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 Interview de Kenza, jeune femme Franco-Marocaine

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wapasha
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wapasha


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MessageSujet: Interview de Kenza, jeune femme Franco-Marocaine   Interview de Kenza, jeune femme Franco-Marocaine EmptyMar 19 Juil à 14:56

altermonde.levillage- mardi 19 juillet 2005, Jean Dornac
Interview de Kenza, jeune femme Franco-Marocaine

J’ai fait la connaissance de Kenza au travers de certains de ses articles que je trouvais très justes, très forts. J’en ai publié plusieurs sur altermonde. Le 14 juillet, j’ai eu la chance de l’interroger. Ce fut un formidable moment que je vous invite à partager à présent.

Jean Dornac


Citation :
Jean Dornac : J’ai le plaisir d’interroger Kenza ; elle a vingt-six ans et est d’une famille franco-marocaine. Sa maman est partie vivre au Maroc, où Kenza a vécu dix-huit ans. Elle prépare un doctorat à l’université de Lyon. Bonjour Kenza !

Kenza : Bonjour !

Jean Dornac : Comment une jeune femme franco-marocaine ressent la société française, aujourd’hui ? Autrement dit, peut-elle s’intégrer facilement ?

Kenza : Personnellement, je dirais que, de fait, je suis intégrée socialement, parce que j’ai la chance de faire des études, j’ai la chance d’avoir pu décrocher un emploi parallèlement à mes études de doctorat et de pouvoir enseigner, donc socialement et économiquement, je suis intégrée ; je ne fais pas partie de la tranche des plus précaires et je ne suis pas stigmatisée comme les populations habitants dans des quartiers de banlieues qui sont stigmatisés du seul fait qu’ils sont dans ces quartiers-là. Et je ne fais pas partie de la population beur qui a une histoire particulière qui n’est pas la mienne. Donc, quand je dis que je n’en fait pas partie, ce n’est pas parce que je ne veux pas être assimilée à ces gens-là ; c’est pas du tout ça, mais c’est pour préciser que par rapport à eux, j’ai un petit peu plus de chance. Seulement, donc si de fait je suis parfaitement intégrée, la France est mon pays, ma mère est Française, le français c’est ma langue maternelle, j’ai étudié dans le système scolaire français et donc, de fait, je suis tombée dedans quand j’étais petite, si je puis dire, mais du fait de mon nom, du fait de mon lieu de naissance qui apparaissent sur mes papiers d’identité, et bien on me renvois tout de suite soit à une immigrée, soit à une beur, ce qui finalement est la même chose dans la tête des gens ; donc il y a un regard, des réactions, des réflexions, des préjugés, des réactions de racisme, il faut le dire, que je subis. Mais, là, je préciserai encore, et c’est malheureux, que je le subis beaucoup moins que mes compatriotes beurs qui ont un faciès plus maghrébin que moi et qui, eux, souffrent du délit de faciès. Moi, j’y échappe. C’est terrible à dire, mais c’est une vérité. Moi, j’arrive à passer un peu à travers du fait de mon niveau d’études, et de mon faciès.

Jean Dornac : Est-ce que vous avez des relations avec cette partie qu’on pourrait dire « beur », de banlieue ou autres, ou bien vous n’avez pas de contacts ?

Kenza : Si ! Par le milieu associatif, je rencontre des gens qui militent notamment dans le mouvement « diversité ». Donc, dans le milieu associatif, on rencontre beaucoup de gens. C’est par ce biais-là que j’ai rencontré ces gens-là. Je les aussi rencontrés dans les différents « petits boulots » que j’ai faits, des collègues qui sont devenus des amis, etc. Et de fil en aiguille, en discutant avec ces gens j’ai appris à connaître aussi cette réalité sociale que je ne n’ai pas vécue personnellement, mais que j’appréhende à travers de ces gens-là et puis à travers d’une discrimination commune et une histoire un peu commune quand même qu’on a, qu’on partage...

Jean Dornac : Justement, est-ce qu’ils vous reçoivent bien ou est-ce qu’ils font une différence ?

Kenza : Absolument pas ! Alors aucune différence, absolument aucune ! Ils ne posent pas de questions... non, absolument aucune différence. Je ne sais pas, quand je suis présentée à des gens comme ça, on ne se pose pas la question « d’où tu viens », « qui tu es », « Salut, comment tu t’appelles ? » Voilà, quoi, et puis on se met à travailler ensemble comme avec n’importe quel autre militant.

