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 Quand les médias ignorent l’essentiel

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FleurOccitane
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Localisation : Toulouse
Date d'inscription : 30/04/2005

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MessageSujet: Quand les médias ignorent l’essentiel   Quand les médias ignorent l’essentiel EmptyJeu 18 Mai à 1:06

Citation :

Quand les médias ignorent l’essentiel

En réduisant la dernière mobilisation étudiante et lycéenne à un « mouvement anti-cpe », les médias n’ont que très peu relayé les revendications des coordinations, et sont passés à côté de nombreux enjeux... Un décalage entre les réalités et ses représentations qui nous rappellent l’urgence de développer de nouveaux moyens d’informations.



En répondant à un journaliste de télévision qui le présentait comme le « leader » du « mouvement anti-cpe » - espérant sûrement trouver en lui le nouveau « Cohn-Bendit » de la cause étudiante et lycéenne des années 2000 - Bruno Julliard, président de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) a tenu à apporter une précision, entre l’amende honorable et l’aveu : « Je ne suis que le représentant du syndicat étudiant dont je fais partie, l’UNEF. Je suis loin de représenter l’ensemble du mouvement qui s’est formé à partir de nombreuses coordinations ».

Bruno, Super héros

Et pourtant. Celui qui s’excuserait presque de se retrouver sur le plateau d’Arrêt sur Images en ce début de mois d’Avril pour « analyser la crise du CPE » (1) fut interrogé dans tous les médias, fut invité dans toutes les émissions de débat, et fut finalement présenté par les journalistes comme le « leader » de la dernière mobilisation étudiante et lycéenne. Même Le Monde n’hésita pas à en rajouter dans le lyrisme, version super héros : « Héraut de la bataille contre le CPE, le jeune homme a réussi à faire défiler derrière une même banderole représentants de salariés et de la jeunesse » (2). Rien que ça...

Nul complot. Mais pour vendre du papier et tenir en haleine les téléspectateurs, les médias ont l’habitude de personnaliser chaque « événement », et notamment les mouvements sociaux. Ainsi, avec Julliard, les rédactions en chef tenaient leur « jeune ». Gendre idéal de surcroît. Libération le décrit comme « l’impeccable Bruno Julliard, patron de l’Unef, mesuré et habile, qui s’est multiplié sur tous les supports » (3). L’intéressé l’admet d’ailleurs : « Je leur ai plu parce que je suis à la fois lisse et convaincant », bien conscient que, désormais, pour faire passer une revendication dans « l’opinion publique », l’enjeu est bien de « rassurer ». Autrement dit, rassembler le plus de téléspectateurs autour de la cause défendue.

Dans les rédactions, Julliard est ce que l’on appelle un « bon client ». Car, aujourd’hui, les télévisions engagées dans la course à l’Audimat doivent à tout prix « fédérer », et préfèrent donc mettre de côté tout conflit qui serait susceptible de diviser leur audience. Rompus aux techniques modernes de communication (4) , Julliard a donc su se faire « lisse » et « mesuré ». Et si les médias se sont tournés en priorité vers lui c’est également par « facilité » selon ses propres mots. En effet, aujourd’hui, dans la plupart des rédactions, il n’existe plus de « service social » (le suivi de l’actualité sociale est désormais confié au service économique). Les journalistes spécialisés chargés de suivre le mouvement social se font rares. Peu à peu, l’enquête cède la place au seul casting. Peu importe. Puisque la complexité n’aide pas à faire de l’audience. Résultat, « sur le terrain », les militants ressentent un décalage de plus en plus important entre la réalité qu’ils perçoivent et celle qui est véhiculée à la télévision.

CPE ou loi pour l’égalité des chances ?

Nouvel exemple avec la dernière mobilisation étudiante et lycéenne. Pour répondre aux contraintes d’audience, et par manque de moyens, les journalistes ont souvent réduit le « mouvement » aux seules organisations étudiantes et lycéennes en donnant en priorité la parole à leurs représentants. Et en relayant leur seul mot d’ordre : le retrait du CPE. Or, si les syndicats étudiants et salariés s’étaient regroupés autour de cet objectif - par « stratégie » selon un responsable de l’UNEF -, les étudiants et les lycéens se battaient, eux, pour le retrait total de la loi sur l’égalité des chances, laquelle instaure l’apprentissage dès 14 ans, met fin à l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans, autorise le travail de nuit pour les mineurs dès 15 ans et met en place le contrôle de l’autorité parentale.

