analyser, il le dit avec assez de clarté...

Jean Dornac : Jacques Chirac a invité Ariel Sharon à visiter la France, ça se passe le 27 juillet. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Mohamed : Jacques Chirac, et puis Raffarin, il y a quelques mois, en invitant M. Katzav et puis Nicolas Sarkozy en visitant Israël, ont tous confirmé la même logique de la France depuis le début. C’est-à-dire, en fait, le problème qui existe entre Israël et les Palestiniens, c’est que le conflit est toujours lu sur un faux angle qui est celui des Juifs contre les Arabes. Alors que ce n’est pas vrai. Moi, je connais beaucoup de Juifs qui sont dans les rangs des Palestiniens, qui combattent avec les Palestiniens, et il y a un certain nombre d’Arabes qui sont du côté d’Israël, qui se sont vendus à Israël. Donc ce n’est pas une logique entre Juifs et Arabes. L’identité religieuse ou ethnique, ou culturelle même, ne définit pas le positionnement idéologique ou politique. Le problème est complètement politique : c’est un problème entre colonisateurs et colonisés.

Or, en Occident, le problème est toujours vu entre Juifs et Arabes. Donc, comme je dirais : un partout, balle au centre ! C’est la logique. Et ça a toujours été la logique Française avec l’avantage que les Juifs partent de France, donc c’était des Juifs Français qui sont beaucoup plus intégrés que des Arabes. On revient toujours à la même logique Juifs Arabes et donc, la vision française est complètement imbibée de cette vision de l’intelligence juive qui a toujours défendue bec et ongle Israël. La France, elle, du reste, malgré tout son héritage colonial, ne comprend toujours pas que c’est la création d’Israël et que tout le reste c’est juste un projet colonial qui a été fait par l’occident pour se débarrasser de sa mauvaise conscience. Je ne pense pas, tout de même, qu’elle ne comprend pas ; je pense qu’elle le comprend très bien mais qu’elle le soutient encore. Ça va encore coûter quelques milliers de morts, ça va peut-être encore durer quelques années, mais moi je n’ai jamais vu une colonisation qui a réussi, entre guillemets. Ou alors, les Israéliens ont la solution de faire ce qu’ont fait les Américains, c’est-à-dire d’exterminer ou quasi exterminer les Indiens, les Peaux-rouges. Mais avec les Palestiniens, je pense que c’est un petit peu plus difficile.

Jean Dornac : Je voudrais revenir quelques instants sur l’immigration en partant de ce que Nicolas Sarkozy a l’air de vouloir installer en France, à savoir non seulement des quotas mais également le choix d’une immigration, je dirais, des cerveaux les plus efficaces ou les plus brillants. Est-ce qu’il n’y a pas, là-dessous, un danger d’appauvrissement de la matière grise au moins des pays d’origine de ces immigrés.

Mohamed : Absolument ! Mais je dirais que ça, c’est pas nouveau. C’est-à-dire que de toute façon, les cerveaux des pays du Tiers-Monde et des pays sous-développés, partaient en Occident ou dans les pays riches ; que ce soit aux Etats-Unis, au Canada, en France, en Angleterre, au Japon ; et d’ailleurs, il y a des études qui ont montré qu’aux Etats-Unis, avec ça, ils ont fait des économies énormes. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas supporté le coût de l’éducation de tous ces cerveaux et, derrière, ils en profitent complètement parce que, ils les payent un petit peu plus que les autres et, bien sûr, ils les payent moins que ces cerveaux génèrent d’argent. Donc, ça, je dirais qu’à la limite, c’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, par contre, c’est qu’avant, avec l’immigration de ces cerveaux, on acceptait une autre immigration, l’immigration des autres couches sociales, des autres couches culturelles ou intellectuelles. Maintenant, ce que Monsieur Sarkozy veut faire -c’est pas le seul qui veut le faire, tous les autres, je pense, veulent faire pareil, ils sont dans la même logique-, c’est choisir.