Jean Dornac : Et est-ce que, quand vous cherchez du travail, puisque vous êtes étudiante, vous faites une thèse, est-ce que dans les entreprises, on vous fait remarquer que vous n’êtes pas d’origine française ?

Kenza : Je n’ai pas eu à le vivre directement. Alors, encore une fois, j’ai encore la chance, j’ai un prénom qui est assez rare parmi les maghrébins en France, Kenza, donc on ne percute pas directement. Je suis d’origine maghrébine, j’ai un physique qui passe bien, parce que je ne fais pas maghrébine physiquement et que j’ai mon niveau d’études qui me sauve. J’en ai parfaitement conscience. Donc, voilà, je m’appellerais quelque chose comme Fatima, Rachida, j’aurais un physique un petit peu plus bronzé et un capital scolaire un peu moins important, je pense que je connaîtrais plus la derrière, que connaissent beaucoup de gens des quartiers : la discrimination à l’emploi, la discrimination à l’accès au logement et qui donne, de fait une ségrégation spatiale d’origine dans des villes, avec des ghettos urbains...

Jean Dornac : Une commission a produit un rapport qui a été remis au gouvernement il n’y a pas bien longtemps qui proposait de faire des CV sans indiquer le nom, donc l’origine des personnes. Vous croyez que c’est utile, ça ?

Kenza : Non, je ne crois pas à ce genre de pratique parce que c’est s’attaquer aux symptômes sans remettre en cause le fait qu’il y ait de la discrimination. A la limite, c’est scandaleux parce que le problème, c’est comme si on acceptait que, de fait, il y ait des gens qui pratiquent la discrimination ; on fait avec et donc on va essayer de passer en travers en mettant en place des CV anonymes. Moi, ce que je veux, c’est qu’on s’attaque au problème, à la discrimination et qu’on fasse en sorte qu’il n’y ait plus de gens à qui ça pose un problème d’avoir des gens qui ne soient pas tout à fait BBR, comme on dit dans les agences d’intérim, ou certains patrons mentionnent « je veux du BBR »...

Jean Dornac : BBR, c’est ?

Kenza : Bleu, Blanc, Rouge, c’est-à-dire, pas de Maghrébins, pas d’Africains, pas d’Antillais ! Il faut donc s’attaquer au problème de fond : pourquoi on en est encore là ? Pourquoi est-ce des gens, des Français qui sont d’origine immigrée, je dis d’origine parce que maintenant on a trois générations, bientôt quatre, de gens qui sont là en France, dont les parents sont aussi nés en France et qui sont toujours considérés comme des étrangers. Il est là, le problème ! Donc, après, les mesures un peu « marketing » du gouvernement, CV anonyme etc., c’est juste un petit pansement sur le furoncle.

Jean Dornac : Alors justement, vous parlez du gouvernement. Nicolas Sarkozy parle d’une immigration « choisie » au lieu d’une immigration « subie ». Donc, c’est son souhait. Vous qui êtes originaire, enfin qui êtes issue de l’immigration, qu’avez-vous à dire, à ce sujet ?

Kenza : Déjà, moi je suis issue de l’immigration, je dois dire que c’est ma mère qui a émigré au Maroc, parce que, ben, je sais pas, comme dans la vie, y a des gens qui se rencontrent, qui s’aiment, qui ont envie de se marier et, du coup, ils décident de s’installer dans un pays. Ils se marient, font des enfants... On a l’impression que, là, on ne parle pas d’être humains qui ont une vie, un cœur, on parle de « quotas », de chiffres et, comme a dit une fois, Olivier Besancenot « Le problème de ces gens-là, c’est qu’ils n’ont pas une tête de capitaux » ! Les capitaux circulent tranquillement, comme ils veulent, vingt-quatre heures sur vingt-quatre... Il s’agit d’êtres humains ; c’est des quotas, c’est des calculs, c’est Malek Boutih qu’on appelle aussi Malek Le Pen maintenant qui nous parle de quotas ! Alors, des étrangers handicapés, on n’en veut pas, parce qu’ils vont coûter cher ; on va interdire la double nationalité... enfin, c’est absolument scandaleux ! Là, on est en plein dans la lepénisation des esprits !

