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 Que se passe-t-il à Marseille ?

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FleurOccitane
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MessageSujet: Que se passe-t-il à Marseille ?   Que se passe-t-il à Marseille ? EmptyDim 9 Oct à 15:10

Citation :

Que se passe-t-il à Marseille ? par Danielle Bleitrach.

7 octobre 2005

[ Mais Marseille parle, parle... Dans les bars, dans les transports en commun, des conversations spontanées s’instaurent pour dénoncer la situation, l’irritation est générale et il fréquent d’entendre dire que "nous sommes à la veille d’une Révolution... ou plus modestement de mai 68..." Où encore face à l’extension de la grève des bus le 5 octobre, ils secouent la tête, c’est triste mais Marseille est foutu... "Ils veulent la tuer !" ]

D’autres exposeront l’important conflit de la SNCM, la montée des luttes à Marseille comme dans l’ensemble de la France, mais dans le cadre de cet article nous avons tenté de comprendre des formes de politisation originales à travers "le cas Marseillais".

Certes Marseille n’est pas la France, c’est même la seule très grande ville qui a voté non à 60% au dernier référendum constitutionnel européen. On peut considérer Marseille comme le négatif photographique de Paris ou de Lyon. Non seulement elle a un maire de droite (élu à 15% des inscrits), alors que les deux autres ont un maire socialiste, mais elle reste une ville populaire jusque dans son centre, alors que Paris est largement une ville où seules les couches dotées de revenus confortables peuvent espérer s’installer. Enfin il faut ajouter que Marseille est la proie d’une agression généralisée. L’emploi est attaqué par les "délocalisations", type Netslé, et les vagues de privatisation du service public. Le dernier exemple touche la territorialité française entre le continent et la Corse avec la prétention de vendre (en fait de donner à perte) au privé la SNCM, la compagnie qui assure la liaison avec la Corse.

Ce dernier cas pose non seulement les problèmes habituels des privatisations du service public, mais une atteinte réelle à la capacité qu’aurait la France d’assurer la continuité territoriale avec l’île Corse. Chacun sent bien que l’argument gouvernemental du diktat européenne n’en n’est pas un. En réalité, il faut porter l’estoquade au service public, pouvoir mettre en concurrence entre eux les salariés. Une logique globale, celle du profit contre les salaires, contre la vie. La décision n’est pas "négociable" ni pour les uns, ni pour les autres, le cas est trop gros, c’est le blocus du port. C’est là la toile de fond : il n’y a plus de "compromis" possible, l’opposition est frontale, car l’agression est globale, ne laisse pas d’espace de repli...

Car il faut bien mesurer que ces agressions contre l’emploi, le service public ont lieu dans un contexte de dégradation massive du pouvoir d’achat et de hausse du prix des logements qui stupéfait les Marseillais. Ils découvrent des loyers bien plus élevés que leurs salaires, dans les quartiers bourgeois, pourtant ce ne sont pas les beaux quartiers qui sont frappés en priorité par cette hausse, mais les quartiers populaires. A la violence sur l’emploi s’ajoute une violence sur le droit au logement, sur les salaires ou les pensions qui ne permettent pas de "tenir" tout le mois.

Et pendant ce temps là, la mairie multiplie les signes de l’éviction, de "la gentrification". On songe à l’admirable analyse de Los Angelès de Mike Davis, la cité de cristal, où il montre comment toute la ville renovée est destinée à évincer les plus pauvres, le mobilier urbain est destiné à empêcher l’installation, la promenade, la rue à ceux qui ne peuvent pas "payer". A Marseille le maire plante des palmiers très côte d’Azur qui ne résistent pas au Mistral, des immeubles que chacun juge d’une laideur abominable surgissent en front de mer à des prix prohibitifs, des rues commerciales désertées par les chalands, condamnées par des travaux d’installation d’ un tramway qui redouble à l’identique en surface les lignes de métro, à la vente à la découpe aux fonds de pension de la rue de la République, les familles modestes en sont chassées, la fermeture de la plage populaire des Catalans en septembre et l’installation des horodateurs. C’est un champ de bataille, avec partout la symbolique de l’éviction. Pour Gaudin, le maire UMP, Marseille doit comme Paris et Lyon devenir une ville "chic"et pour cela il faut déporter rapidement ses habitants populaires vers une quelconque périphérie. Tout "l’urbanisme" de la mairie de Marseille va dans ce sens et les Marseillais en sont conscients, on veut les chasser de leur ville.