Lui, je me souviens d’une phrase quand il était ministre de l’économie, a dit qu’il gérait la France, ou l’économie de la France comme sa maison. C’est-à-dire qu’il se considérait comme le père des Français. Je dis que c’est un schéma qu’il devrait réviser ; à mon avis il ne se comporte pas du tout comme le père des Français, comme un père se comporterait dans sa maison, il se comporte comme un patron se comporte dans son entreprise. Et pas le meilleur des patrons, d’ailleurs, pour ses salariés ! En fait, il considère que sa vision est une vision purement économique et commerciale. Toutes ses attaches politiques vont dans ce sens. Sarkozy est un atlantiste, il ne le cache pas, il ne se cache pas pour la seule raison qu’il est extrêmement convaincu de l’efficacité économique et que l’économique, la croissance sont la seule valeur. Après ça, les valeurs morales, l’éthique, le reste, c’est peu important. Donc, il va gérer la France exactement comme une entreprise. Et une entreprise qu’est-ce qu’elle fait ? Elle se débarrasse des éléments qui sont les moins rentables et elle va chercher, un petit peu partout, même à l’étranger, les éléments qui peuvent être les plus rentables. Je comprends très bien que c’est une logique économique, et ça peut être économiquement valable sauf qu’on est pas simplement des machines économiques. On est aussi une société qui doit avoir des liens sociaux et sociétaux ; c’est une civilisation, c’est une humanité et si on transforme tout ça en entreprise, et bien on va écraser toutes les autres couches qui sont encore moins rentables.

Jean Dornac : Toujours dans la même façon de penser, j’ai entendu tout récemment, que Madame Vautrin avait l’intention de déposer, alors je ne sais pas si c’est un projet de loi ou quelque chose de ce genre-là, une directive peut-être, disant que les immigrés futurs, dès l’âge de dix ans, seraient acceptés à la condition qu’ils maîtrisent le français. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Mohamed : Moi, je veux bien, qu’une personne qui vient travailler en France ou vivre en France, qu’on exige d’elle à minima d’apprendre le français. Ok, on est d’accord. Parce que pour vivre dans une société, il faut savoir communiquer avec cette société. Sauf que, le problème, c’est que généralement, ça n’est que l’excuse, en fait. C’est-à-dire que quand une personne ne parle pas français et qu’elle est refoulée, elle n’est pas refoulée parce qu’elle ne parle pas français ; si on lui proposait d’apprendre le français, je ne pense pas qu’elle refuserait. Seulement, on s’en sert comme prétexte. Et puis, si ça s’arrêtait à la langue, on serait encore d’accord. Mais est-ce qu’on va obliger les gens à, je ne sais pas, prenons par exemple à Lyon, on va les faire goûter au tablier de sapeur, manger un petit bout de cochon pour montrer qu’ils sont bien intégrables ; jusqu’où s’arrête la limite ? Si on est pour la communication, pour que les gens puissent vraiment communiquer dans la société, d’accord. Mais, d’abord, il faut leur en donner les moyens ! Est-ce qu’on leur en donne les moyens ? Comment fait-on la sélection ? Et puis, est-ce qu’on ne se sert pas de ça simplement comme prétexte ?

Jean Dornac : Oui... Moi, ça me rappelle également le rapport Bénisti qui avait tout de même choqué beaucoup de monde où ce Monsieur, ce député je crois, affirmait que les immigrés, notamment les mères, devaient arrêter d’apprendre le « patois », sous-entendu des langues arabes, pour apprendre, donc, le français. Vous en pensez quoi, vous qui êtes Tunisien ?

Mohamed : Moi j’ai envie de dire à ce Monsieur qu’on va à l’école pour apprendre d’autres langues. Donc, ce serait ridicule que l’Etat finance quelque chose qui, pour lui, est complètement idiot et qu’on devrait arrêter de le faire. L’école est justement faite pour apprendre les choses. Si quelqu’un apprend dans sa maison, en plus de sa langue quotidienne, le français, s’il apprend à côté de ça son patois local, l’arabe, le portugais, le sénégalais ou tout ce qu’il veut, je pense que ça ne peut être qu’une richesse ; ça ne peut qu’être une richesse qui est en plus profitable à la France parce qu’elle crée des liens avec d’autres pays, elle crée des liens pour les apports de richesse. Si on voit la richesse culturelle, aujourd’hui, en France, elle n’aurait pas pu être ce qu’elle est s’il n’y avait pas la participation de ces Portugais, de tous ces Italiens, tous ces Arabes, tous ces Noirs qui sont d’un petit peu partout. Chacun a apporté un peu de sa culture. C’est pareil pour la chance qu’on a en France aujourd’hui, en une soirée, de pouvoir goûter de la cuisine indienne, italienne, maghrébine, chinoise, etc... C’est parce que tous ces gens ont apporté un plus, toujours lisible comme un plus. Et je ne pense pas, franchement -moi je ne l’ai jamais vu-, que des enfants d’origine immigrée mais bien Français parlent mieux arabe que français. Donc, Monsieur Bénisti devrait réviser ses références...

Jean Dornac : Je vous remercie Mohamed. Je rappelle que vous êtes Tunisien, ingénieur et que vous avez une trentaine d’années. Merci beaucoup !

Mohamed : Merci à vous !
source : http://altermonde.levillage.org/article.php3?id_article=3307

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