Pour en revenir à Nicolas Sarkozy, alors, deux choses dans sa phrase : Quand il parle « d’immigration subie », c’est une mystification et un mensonge puisque l’immigration à laquelle il fait référence c’est sûrement pas la sienne puisque je rappelle quand même qu’il est d’origine hongroise. Il parle d’immigration en provenance des pays des anciennes colonies à savoir principalement le Maghreb et les pays d’Afrique Noire. Donc il nous fait croire qu’on a subi, contre notre gré, qui dit « subi » c’est connoté « on en a souffert, on a supporté l’arrivée de gens » etc. Donc, là, je rétablis quand même la vérité : Il faut savoir que ces gens-là, on les a fait venir. Ma mère, au début des années soixante-dix a travaillé au Maroc à l’office d’immigration, donc qui était mise en place par l’ambassade de France, et qui sélectionnait des Marocains pour les faire venir travailler en France dans les usines, Peugeot, Renault, etc. Donc on choisissait de préférence des gens très pauvres, illettrés, des hommes de bonne constitution physique. Bon ma mère a très vite arrêté, à refusé de se donner plus longtemps à cette mascarade négrière honteuse. Donc, qu’on rétablisse la vérité historique : On les a fait venir parce que, à l’époque, les années soixante, la croissance, on était riche et on avait de quoi faire la fine bouche. Donc, les sales boulots, construire les infrastructures, le BTP, l’usine, la sidérurgie, ben, c’est eux qui le faisaient. Ça a été, pour les travailleurs immigrés vingt ans de solitude loin de leurs familles, partir dans des bidonvilles crasseux, les bidonvilles de Nanterre, de Villeurbanne dont Azouz Begag et le film « le gone du Chaâba » en parlent ; après, ça a été les HLM, des cages à poules où on les a parqués pour du provisoire... trente ans après, ces HLM se sont transformés en véritables dépotoires... Et puis en 74, le vent a tourné, ça sentait le pétrole et la crise et on leur a dit : « Ben, écoutez, comme on commence à avoir des problèmes, comme il y a des problèmes de chômage, vous prenez dix mille balles et vous vous tirez chez vous. Ça, c’était Giscard, à l’époque ! L’humiliation suprême ! Donc vingt-cinq ans de labeur pour un salaire de misère, de solitude pour dix mille balles ! Voilà ce que valait la vie d’un travailleur immigré à l’époque. Donc, qu’on rétablisse les choses ! On leur doit au moins ça, je crois !

Donc, déjà l’immigration subie, je remets les pendules à l’heure, ensuite, l’immigration choisie, moi, ça me fait frémir quoi ! C’est limite de dire « Bienvenue à Gataca ! » quoi ! On trie sur le volet ! Alors on veut comme des médecins nazis des gens en bonne santé, forts, qui ont des diplômes parce qu’ils peuvent nous servir ; on va les user jusqu’à la moelle, hein ! C’est un peu dans la dialectique marxiste, ils n’ont plus que leur force de travail à vendre, alors, voilà, on les exploite. Là-dessus, le cadre théorique de Marx aide bien à comprendre la chose, et puis on prive leurs pays d’origine de ces cerveaux, de ces ressources humaines qui pourraient les aider à se développer, etc. Et puis après, on dira : « Oui, mais regardez, ces pays n’arrivent pas à décoller » et en même temps « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde »... Donc, très tranquillement, très cyniquement, non seulement on a pillé les ressources naturelles, on en reparlera peut-être tout à l’heure, la Francafrique etc. D’ailleurs, je fais une petite parenthèse pour rendre hommage à François-Xavier Verschave qui nous a quittés très récemment. Et puis, maintenant qu’on a fini de piller les ressources naturelles, on s’attaque aux cerveaux. Et en même temps que les cerveaux en France, les chercheurs, les universitaires sont clochardisés ; on enlève de plus en plus de crédits à la recherche, à la culture, à la création culturelle et puis on va amener la concurrence des gens venus des pays pauvres qui sont prêts à accepter, pour échapper à leur misère, des conditions de salaire et de travail moins avantageuses. Donc, la concurrence et la délocalisation ne touchent plus seulement les ouvriers mais aussi les chercheurs, les ingénieurs. Donc voilà, ce que c’est que la mondialisation néolibérale !
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wapasha
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MessageSujet: Re: Interview de Kenza, jeune femme Franco-Marocaine   Interview de Kenza, jeune femme Franco-Marocaine EmptyMar 19 Juil à 14:56

Suite :

Citation :
Jean Dornac : Parce que, finalement, il y a le risque qu’après le « plombier polonais » qui est devenu célèbre à cause du référendum, il y ait le chercheur indien, pakistanais...

