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 Faire sa fête à la science

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FleurOccitane
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Localisation : Toulouse
Date d'inscription : 30/04/2005

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MessageSujet: Faire sa fête à la science   Faire sa fête à la science EmptyLun 7 Nov à 19:00

Citation :

Faire sa fête à la science

Il y aurait malaise dans la recherche scientifique...Les populations commenceraient-elles à se rendre compte du décalage entre elles et le milieu scientifique, voire à s'en méfier? La jeunesse boude les filières scientifiques? À voir, tout ça... Il convient, en attendant, pour les pouvoirs publics et la corporation de réagir et de maintenir la pression. On se souviendra peut-être comme le gouvernement avait récupéré, voire téléguidé, le pseudo-mouvement « Sauvons la recherche », qualifié de mouvement populaire, alors qu'il n'était en fait qu'un mouvement corporatiste n'ayant de subversif que de demander à l'État plus de moyens.

Ce même mouvement, d'ailleurs, conscient de ses lacunes démocratiques se mua par la suite en pétition citoyenniste, sauce altermondialiste « Ouvrons la recherche! »,pour demander, entre autres, plus de transparence (labelle blague). Cette fausse subversivité n'y suffisant pas, les pouvoirs publics nous la jouent maintenant tous les ans à la mode « éducation populaire festive » ;ainsi, cette automne encore, se tient « la semaine de la science ».
Tout ceci ne peut que laisser perplexe et appelle à une réflexion de tout un chacun, réflexion entamée il y a bien longtemps, mais délaissée depuis derrière la question sociale alors que ces deux domaines n'en font qu'un.

Sauvons la recherche »donc; mais de quelle recherche parle-t-on? De la science «éthique » ? de la science pure? Celle qui s'innocente de l'utilisation de «l'outil »qu'elle fabrique? Celle qui nourrit depuis des siècles le mythe du progrès comme d'autres nourrissent les dogmes ou les religions? Celle qui se prétend neutre? Certains chercheurs toutefois lutteraient pour « une recherche d'État et même contre le libéralisme » (comme si les deux n'étaient pas liés). Ceci est l'expression même d'une confusion volontairement entretenue et déculpabilisante vis-à-vis du rôle constituant du capitalisme que ceux-ci ne peuvent que jouer. Si ces bons apôtres de (altruisme et de l'humanisme dont ils se réclament tant avaient la moindre intégrité, ils cesseraient immédiatement toute recherche. Au lieu de cela, non contents de donner chaque jour des armes supplémentaires au capitalisme, ils fournissent à celui-ci les moyens inespérés il y a encore trente ans de réguler en temps réel les écarts et les rugosités physiques, sociales ou humaines qui ne manquent pas d'intervenir, dans une cybernétique(1) pénétrant toujours plus notre monde.

« Sauvons donc cette science cybernétique! » En faisant sciemment l'impasse sur « cet ordre nouveau », nos grands experts nous condamnent de facto à nous adapter à ce meilleur des mondes; celui du nucléaire, des biotechnologies, des nanotechnologies (2) et leur corollaire le transhumanisme (3), celui de la psychiatrie autonormée, de la médecine objectivante, des sciences sociales au service de l'assistance du même nom, un monde où le contrôle sera la condition de notre enfermement psychique ou affectif finissant par l'hôpital ou la prison, un monde où l'homme n'aura plus comme désirs que des besoins marchandisés, comme fonction la production et la consommation, et comme finalité, sa lente consumation. Cette science à qui notre cybermonde demande toujours, plus d'ordre et de rationalité niera et rejettera toujours les zones d'ombre que pourrait générer ce qui nous restera de subjectivité. Tel deux pôles négatifs d'un aimant, la cybernétique a horreur de l'opacité, de la lenteur, de l'humain et de sa métaphysique indisposition à se plier; « carte bancaire, choisissez la fluidité », pouvons-nous lire sur les panneaux autoroutiers. 11 en va de même pour les autoroutes électroniques et l'ordre social.

