FleurOccitane Rang: Administrateur
Nombre de messages : 5959 Localisation : Toulouse Date d'inscription : 30/04/2005
| Sujet: Sous le CPE, la démocratie Lun 1 Mai à 2:51 | |
| - Citation :
Sous le CPE, la démocratie
On entend ces jours-ci les noircisseurs de papiers journaux évoquer l’opposition grandissante entre la démocratie participative - celle des étudiants - et la démocratie représentative - celle du gouvernement et du parlement. La première serait celle des AG, par définition (journalistique) non représentative puisque noyautée par "l’extrême" gauche. L’institution usurpée telle qu’ainsi décrite par les médiacrates ne peut prendre que des décisions illégitimes : ainsi des blocages dont on nous explique qu’ils sont antithétiques avec le désir d’étudier de la "majorité" des étudiants ou des lycéens.
La seconde - la démocratie représentative - tire sa légitimité de la constitution et de l’élection, de la discussion parlementaire ; la loi une fois votée est intangible. Tel est l’état d’esprit des augures de bas étages, de nos messieurs loyaux (envers qui ou quoi ?), qui nous servent désormais de penseurs, de vecteurs, d’icônes.
Les deux conceptions sont contestables ensemble.
D’abord la démocratie supposée représentative n’a de représentative que son affirmation même. Ceux qui contestent à juste titre la faible représentativité des grandes centrales syndicales pour leur taux réduit de syndicalisation (moins de 10% des salariés) ne disent pas que leur pouvoir ne tient qu’à une même part infime de la population salariée. Lors des élections le taux abstention et de vote nul, le vote pour les partis non gouvernementaux, réduit à la portion congrue la représentativité d’un gouvernement issu d’un seul ou de deux partis.
Notre aimable président représente au choix soit moins de 20% des français - auquel cas il est illégitime - soit 80% des français, dont une bonne partie est aujourd’hui dans la rue et qui à juste titre réclame d’être entendue. Notre premier consul n’a jamais été élu de sa vie. Il fait semblant de dialoguer, compose son propre peuple (d’étudiants, de patrons, de syndicats), et joue avec les représentants des corps constitués. Les membres du Conseil constitutionnel qui valideront à n’en pas douter la loi inique sur l’égalité des chances (arrêtez de rire vous faites trembler le clavier), sont nommés par ces mêmes personnes non ou mal élues.
Le parlement n’a pas eu voie au chapitre et la plupart de ses membres réclament le retour à la discussion. Aucune des institutions de la démocratie représentative n’est donc ici légitime à attaquer le code du travail. D’autant qu’elles ont été désavoués à plusieurs reprises dans ce qu’on peut considérer comme une révolte continue depuis 1995 et 1997 (Trafalgar) à aujourd’hui en passant par des occurences récentes et rapprochées que sont les élections régionales (la Bérézina) et le référendum sur l’Europe (Waterloo). Il est intéressant de noter que ce sont les mêmes acteurs qui ont conduit à ces échecs retentissants mais non sanctionné par un départ dans les îles.
De l’autre côté - la chienlit, les anarchistes allemands, les casseurs, les paumés, les dingues, les syndicalistes, les privilégiés, etc.- on renvoit à une démocratie participative synonyme non seulement d’illégitimité, d’inefficacité mais aussi de violences : la démocratie participative ces jours-ci, c’est l’occupation de l’Ecole des Hautes études. Qui assiste à une AG étudiante, notamment en province (peut être les parisiens sont-ils trop dans la mémoire et l’histoire : occupation de la Sorbonne à tout prix, slogans soixante-huitard, etc.) pourrait décrire une démocratie participative active et efficace.
Les étudiants fixent des règles - notamment de discussion ouverte - , les votent. Chacun assume son vote, peut parler. L’AG organise des commissions qui ne sont pas monocolores. On est en réalité proche ici des idéaux de la démocratie représentative. Certaines AG, comme à Poitiers, fac motrice, ont d’ailleurs largement adopté désormais le modèle représentatif puisque l’ensemble du campus est réuni sur un stade pour voter à la grecque la reconduction du blocage. Mais l’AG met en marche la participation des acteurs. Voter le blocage c’est bloquer. Le citoyen prend en mains propres la démocratie et ne délègue pas de façon confortable son pouvoir. Car la démocratie demande un effort.
Elle suppose un investissement personnel et ne peut s’accomoder d’une attitude consommatrice. Or cette consommation de politique ou d’image politique est devenu le lot commun. derrière la glorification de la démocratie représentative c’est l’apologie passive d’un système politique marchand et spectaculaire qui ne fait qu’un : bienvenue à Consopolis, et vive consopolice. La consommation police les moeurs et fait mourir la cité.
Par delà la bataille anti-cpe, c’est donc la démocratie qui est en question. Les représentants n’ont de légitimité que pour une minorité dérisoire. Ils ruinent la société au nom de la démocratie représentative dont les principes sont bafoués constamment. Ils nous condamnent à être gouvernés par un extrême centre. Il est temps d’appeler avec d’autres non seulement à la dissolution (bis repetita pour l’aristocrate) mais aussi à l’élection d’une assemblée constituante destinée à refonder la démocratie.
Mais celle-ci doit s’engager dans une voie inédite de participation - pas au sens gaulliste ou actionnariale du terme - des citoyens (dont la notion devrait être élargie) aux prises de décisions. Cette réformation du modèle démocratique - protestons et proposons une hérésie politique - ne peut vivre sans une remise en cause de la consopolis qui gangrène les esprits et les institutions. Comme dirait JLB : aujourd’hui la démocratie est révolutionnaire.
http://www.cetace.org
De : cétacé lundi 27 mars 2006 http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=24960 | |
|