Kenza : Absolument ! Absolument ! Et puis, en même temps, voilà, c’est un peu le fond de commerce du Front National et j’ai l’impression que l’UMP, surtout avec Monsieur Sarkozy, n’a pas l’intention de leur laisser garder le stock, ils mettent la main dessus ! Donc, de temps en temps, quand on va vouloir faire passer une loi sécuritaire, on va sortir l’épouvantail du plombier polonais qui va vous prendre votre boulot, de l’ingénieur indien qui va vous prendre votre boulot, du dealer fantasmé qui va violer votre fille et voilà ! Si la France a peur, tous les soirs à 20 heures, et avec ça on vous pond des lois sécuritaires qui sont dénoncées par Amnesty Internationale, qui sont dénoncées par la Ligue des Droits de l’Homme depuis deux ans. Quand on lit ces rapports, on a l’impression qu’on parle d’une République bananière, mais non, non, on parle de la France, pays des droits de l’homme...

Jean Dornac : Vous parliez de la « FrancAfrique » ; vous pouvez préciser un peu ?

Kenza : La FrancAfrique c’est un terme qui a été créé pour désigner tous les réseaux qu’a conservé la France après l’indépendance de ses anciennes colonies en Afrique, pour garder la mainmise donc pour soutenir un certain nombre de dictateurs contre des avantages pour accéder à des ressources, pétrole, minerais, etc., financer éventuellement des guerres comme au Libéria. On a su que M. Pasqua avait trempé dedans, qu’il y a eu l’affaire Elf. Donc on a pu être tranquillement financé pendant des décennies, la guerre, la pauvreté, l’exploitation en Afrique, pour continuer à profiter des ressources de l’Afrique tout en tenant un discours vis-à-vis de l’opinion publique française de : « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », etc, etc. Donc, c’est d’un cynisme des plus effrayants.

Jean Dornac : On va passer à un autre sujet, bien que ce soit toujours proche... Alain Finkielkraut parle d’un, comment dire, d’un racisme anti blanc. Je sais que cela vous fait bondir ; pourquoi ?

Kenza : Absolument ! Donc, cet appel contre le racisme anti blanc qui a été lancé par le mouvement « Hachomer hatzaïr » de « radio Shalom », signé d’Alain Finkielkraut, je cite les plus connus, Bernard Kouchner, et autres manipulateurs de la pensée, suite aux manifestations lycéennes du mois de février-mars contre la loi Fillon, pendant lesquels, à Paris, des jeunes de quartiers pauvres avaient déboulé en centre ville pour se faire un peu d’argent en piquant des lecteurs MP3, des portables, des sacs à dos, donc, on a ethnicisé la question, on avait simplement des jeunes de quartiers pauvres qui sont venus piquer deux, trois trucs à des jeunes de quartier. Ça ne veut pas dire que je fais l’apologie du vol, mais non ; c’est une question sociale de riches contre des pauvres, mais on en a tout de suite fait une question ethnique de « c’est les noirs et les arabes qui sont arrivés en furie taper les pauvres gentils blancs en centre ville. » Il s’avère en effet que les plus pauvres, ceux qui viennent de banlieues, il s’avère, et c’est vrai, que ce sont des Noirs et des Maghrébins. On devrait se poser la question de savoir pourquoi !

