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 Dans les usines récupérées du Venezuela

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FleurOccitane
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Date d'inscription : 30/04/2005

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MessageSujet: Dans les usines récupérées du Venezuela   Dans les usines récupérées du Venezuela EmptySam 13 Mai à 20:01

Citation :

Dans les usines récupérées du Venezuela

« C’en est fini avec la division sociale du travail, nous sommes tous égaux maintenant ! » Casque vissé sur la tête, lunettes de sécurité flanquées sur le nez souligné par une moustache grisonnante, Francisco Piñero est l’un des 60 employés d’Inveval, une entreprise récupérée récemment par les travailleurs organisés en coopérative. A Los Teques, à une heure de route de Caracas, c’est avec une fierté sans pareil que Francisco et ses camarades nous ont fait découvrir leur usine. Visite guidée...

par Sébastien Brulez

Lorsque l’on demande à ces hommes ce qui a changé depuis qu’ils gèrent eux-mêmes leur usine, une phrase revient dans la plupart des discours : « Le travail s’est humanisé, nous ne sommes plus considérés comme des machines à produire. » Et un sentiment de justice sociale prédomine « par rapport à la classe ouvrière qui a toujours été marginalisée, aliénée. C’est la lutte des classes que nous sommes en train de mener avec cette prise de l’usine. Il ne s’agit pas seulement de créer de la richesse, le but est que l’argent puisse être redistribué d’une façon plus équitable. Nous ne voulons pas nous enrichir mais répartir, pour que cela bénéficie à tout le monde, d’où le principe de production sociale », affirme Eduardo Matute qui travaillait depuis cinq ans dans l’usine lorsque celle-ci a fermé ses portes.

Eduardo, Francisco et les autres travailleurs ont dû batailler ferme pour arriver à récupérer l’entreprise et donner naissance à Inveval (Indústria Venezolana Endógena de Válvulas) sur les cendres de la Constructora Nacional de Válvulas.

Trois ans de luttes

Tout a commencé avec la grève patronale de décembre 2002 dans le secteur pétrolier et qui paralysa l’économie durant plusieurs semaines [1]. Le patron de ce qui s’appelait alors la Constructora Nacional de Válvulas, Andrés Sosa Pietri, décida d’arrêter la production pour se joindre au mouvement de grève, contre l’avis des travailleurs.

Ex-Président de PDVSA (Petróleos de Venezuela, la compagnie nationale pétrolière vénézuélienne), de 1990 à 1992, il fut l’un des premiers à impulser l’idée d’une privatisation de l’entreprise publique pétrolière via la vente d’actions aux Vénézuéliens. Après le coup d’Etat d’avril 2002 [2], Sosa Pietri créa un parti politique, « l’Alliance pour la Liberté ». Cependant, celui-ci ne survécut pas longtemps et il en créa alors un second, « Force libérale » [3].

« L’entreprise a été abandonnée après la grève pétrolière. Les travailleurs se sont retrouvés sans salaires, sans indemnisations. Nous avons alors pris la décision de porter l’affaire devant l’Assemblée nationale afin que l’usine soit expropriée et qu’elle passe entre nos mains. Nous sommes restés trois ans sur le pied de guerre », raconte Francisco Piñero, trésorier de la coopérative.

Il y eut huit négociations à l’Assemblée nationale mais le patron ne voulut rien céder, laissant les travailleurs à la rue. La seule solution proposée par celui-ci pour reprendre la production était d’annuler toutes les conventions collectives. Les travailleurs ont refusé et se sont organisés en coopérative. Ils ont alors reçu l’appui de différents secteurs de la société : « Nous avons été appuyés par le président lui-même, le ministère du travail, la communauté et certains courants comme le Courant marxiste (Corriente Marxista Revolucionaria), les médias communautaires, etc. » L’Etat a exproprié le propriétaire mais celui-ci a malgré tout perçu des indemnités, il ne s’agit donc pas d’une expropriation pure et simple.

Entreprise en cogestion

Depuis le 9 décembre 2005, les travailleurs ont pu réintégrer leur usine afin de la remettre en état, après trois ans d’inactivité. « Nous avons lutté durant trois ans mais toujours en respectant les installations. » Aujourd’hui ces installations leur appartiennent. Ils se sont réparti les tâches afin d’en assurer la réparation. Des équipes de menuiserie, de plomberie, de couvreurs, etc. ont ainsi vu le jour et c’est la coopérative qui réalise ces travaux.

L’usine est cogérée entre l’Etat et les travailleurs (51% à l’Etat, 49% à la coopérative). « L’idée est que nous assumions tout le contrôle et que nous administrions complètement l’entreprise dans un système d’autogestion directe. Cependant l’Etat nous a aidés financièrement », explique Francisco Piñero, déambulant entre les machines encore à l’arrêt. Inveval produit des vannes pour l’industrie pétrolière et son principal client est la compagnie nationale PDVSA. La reprise de l’activité industrielle proprement dite est prévue pour le mois de mars 2006, avec dans un premier temps la réparation de vannes. En ce qui concerne la production propre de nouvelles vannes, Inveval dépend de la fonderie qui fournit les matériaux bruts et qui, aux dires des travailleurs, appartiendrait au même patron. Un contrat est donc en cours de négociations avec une autre fonderie. Du temps où il était président de PDVSA, Andrés Sosa Pietri était déjà propriétaire de la Constructora Nacional de Válvulas. Fonctionnant ainsi en circuit fermé il achetait, via l’entreprise publique, du matériel à une usine dont il était le propriétaire.