Alors... « sauvons la science politique? » Sauf que la cybernétique est devenue « la nouvelle politique », la nouvelle logique, elle dépasse aujourd'hui « l'idéologie capitaliste ». Enfermés que nous étions dans une conception d'un ordre statique, de lutte de classe, de conquête de l'outil (terre, usine, etc.), de valorisation de la marchandise, nous n'avons pas encore pris la mesure de cette révolution technologique, celle de l'électronique et de l'automation, dévaluant le travail, doublée d'une deuxième révolution, celle de la cybernétique sociale, de l'État régulateur, du keynésianisme. L'accumulation capitaliste se dissimule aujourd'hui derrière la circulation (de l'information, des marchandises, des valeurs jusque-là non marchandes). Nous sommes aujourd'hui dans une dynamique d'autorégulation où la lutte de classe s'est étendue en se diffusant en profondeur et à tous les secteurs de la société.

Mais est-ce encore une lutte? Ainsi, de la révolution industrielle à la révolution électronique, nous sommes passés de la valorisation du travail à celle de la valeur abstraite (la finance en est une). La science qu'elle soit physique ou sociale fut et est encore le moteur de ce processus. Ainsi, du « mouvement ouvrier », nous sommes passés au « mouvement social » pour arriver naturellement aujourd'hui au « mouvement citoyen » ; celui qui réclame à cor et à cri « de la régulation étatique » et qui à travers la pétition « Ouvrons la recherche » en appelle à « une science citoyenne » . Alors voulons-nous une science citoyenne? Nous aurons ainsi droit aux parodies de débats à grands renforts d'experts qui ne prendront même plus la peine de changer leur langage; débats postiches, expérimentés de longue date avec le nucléaire, les OGM et leurs « citoyennes facéties » ou les nanotechnologies grenobloises.

Dans tout les cas, nous y retrouverons les mêmes représentants de la social-démocratie, la même qui a fusillé l'anarcho-syndicalisme, le mutuellisme, qui a regardé agoniser la révolution espagnole, la même social-dém qui est passé en vingt ans « du col Mao au Rotaryclub », celle qui avoue aujourd'hui son étrangeté au monde ouvrier, celle du capitalisme social et cybernétique qui ne remettra donc jamais fondamentalement en cause la science et en demandera toujours plus, avec plus d'État, la gauche bien-pensante qui pense pour nous; soyez tranquilles.

Alors que nous reste-t-il à sauver? Cette science, qu'une métaphysique mourante voudrait qu'elle soit l'unique vecteur d'un progrès linéaire n'est dans les faits qu'un instrument de pouvoir. Qu'elle soit d'État pour mieux financer le non rentable ou privée pour rentabiliser le commun, qu'elle soit fondamentale pour mieux être appliquée, ou appliquée pour mieux nous asservir, cette science segmentée, que ses serviteurs prétendent neutre malgré sa toute puissance et le chaos qu'elle voudrait masquer, n'a permis à l'humain que de s'émanciper de la nature mais non de lui-même.

Hakim Bey dans son « art du chaos » pose la question de la science et de son appréhension libertaire sous l'angle du binôme « paléolithique », c'est-à-dire du système tribal de cueillette ou de chasse, autodéterminant ses besoins en fonction de ses désirs et de son environnement (autolimitation) et des « extropiens » , utilisant la technique pour la dépasser vers une construction d'autonomie. Dans ce sens, force est de constater que « l'Internet citoyen » est à l'ordre du jour de la cybernétique. Face à cela, l'option extropienne ne sera efficiente que dans une position de lutte par le sabotage aussi techniquement pointue qu'anonyme et opaque. Les « hackers » et autres pirates en sont une illustration. La cybermachine en permanence à l'affût de leur intégration possible dans ses rouages apporte quotidiennement la preuve de leur pertinence; mais qu'en est-il des biotechnologies, des nanotechnologies et autres sciences des fichiers à coups d'ADN que la peur et la domestication rendent aujourd'hui éthiquement possibles?