Mais au lieu de traiter la question sociale qui est derrière tout ça, le pourquoi de cette violence, tout de suite on l’a traité sous l’angle ethnique et de faire peur aux gens. Alors, ils nous ont expliqué qu’il fallait lever l’omerta sur un pseudo racisme anti blanc qu’on subirait depuis des années. On est donc, là, dans l’alchimie, on transforme des vessies en lanternes ! Alors moi je n’ai jamais vu qu’en France les blancs étaient agressés par les Noirs dans la rue, que dans les boîtes de nuit on ne pouvait pas rentrer parce qu’on était Blanc, qu’on s’est vu refuser la location d’un appartement parce qu’on était bien franchouillard, qu’on nous discriminait à l’emploi parce qu’on s’appelle Marlyse Dupont... Donc on vient vous expliquer bien tranquillement qu’on souffre, mon Dieu quelle horreur ! d’un racisme anti blanc... Donc je l’ai dénoncé très vigoureusement parce que c’est d’une malhonnêteté intellectuelle crasse, parce que les conséquences sont graves, ça ne contribue que d’avantage à stigmatiser une population qui n’a pas besoin de ça, sur laquelle on fantasme beaucoup ; avec l’islamisme depuis 2001, tous les musulmans ou assimilés à musulmans, -je rappelle que ce n’est pas parce qu’on est d’origine maghrébine qu’on est forcément musulman-, ce sont tous des terroristes potentiels ; on a gardé des préjugés de l’époque coloniale : les Noirs sont des brutes, les Arabes c’est des barbares, etc.

Donc, on a fait un melting-pot de tout ça, on réactive tout ce vieux racisme bien ranci de l’époque coloniale ; on divise la société : on nous parle de communautarisme, mais qui c’est qui le crée le communautarisme ? Quand vous êtes sans cesse stigmatisés, quand à chaque fois qu’il y a quelque chose qui se passe on vous renvoie à votre ethnie, à votre religion ou je ne sais quoi, les conséquences, les dommages collatéraux pour prendre un terme très en vogue chez les géo stratèges, les dommages collatéraux sont graves ! Je parlerai particulièrement du cas de mouvance d’extrême droite, les jeunesses identitaires, qui est un groupuscule fasciste qui s’est reformé après la dissolution d’ « Unité radicale », je rappelle qu’ « Unité radiale » c’était le groupe auquel appartenait la personne qui a essayé d’assassiner Jacques Chirac, il y a trois ans, le 14 juillet, donc c’est l’extrême droite la plus classique « Non à la négrisation de l’Europe » ! « Conservons la pureté de notre race » ! etc, et qui a profité de cet appel contre le racisme anti blanc pour obtenir une audience auprès de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, pour dire « vous voyez, on a raison ! Même des intellectuels qui ont pignon sur rue nous donnent raison ! » C’est gravissime et scandaleux ! Ces gens-là portent la responsabilité de donner de l’eau au moulin de l’extrême droite la plus violente, puisque le 2 mai à Nice, les gens de ce groupe, les jeunesses identitaires ont agressé gratuitement deux personnes de couleur à Nice, pour se faire du noir gratuitement ! Donc, en ce sens-là, ils ont une responsabilité à laquelle je tiens à ce qu’ils fassent face et qu’ils rendent des comptes !

Jean Dornac : Justement, qu’est-ce qu’on peut faire contre des gens comme Finkielkraut, BHL, Kouchner qui ont une certaine célébrité et que les télévisions ne cessent pas de faire parler ? Est-ce que c’est de la militance qu’il faut faire ? Qu’est-ce que vous voyez comme solution ?

Kenza : Je n’ai pas de solution clef en main... Oui, la militance, je crois que face à cela on a pas le choix, faut pas laisser faire et puis, il faut les interpeller ! On a des outils maintenant, on a Internet, on peut envoyer des courriels aux émissions, aux chaînes de télé, on peut intervenir sur les radios, on peut leur écrire, c’est ce que j’ai fait, j’ai envoyé des e-mails aux différentes chaînes de télé qui les ont reçus en leur demandant de les transmettre ; j’ai écrit à « Hachomer hatzaïr » pour leur dire ce que j’en pensais, etc, etc., pour leur montrer qu’il y avait des gens qui s’insurgeaient et qu’on n’était pas d’accord avec eux et qu’on laisserait pas faire ! Donc, il y a l’appel des « Indigènes de la République » aussi dans le contexte de -on en reparlera peut-être tout à l’heure-, de la loi du 23 février 2005, une loi scélérate qui impose aux professeurs d’histoire-géographie d’insister dans l’enseignement de l’histoire colonial de la France sur les bienfaits qu’à apporté, les bienfaits civilisateurs qu’a apporté la France dans ses colonies... je ne sais pas si les « enfumades » de Bugeaud en Algérie, les crimes, la ségrégation etc. si c’est ça qu’on appelle l’œuvre civilisatrice, loi contre laquelle se sont élevés des historiens ! Donc, qu’on laisse faire aux scientifiques leur travail, ce n’est pas à un ministre de décider ce qu’est l’histoire, c’est aux historiens de le décider !