« Maintenant ça suffit ! »

Une fois la production relancée, la coopérative espère pouvoir réengager du personnel. Avant sa fermeture, l’entreprise comptait 110 travailleurs, 60 ont tenu jusqu’au bout du combat. Il reste peu de personnes qui travaillaient dans l’administration, les cadres sont partis, certains ouvriers aussi. D’autres ont dû abandonner en cours de route, il fallait bien trouver un autre travail pour nourrir la famille. Mais ceux qui sont restés, des travailleurs manuels pour la plupart, croient fermement en l’avenir : « On s’est rendu compte que nous, les travailleurs, sommes capables. Les travailleurs sont la base indispensable d’une entreprise, sans eux il n’y a rien. Le patron est là haut dans un bureau et nous maintenons la production pour que l’entreprise puisse vivre. Et ça les patrons ne l’ont jamais compris. Ils ne nous voyaient pas comme des humains sinon comme des machines. Même à l’heure du repas il y avait une division, les cadres mangeaient d’abord dans le réfectoire et nous, comme nous étions avec nos salopettes sales, nous mangions après eux. Il n’y a jamais eu d’égalité. Ils ne nous voyaient que comme des machines qui produisent, produisent et produisent encore. Jusqu’au moment où le travailleur se forge une conscience et dit : Maintenant ça suffit ! »

Aujourd’hui, les membres de la coopérative veulent créer un système de travail rotatif, afin de socialiser le savoir. La coopérative vise une formation complète de tous les travailleurs où chacun fait passer son savoir aux autres. « Avant, on ne faisait pas ça. Les ouvriers travaillaient toute leur vie sur la même machine, ils passaient 20 ou 30 ans sans changer de poste, ils étaient comme des momies, ils empochaient leur salaire à la fin de la quinzaine, allaient se coucher à la fin de la journée et voilà. Maintenant c’est différent, tout est socialisé. Moi je passe mes connaissances à mes camarades, ceux qui travaillent en administration nous passent leurs connaissances et ainsi de suite. Et nous partageons l’égalité, c’est ça le socialisme du XXIe siècle. »
En parallèle à la reconstruction de l’usine et sa reprise en main par la coopérative, les missions [4] Robinson, Ribas et Sucre ont également investi les lieux. Il s’agit de missions éducatives mises en place dans tout le pays par le gouvernement bolivarien. Elles se répartissent sur trois niveaux, respectivement d’éducation primaire, secondaire et supérieure. Une aile complète de l’usine est réservée à cet effet et les missions sont ouvertes tant aux travailleurs qu’à la communauté.

Un front social des travailleurs

Actuellement, le Venezuela compte une vingtaine d’usines récupérées dont seulement trois ont été réellement expropriées. Les travailleurs, inspirés par les exemples tels que celui d’Inveval, prennent conscience de leur force et exigent de plus en plus l’expropriation des patrons en cas de fermeture de l’usine. Ce fut notamment le cas récemment à SEL-FEX, une entreprise textile récupérée par les travailleuses (principalement des femmes) et qui veulent en obtenir la cogestion.

Selon Francisco Piñero, les différentes entreprises récupérées ont des contacts entre elles : « Avec les camarades d’autres usines, comme Invepal [5] par exemple, nous essayons de constituer un front social des travailleurs où s’incluraient toutes les entreprises récupérées afin que les lois prises par l’Assemblée nationale nous incluent aussi, nous les travailleurs. Afin que des lois sur la cogestion n’entrent pas en vigueur sans que nous ayons le droit d’émettre notre avis. Parce qu’aujourd’hui les travailleurs sont pris en compte et ont des droits. C’est pour cela que nous nous battons. Même si ce sont des entreprises de différents secteurs, elles s’inscrivent toutes dans le même système d’économie sociale et populaire qui se développe ici au Venezuela, grâce au processus mené par le gouvernement. »
NOTES:

[1] [NDLR] Consultez le dossier « Lock out & sabotage pétrolier » sur RISAL.

[2] [NDLR] Consultez le dossier « Coup d’État au Venezuela » sur RISAL.

[3] Agencia Bolivariana de Noticias, www.abn.info.ve/petroleo_expediente....

[4] [NDLR] Les « missions » sont les programmes sociaux d’alphabétisation, de santé et d’éducation notamment, lancés par le gouvernement vénézuélien à partir de 2003.

[5] [NDLR] Consultez le dossier « Mouvement ouvrier et syndical » au Venezuela sur RISAL.

En cas de reproduction de cet article, veuillez indiquer les informations ci-dessous:

RISAL - Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique latine
URL: http://risal.collectifs.net/

Source : La Gauche (www.sap-pos.org), mensuel du Parti ouvrier socialiste, Bruxelles, mars 2006.

http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1620
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