Il faut encore noter un phénomène qui est rarement souligné et qui accroît le caractère explosif de la situation : ce sont les jeunes à qui est demandé le plus fort ajustement à cette dégradation de la vie quotidienne. Non seulement ce sont eux qui doivent assumer les nouveaux statuts de la privatisation, les baisses réelles de salaire à l’embauche mais aussi l’explosion du prix des loyers. [1]


La crise de la représentativité politique :

Nous avons ici à Marseille l’illustration d’un premier paradoxe de la vie politique française. La gauche est élue à Paris avec le vote des "bobos" et à Marseille il y a une droite élue à cause de l’abstention massive de couches populaires. L’analyse plus fine des arrondissements permet d’observer cependant une partition nord /sud de la ville, avec dans les quartiers nord des mairies d’arrondissement soit à dominante communiste, soit socialiste. Donc cet apparent paradoxe doit être nuancé, il y a des traditions de vote dans les mairies de secteur. La caractéristique principale, qui aboutit à ce que la non inscription des jeunes, l’abstention des couches populaires débouche dans cette ville sur l’élection d’un maire de droite, est que ces traditions "de gauche" de certains quartiers y compris dans le sud, ont perdu leur base organisationnelle. On a assisté à la déperdition d’une véritable vie politique à la base, surtout dans les couches populaires. Le même constat peut être opéré sur la difficulté à toucher les jeunes. Le PCF n’a plus de véritable organisation et les autres partis de gauche et d’extrême-gauche connaissent les mêmes difficultés, leur implantation tend de plus en plus vers les couches moyennes, les appareils politiques vieillissent sans véritable renouvellement.

Pourtant, le 29 mai, l’analyse des bureaux de vote marseillais témoignait de la radicalité du vote de classe. Les abstentionnistes s’étaient mobilisés et dans les mêmes quartiers, on pouvait constater un vote en faveur du NON qui reproduisait presque à l’identique les votes communistes d’il y a trente ans. Pouvait-on en déduire comme l’on fait hâtivement les dirigeants du PCF locaux ou les socialistes partisan du NON, que l’influence des partis de gauche et d’extrême-gauche avait été déterminante dans ce vote ? Une telle appropriation peut conduire à de sérieux mécomptes. Le meeting de Martigues avec les leaders du NON fut un moment de grande présence et d’enthousiasme mais il s’agissait d’un meeting régional dont il faudrait comparer les participants, militants, avec la capacité qu’avait jadis le PCF de remplir le stade vélodrome à lui seul. A la veille du scrutin, le comité du Non du quartier du port ne regroupait pour écouter un dirigeant d’ATTAC et un vert partisan du OUI qu’une vingtaine de participants. Alors même que le 29 mai, quelques jours après, il y a eu un véritable raz de marée en faveur du NON dans ce même quartier du deuxième arrondissement.

Nous avons donc un premier paradoxe, une géographie électorale qui coïncide avec des zones traditionnelles d’influence politique et des appareils militants qui mobilisent faiblement. Expérience qui vient de se renouveler dans le conflit de la SNCM, si l’on compare la participation au meeting du 3 octobre de tous les leaders nationaux de la gauche devant le port et la manifestation du lendemain. C’est peu de dire que les leaders de la gauche n’avaient même pas fait le plein des marins en plein conflit et de leur famille, il n’y avait pas plus de 500 personnes pour écouter les orateurs pourtant installés devant les grilles du port, alors que le lendemain plus de 100.000 personnes défilaient dans les rues derrière le port en lutte, avec l’approbation de toute la population. Il faut analyser cela si l’on veut recréer des liens entre les forces politiques et ces couches populaires qui n’ont pas renoncé à un comportement "abstentionniste" au delà du 29 mai. Le problème reste entier et la question de la représentativité continue à être posée, il n’y a pas nécessairement désaveu mais absence de confiance dans une quelconque issue politique. Nul ne peut s’en réjouir et il faut partir pourtant d’un tel constat si l’on veut changer les choses... Non pour se flageller, non pour critiquer le peu qui peut être fait, mais pour bien mesurer ce qu’il reste à faire.