Et là-dessus, je conseillerai l’ouvrage de l’historien Olivier Lecours-Grandmaison, sur la France et l’Etat colonial qui s’appelle « Coloniser, exterminer » et qui démontre très bien, à partir de sources de scientifiques historiens ce qu’a été l’Etat colonial, crimes, extermination, razzias, enfumades, lois racistes, ségrégation etc, choses qu’on nie dans les livres de l’histoire coloniales de la France et en particulier avec l’Algérie, c’est un grand tabou, c’est un furoncle dans la société et tant qu’on aura pas crevé l’abcès, on ne s’en sortira pas ! Parce que ça reste une mémoire douloureuse, taboue. Quand on voit que, là, pour l’anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, il y a quelques jours des anciens de l’OAS ont, par provocation voulu inaugurer une stèle à la mémoire de combattants de l’OAS assassinés en Algérie, donc, soixante après on en est encore là, on ne peut pas laisser faire, il est temps de faire notre devoir de mémoire, et de laisser les historiens travailler !

Jean Dornac : Donc, en fin de compte, on se rend compte, maintenant, que le néolibéralisme est très proche du colonialisme. Est-ce qu’il y a une différence ? Est-ce que c’est une piste sur laquelle il faut se battre pour rapprocher les peuples au lieu de les écarter ?

Kenza : Bien sûr ! Rapprocher les peuples en rappelant aux gens qu’il ne faut pas se tromper d’ennemis ! L’ennemi, c’est pas l’autre ! L’ennemi, c’est pas le voisin, l’ennemi, c’est l’exploitation, c’est la pauvreté, c’est la précarité, c’est la mondialisation libérale qui institue une sorte de néocolonialisme où on délocalise par ci, on délocalise par là, c’est les multinationales qui vont imposer des modes de consommation, des normes sociales au rabais. Donc, ce n’est pas du colonialisme politique comme on l’a connu au 19ème siècle et jusqu’à la décolonisation dans les années 60, mais c’est une forme plus perverse de, oui, de colonialisme économique, ou finalement on finance et on subventionne très tranquillement la pauvreté et l’exploitation, la dégradation de l’environnement, les guerres, puisque, ben on est prêt à se battre pour des ressources, le pétrole en Irak ; l’eau commence à manquer, donc ça va être source de conflits inévitablement ; ça va être le cas en Palestine puisque l’occupant israélien fait en sorte de rendre la vie encore plus insupportable aux Palestiniens pour qu’ils s’en aillent, en contrôlant l’accès à l’eau ! L’eau, c’est un enjeu central pour l’humanité dans les années à venir, et puis on marchandise tout, l’eau c’est une marchandise, l’air c’est une marchandise, l’humain c’est une marchandise ! Le slogan est devenu un peu classique, maintenant, mais il vaut la peine d’être répété : « Le monde n’est pas une marchandise et nous non plus ! »

Jean Dornac : A votre âge, compte tenu de ces expériences, compte tenu des dix-huit ans que vous avez passé au Maroc et, depuis, le reste ici en France, est-ce que vous gardez l’espérance ?

Kenza : Oui ! Ce serait triste de ne plus l’avoir à mon âge et je me dis que pour tous les gens qui souffrent beaucoup plus que nous, de la guerre, du sida en Afrique, quarante millions de personnes séropositive en Afrique, des gens qui ont le courage de résister depuis soixante ans comme les Palestiniens, de la lutte pour la survivance de leur culture au Tibet, la lutte des Indiens en Amérique du Sud, tous ces gens-là qui connaissent la misère, l’exploitation, le racisme, la ségrégation depuis des siècles... Quand je parle des Indiens d’Amérique du Sud, et bien je me dis que je n’ai pas le droit de baisser les bras, parce que malgré tout ça, je reste une privilégiée dans ce monde, on est quand même les vingt pour cent de nantis sur cette planète qui, quand même, disposons de quatre-vingts pour cent des ressources ! Le problème, il est là !

Jean Dornac : Merci Kenza ! Alors je rappelle que j’interrogeais Kenza qui est issue d’une famille d’immigration et qui suit un doctorat à Lyon. Au revoir !

Kenza : Au revoir !
source : http://altermonde.levillage.org/article.php3?id_article=3241

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