Enfin, l'argument quasi religieux qui touche à une compréhension monolithique du monde est celui de l'objectivité de la science. Il n'est pourtant plus à démontrer le caractère parcellaire de son territoire ne serait-ce que du fait de sa volontaire segmentation disciplinaire et de sa représentation bien maîtrisée (experts, médias, lobbys, religion, etc.).

Darwin ouYahvé? Le pétrole aujourd'hui ou les biocarburants demain? Des OGM pour la faim dans le monde ou pour la couche d'ozone? Des économistes pour répondre à nos moindres désirs? Des énergies renouvelables pour alimenter nos usines? Des nanotechnologies pour un meilleur contrôle social et une meilleure « traçabilité du cheptel humain »? Et pour finir... le chêne ou le sapin?

La science est à l'image de notre civilisation; apparemment multiple et contradictoire mais, dans les faits, systémique et totalitaire. Comment pouvons-nous encore le nier, comment pouvons-nous nous croire indemnes après Auschwitz, Hiroshima et Tchernobyl? Alors, devons-nous renoncer à toute compréhension du monde?
Comprendre le monde, réinvestir la science ne peut se faire que par la base, autour de nos besoins propres, matériels et métaphysiques. Il conviendrait alors de la renommer, lui redonner un sens ou affirmer notre nonsens (notre propre chaos), mais en tout cas, la détruire partout où elle est un instrument d'ordre et de pouvoir.

C'est en vivant concrètement des expériences autonomes et constructives pour nous-mêmes, acratiques puis fédératives, que nous nous réapproprierons un savoir collectif.
Réconcilions-nous et renouons avec une nature (à commencer par la nôtre) que la science a externalisé comme un vulgaire objet. Soyons paléolithiques dans l'âme et dans les faits et extropiens dans la lutte pour la vie sous toutes ses formes.
Tout réformisme scientiste à l'intérieur d'un système de domination est voué à alimenter le cybermonde derrière lequel se cache aujourd'hui le capitalisme. L'infime minorité des chercheurs conscients de son rôle social et des buts inavouables de la science n'a qu'une alternative: la désertion, l'obstruction, le sabotage et, pour finir, la démission afin de gagner au plus vite les zones autonomes volontairement diffuses et opaques mais elles, bien réelles.

Malheureusement, comme pour le travail et l'argent, à force de constater quotidiennement le caractère hégémonique de la science, nous finissons par la défendre avec la même rage que nos dogmes et nos religions, transformant ainsi nos compromis forcés en compromissions complices.

De même que la défense du salarié ne doit pas occulter l'abolition du salariat, que la survie ne doit pas faire oublier la destruction de la marchandise (à commencer par le travail), les conditions de travail et les facéties de chercheurs téléguidés ne doivent pas occulter la nécessaire neutralisation de la science, peut-être pour mieux nous laisser le temps de se la réapproprier. Voilà pourquoi non seulement je ne ferai rien pour « sauver la recherche » , mais j'espère que son agonie sera la plus rapide possible.
« La termitière future m'épouvante, et je hais leur vertu de robot... moi, j'étais fait pour être jardinier..» Saint-Exupéry. D.L.


Didier Leboeuf : paysan troglodyte ariégeois pour qui le tracteur n'est pas une fin en soi.

1. Cybernétique: science du gouvernement, ensemble de sciences relatives, aux communications et à la régulation dans l'être vivant et la machine; bionique, électronique mais aussi asservissement, information, rétroaction, systèmes.
2. Nanotechnologies: manipulation de la matière à l'échelle de l'atome, y compris les cellules vivantes.
3.Transhumanisme : idéologie, qui promeut la création ou la modification de l'être humain notamment au niveau du cerveau.

Le Monde libertaire #1412 du 20 au 26 octobre 2005
Mis en ligne par libertad, le Vendredi 4 Novembre 2005, 22:57 dans la rubrique "Pour comprendre".

http://endehors.org/news/8814.shtml
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