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 Délinquants en couches-culottes

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FleurOccitane
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MessageSujet: Délinquants en couches-culottes   Délinquants en couches-culottes EmptyMer 29 Mar à 17:56

Citation :

Délinquants en couches-culottes

de Bernard Lallement

Délinquants en couches-culottes GeorgesOrwell-s

L’affaire pourrait se donner l’apparence d’un canular, voir du scénario d’un film tiré d’une adaptation de 1984, le roman d’anticipation de Georges Orwell. Hélas, elle est bien réelle et fait grand bruit parmi les pédopsychiatres et autres "psy" de l’enfance. Libération revient dessus dans son éditorial.

L’INSERM, dans un rapport du 22 septembre 2005, recommande le dépistage, dès l’âge de 3 ans, "d’un tempérament difficile, d’une hyperactivité et des premiers symptômes de trouble des conduites" chez l’enfant.

"Des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme, l’agressivité sont mentionnés comme associés à la précocité des agressions, la persistance du trouble à l’adolescence et à une personnalité antisociale à l’âge adulte."

Ces conclusions ont provoqué un tollé chez les professionnels de santé qui lancent une pétition, ayant recueilli plus de 30.000 signatures à ce jour. Dans un texte intitulé « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans », ils rappellent qu’en stigmatisant comme pathologique toute manifestation vive d’opposition inhérente au développement psychique de l’enfant, en isolant les symptômes de leur signification dans le parcours de chacun, en les considérant comme facteurs prédictifs de délinquance, l’abord du développement singulier de l’être humain est nié et la pensée soignante robotisée. »

Le thème n’est pas nouveau et cette expertise collective ne fait que reprendre, pour une grande part, une précédente étude publiée en 2003 « Troubles mentaux : dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent » qui relevait, déjà, pour l’hyperactivité, considérée comme pathologique, : si la moyenne d’âge où le diagnostic est généralement posé est de 7 ans, les travaux suggèrent un début précoce du trouble qui pourrait dans certains cas être observé dès l’âge de 3 ans. Les premières manifestations sont généralement comportementales, de type agitation et intolérance à la frustration.

Délinquant en couches-culottes

L’idée est dans l’air du temps. A défaut pouvoir obvier à l’incertitude de notre devenir, nous prenons prétexte de la science pour circonscrire notre présent. La mode est à la prévention prédictive, que nous avons fâcheusement tendance à confondre avec la vaticination.

Ainsi, dans un rapport « sur la prévention de la délinquance », remis au ministre de l’Intérieur, en octobre 2004, le député UMP Jacques-Alain Bénisti présente « la courbe du jeune qui s’écarte du droit chemin pour s’enfoncer dans la délinquance. »

Il préconise un « dépistage » des troubles de conduites, dès la maternelle : « entre 4 et 6 ans (...) si le comportement de l’enfant est indiscipliné et créé des troubles dans la classe, l’enseignant pourra alors passer le relais à une structure médicosociale. » Et si, entre 10 et 12 ans, « les faits de délinquance en dehors du milieu scolaire s’accentuent, le placement de l’adolescent sera irréversible et fera l’objet d’une procédure diligentée par le juge pour enfants. »

En cas de survenance de « faits délictueux » entre 13 et 15 ans, « le jeune devra quitter le milieu scolaire traditionnel et rentrer dans la filière d’apprentissage d’un métier dès la fin de l’école primaire. »

Inutile de dire que toutes ces propositions confortent Nicolas Sarkozy dans sa vision préventive de la délinquance « Il faut détecter les troubles du comportement dès 6 ans. Et pas se contenter de contrôler, comme il y a quarante ans, poids, taille et vaccins (...) il faut détecter des problèmes précoces, sans attendre l’adolescence pour agir » avait-il déclaré le 3 février 05, en visitant un collège des Hauts de Seine. Il proposait, même, l’établissement d’un « carnet de comportement » de l’enfant allant « de la naissance à l’entrée dans la vie adulte. »

Le behaviorisme du 21ème siècle

Cette volonté de scientifisation comportementale et de normalisation de la maladie mentale nous vient tout droit des Etats-Unis où elle est apparue il y a un peu plus de 20 ans avec l’instauration du « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders » (DSM), une classification, se voulant universelle, des troubles psychiatriques.

Certes, on peut s’interroger sur la difficulté de faire entrer dans un ordre statistique des pathologies aux contours aussi imprécis que la dépression ou les états-limites. Mais, une telle progression va de paire avec l’émergence des neurosciences et la médicalisation de la souffrance psychique, dont la psychanalyse sera la première à faire les frais, il suffit de se souvenir du débat autour de son Livre noir..

Cette évolution est caractéristique d’une société ayant abdiqué tout esprit critique et toute réflexion épistémologique. Dans notre volonté totalitariste de vouloir comprendre l’homme, nous en sommes venu à l’objectiver et notre recherche de l’absolu confine à la pathologie, pour reprendre une expression de Nietzsche.

Notre croyance aveugle au déterministe social et à la psychomesure n’est pas sans rappeler le behaviorisme qui sévissait au 19ème siècle et opère, ainsi, une réelle régression.

Sous prétexte de sécurité publique, nous en sommes venus à dénier ce qui fait la qualité substantielle de l’être humain, sa singularité. L’établissement de normes nous rassure mais nous précipite vers le morne et l’indifférencié, c’est-à-dire vers la mort. La société de contrôle annoncée par Deleuze est en bonne voie et toute pensée n’aura de sens qu’à la seule condition d’avoir été, préalablement, expertisée.

Dorénavant on pensera pour nous. Il nous restera à panser notre vie

Bernard Lallement

Article paru dans le blog SARTRE de Bernard Lallement

-http://sartre.blogspirit.com

De : Blog
vendredi 3 mars 2006

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=23803
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