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 A l’ombre du "paradis perdu"

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FleurOccitane
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Localisation : Toulouse
Date d'inscription : 30/04/2005

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MessageSujet: A l’ombre du "paradis perdu"   A l’ombre du "paradis perdu" EmptySam 18 Mar à 23:57

Citation :

A l’ombre du "paradis perdu"

Je suis assis dans une petite maison de bois située dans les basses terres de la Papouasie-Occidentale, la partie ouest de l’île de Nouvelle-Guinée (Irian Jaya). Il fait nuit, mais l’atmosphère est moite et la température tropicale. Devant moi un des hommes les plus recherchés d’Indonésie est assis. "Tout ce que nous voulons, c’est la liberté. La liberté", me dit-il en me fixant intensément. Goliar Tabuni est un des chefs de la guérilla. Cela fait des dizaines d’années qu’il vit dans les forêts de Papouasie-Occidentale et se bat en vain contre les milliers de soldats qui occupent son pays. Ses hommes se battent avec des arcs et des flèches, quelques fusils cabossés, et ils ne peuvent pas gagner. Les leurs meurent les uns après les autres, et le reste du monde n’est même pas au courant. "Dis-leur, continue Goliar, dis-leur, en Europe, ce qui se passe ici. Si tu leur dis, ils nous aideront, n’est-ce pas ?" Je ne sais pas quoi lui répondre.

On parle rarement de la Papouasie-Occidentale, le pays natal de Goliar, dans les journaux. Quand cela se produit, les articles ressemblent toujours à ceux qui ont fait les gros titres ces derniers jours : de nouvelles espèces d’oiseaux de paradis ou de kangourous arboricoles ont été découvertes dans des forêts "inconnues" nichées dans des paysages montagneux - le "paradis de l’âge de la pierre" des tribus de Nouvelle-Guinée. Nous aimons à penser qu’un tel monde, paisible et hors du temps, existe vraiment.

La réalité est tout autre. La Papouasie-Occidentale est, à n’en pas douter, un endroit remarquable : enveloppé dans la deuxième plus grande forêt tropicale du monde après l’Amazonie, elle abrite 250 tribus qui y résident depuis quarante mille ans et parlent 300 langues distinctes. La majorité d’entre elles vivent toujours comme leurs ancêtres dans de petits villages, récoltant des patates douces, cultivant des palmiers sagoutiers et élevant des porcs.

Mais peu importe ce qu’on peut lire dans les guides de voyage, car la Papouasie-Occidentale est un pays occupé. C’est un pays dans lequel à vouloir se battre ouvertement pour la liberté, on risque la torture, voire la mort. C’est un pays interdit aux journalistes étrangers et aux représentants des droits de l’homme, plein de militaires bien armés et prêts à intervenir au moindre signe de dissidence.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, ce territoire faisait partie des Indes orientales néerlandaises. En 1949, les Hollandais cédèrent la quasi-totalité de leur empire au nouvel Etat-nation d’Indonésie. Défendant néanmoins l’idée que la Papouasie-Occidentale se trouvait en Mélanésie et ne devrait par conséquent pas être rattachée à l’Asie, ils lui accordèrent l’indépendance en 1961. Trois mois plus tard, l’Indonésie envahissait le jeune pays. L’intervention des Nations unies qui s’ensuivit n’eut que peu d’incidence : la guerre froide battait son plein, et le bloc de l’Ouest - en particulier les Etats-Unis - avait à coeur d’apaiser l’Indonésie, qui était courtisée par l’URSS et la Chine. Pour "sauver la face", il fut conclu que l’ONU superviserait un référendum devant permettre aux Papous de choisir entre l’indépendance et le rattachement à l’Indonésie. En 1969, sept ans après l’invasion, l’ONU assista au trucage du vote sans ciller. En déclarant que les Papous étaient trop "primitifs" pour se faire à la démocratie, le gouvernement de Jakarta sélectionna 1 026 leaders papous "représentatifs" et les menaça de mort avant de leur demander de voter. Le résultat fut donc sans surprise.

L’Indonésie s’engagea ensuite dans une campagne de destruction de la culture papoue. Ceux qui résistaient étaient tués, torturés ou bien "disparaissaient". Au moins 100 000 Papous ont été tués par les Indonésiens depuis le début de l’occupation. D’après certaines organisations de lutte pour les droits de l’homme, on serait en fait proche des 800 000 victimes. Les richesses naturelles locales - or, cuivre, bois, pétrole, gaz - ont été vendues à des sociétés indonésiennes ou étrangères. Des millions d’hectares de terres tribales ont été confisqués et les opposants prestement passés à la trappe. Les soldats ont assassiné, violé, torturé et brutalisé les Papous en toute impunité -, et le massacre continue.

Mais les choses sont peut-être en train de changer. Dans le monde, des organisations apparaissent qui s’efforcent de sensibiliser la communauté internationale. Au Royaume-Uni, une poignée de citoyens, dont je suis, a fondé l’initiative Free West Papua Campaign. Chaque jour, nous sommes contactés par des habitants de Papouasie-Occidentale qui risquent leur vie pour nous parler. Pas plus tard que ces derniers mois, nous avons reçu des photographies de villages brûlés par l’armée et de gens affamés réfugiés dans la jungle. Nous avons entendu parler de dissidents tailladés au rasoir ou brûlés vif par les militaires. Nous avons entendu parler d’hommes jetés en prison pour dix ans simplement parce qu’ils avaient brandi le drapeau de la Papouasie-Occidentale en public.

Ce dont les habitants de ce pays ont désespérément besoin, comme me l’a dit Goliar ce soir-là, c’est d’attention. Le monde doit savoir ce qui se cache derrière les images paradisiaques.

Ecologiste, Paul Kingsnorth est le cofondateur de l’initiative Free West Papua Campaign
( www.freewestpapua.org ).

LE MONDE - 20.02.06
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-743160,0.html

De : Paul Kingsnorth
mardi 21 février 2006

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=23455
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