L’hypothèse sociologique concernant cette influence des forces politiques est que, si elle a existé le 29 mai, elle est demeurée marginale, les comités du NON n’ont pas touché en profondeur la population marseillaise, celle-ci s’est mobilisée sur d’autres bases. Lesquelles ? La première est celle des collectifs de travail, le rôle de la CGT a été important en particulier dans les entreprises où elle est forte et organisée comme dans les grandes administrations type la sécurité sociale ou le port. La campagne à la base a parfois coïncidé avec celle des leaders de la gauche comme avec la circulaire Bolkenstein, mais en général il y a eu d’importantes distorsions, l’exemple type étant la manière dont aucun leader du NON n’a porté la question pourtant essentielle de la montée du coût de la vie avec l’euro.

Mais il n’y a pas que les thèmes, le public n’était pas souvent aux rendez-vous et c’est encore le cas aujourd’hui.

Donc il y a eu des circuits de mobilisation, les collectifs de travail et sans doute les familles. Il y a eu partout de véritables discussions politiques sur le référendum dans des sociabilités non organisées, famille, voisinage... Tous les indicateurs vont dans le même sens, les militants les plus actifs et organisés des forces de gauche souffrent de la même difficulté d’implantation dans les couches populaires qu’une organisation comme ATTAC. En revanche, à Marseille du moins, on a assisté à la multiplication de micros débats spontanés entre des familiers ou des inconnus. Et cela se poursuit... Une effervescence au quotidien qui ne se traduit pas par un surcroît de présence aux débats politiques, ni semble-t-il un "plus" organisationnel. Il faut nuancer là encore parce que le cas Netslé est là pour le prouver, il y a eu des entreprises généralement menacées soit de privatisation (la compagnie des tramways) ou de fermeture, autour desquelles et dans lesquelles les activités militantes ont connu un regain de vigueur.

Aujourd’hui la rue est restée politique et l’exaspération y est palpable, alors même que les débats n’attirent pas un public correspondant. Il y a bien sûr beaucoup d’ignorance, nul ne prévient les gens de l’existence d’une réunion et ils lisent de moins moins les journaux. En revanche dans le métro chacun est penché sur son journal gratuit. Quand on doit faire des économies, la lecture est la première sacrifiée. Et comme il n’y a plus de militant pour prévenir les gens du quartier, de l’entreprise.... Mais Marseille parle, parle... Dans les bars, dans les transports en commun, des conversations s’instaurent pour dénoncer la situation, l’irritation est générale et il fréquent d’entendre dire que "nous sommes à la veille d’une Révolution... ou plus modestement de mai 68..." Où encore face à l’extension de la grève des bus le 5 octobre, ils secouent la tête, "C’est triste mais Marseille est foutu... "Ils" veulent la tuer !" La frontière entre la légalité et l’illégalité dans le port marseillais a toujours été mouvante, mais elle est s’efface aisément (encore plus en Corse) quand l’Etat donne l’exemple de l’abandon de sa maîtrise sur un territoire comme dans le conflit de la SNCM. Il y a une crise dans laquelle on exige qu’une part grandissante de la population s’ajuste à la baisse, dans la douleur, sans filet de sécurité. [2]

[...]

http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2742
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FleurOccitane
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MessageSujet: Re: Que se passe-t-il à Marseille ?   Que se passe-t-il à Marseille ? EmptyDim 9 Oct à 15:12

(suite)

Citation :