Les étudiants ont également élargi leurs revendications aux questions d’éducation (abrogation de la loi Fillon, qui met en place un socle commun, rétablissement des postes aux concours d’enseignants, amputés de 30% cette année). Et, dès les premiers jours de la mobilisation, ils ont appelé à l’abrogation du CNE (Contrat Nouvel Embauche), qui concerne les salariés des entreprises de moins de vingt salariés. Ampleur des revendications, mais aussi ampleur de la mobilisation. Ainsi, le mouvement, qui s’est développé sur plus de deux mois au sein des universités et des lycées, est loin d’être uniquement suscité par les traditionnels syndicats étudiants. Car si l’UNEF a joué, dès janvier, un rôle d’information sur le CPE, ce syndicat n’a pas réussi à lui seul à initier une mobilisation nationale de masse. Jean-Marie, étudiant à Rennes, raconte : « Moi, je suis syndiqué, mais dans le mouvement je ne travaillais pas pour mon syndicat. L’ampleur du mouvement a dépassé les organisations syndicales étudiantes ». À Orléans, Florian, syndiqué à l’UNL (Union Nationale Lycéenne), le constatait également : « C’est vraiment un mouvement d’ensemble qui dépasse les syndicats, et même les clivages politiques ».

Des lieux habituellement peu réceptifs à la contestation sociale ont été animés d’un même désir de prises de parole, comme la Faculté de droit de Toulouse. Et la base du mouvement fut d’abord constituée par de nombreuses coordinations étudiantes et lycéennes qui se sont créées en quelques jours. À cette occasion, à travers les coordinations, de nombreux jeunes non syndiqués, et généralement méfiants à l’égard des organisations syndicales, se sont totalement investis dans la mobilisation, comme à Poitiers (5). Ainsi, dans les Assemblées Générales du mouvement, l’UNEF était critiquée par de nombreux étudiants. Et pas uniquement par les étudiants les plus politisés qui, eux, ont été rapidement étiquetés par Marianne « d’anarcho-syndicalistes »...

Un malaise profond

L’ampleur de la mobilisation et l’importance des revendications s’expliquent d’abord par le malaise profond de la jeunesse, malaise et ras-le-bol partagés également par les salariés. D’ailleurs, de nombreux jeunes qui se sont mobilisés ces derniers mois avaient déjà participé au combat contre la réforme Fillon de l’enseignement. Et durant deux mois, au sein des universités et des lycées, de nombreux débats ont été organisés, des films ont été projetés... Pour de nombreux jeunes pour qui c’était la première expérience militante, le mouvement fut un réel espace de politisation. Pour Lilian Mathieu, sociologue au CNRS, « dans les années 1980, les jeunes s’affichaient comme apolitiques alors qu’aujourd’hui les étudiants ont véritablement conscience que leur combat est proprement politique en termes de choix de société : le néolibéralisme a été clairement identifié comme adversaire ».

Les responsables des syndicats étudiants et lycéens étaient bien conscients de la colère qui s’exprimait à travers les AG. D’où l’aveu de Bruno Julliard face aux nombreuses réactions de défiance alors entendues, comme celle-ci : « Mais pourquoi les journalistes interrogent toujours Bruno Julliard ? Est-ce que ce mec nous représente ? Non... » Cette colère s’exprimait généralement à travers des postures pragmatiques, comme celle de Julien Vialard, membre de la coordination à Poitiers : « On n’a pas un discours révolutionnaire, mais on essaye de trouver des alternatives. On n’est pas là pour suivre le programme d’un tel ou d’un tel. On est un mouvement unitaire, mais derrière il n’y a pas une parole. L’essentiel est d’avancer, d’améliorer la situation des étudiants et des futurs travailleurs ». On est loin des rêves de Grand Soir et de l’exégèse des textes de Lénine ou autres... Logique, la grande majorité des étudiants des années 2000 connaissent déjà le monde du travail, soit pour financer leurs études, soit pour vivre tout simplement. Mais quelques journalistes nostalgiques, et qui ont les moyens de l’être, étaient bien plus préoccupés de savoir si ce mouvement correspondait à un nouveau Mai 68 ou non.

Marc Endeweld.

(1) Voir l’émission du 9 avril 2006 consacré à la mobilisation étudiante et lycéenne : « CPE : une crise à la loupe »

(2) Le Monde, 06/03/06. Voir également la rubrique « Faux amis » dans l’hebdomadaire CQFD.

(3) Libération, 21/04/2006

(4) Voir ce site

(5) Comme le souligne une enquête du Monde, « le modèle poitevin », 24/03/2006.

http://www.bastamag.org/journal/article.php3?id_article=96
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