Une mobilisation comme celle contre les horodateurs traduit assez bien cela. Depuis des mois, elle ne se relâche pas et ce dans divers quartiers de la ville. Non seulement le rejet donne lieu à des manifestations appelées par des affichettes dans les vitrines des commerçants mais un nouveau seuil a été franchi avec le sabotage par les habitants des horodateurs qu’a tenté d’installer la mairie. Cette dernière a du "reculer" à sa manière : on ne parlerait plus des horodateurs tant qu’il n’y aurait pas des parkings. Les élus de gauche se sont félicités de cette "victoire", mais il n’y a qu’eux. La population a fait ses comptes, les parkings en question reviendront plus chers que les horodateurs. Ce "recul" va dans le même sens que tout ce qui se fait à Marseille en ce moment : il s’agit de rendre impossible aux Marseillais dont les salaires moyens sont modestes la possibilité de continuer à résider dans leurs villes, dans leurs quartier. Le phénomène des horodateurs et la mobilisation populaire qui ne faiblit pas autour de cette installation témoigne là encore d’une sociabilité rebelle, exaspérée, large, quasiment individualiste face à laquelle les organisations politiques manifestent une certaine impuissance.

Le référendum a permis d’exprimer tout cela. Les abstentionnistes se sont mobilisés sur cette base, le thème cher aux "nonistes" de gauche expliquant qu’il fallait dire NON à la Constitution pour dire OUI à l’Europe ne les a pas atteint. C’était plus simple et plus complexe à la fois. Il fallait entendre ce qui se disait : "ce n’est pas de la politique, c’est de notre vie et de celle de nos enfants qu’il s’agit !" Il est tout de même extraordinaire que l’on en soit arrivé à ce que les enjeux essentiels soient ainsi dissociés dans les couches populaires de ce qui relève du "politique", les partis, les jeux de pouvoir.

On peut émettre l’hypothèse que plusieurs faits ont concouru à une telle dissociation entre l’essentiel, la vie, et la politique devenue un jeu pour intiés. Il y a l’expérience d’une gauche et d’une droite qui arrivées au pouvoir mènent la même politique. Il y a aussi l’image médiatique des jeux politiciens, des rivalités de personne à l’intérieur des appareils. Mais il y a pour conforter tout cela, un phénomène spécifique des partis de gauche et singulièrement du PCF. Le PS a complètement transformé son personnel dirigeant, rompu avec le monde ouvrier et employé et promu un appareil technocratique. Le PCF, sans aller aussi loin dans l’évolution, a détruit ses organisations de proximité où une monde ouvrier et employé pouvait s’exprimer et ce au profit des sections qui n’en finissent pas de se regrouper et se vident des militants. Un peuple qui proteste et des partis de gauche en proie à la désertification. Chacun espère ou craint (la direction du PS) que les comités du NON puisse recréer ces organisations de proximité, ce contact avec les couches populaires, mais tels qu’ils sont ils en sont loin. Donc la première urgence, si cela est encore possible, serait non de multiplier les forums, mais bien de réfléchir à reconstruire un tissu social de proximité qui corresponde à cette effervescence populaire et ne soit pas un doublon des comités d’ATTAC.

Cela passe par un certain nombre d’orientations, en particulier du fait qu’il ne s’agit pas de constituer des dossiers d’analyse mais bien d’élaborer des analyses qui favorisent l’action, l’intervention des populations qui vivent une insupportable agression. Toute la réflexion des forces de gauche si l’on veut trouver une issue doit être orientée sur "Comment favoriser l’intervention populaire", moins de dossiers et plus de propositions concrètes autour desquelles se rassembler. Un programme politique doit lui-même être orienté en ce sens : voilà ce que nous voulons précisément, ce sur quoi nous ne céderons pas quoi qu’il arrive. C’est à ce prix que la question de la recomposition de la gauche, celle des échéances aura un sens.

En outre, on pourrait reprendre la phrase d’Archimède : "donnez-moi un levier et un point d’appui et je soulève le monde". Le levier aujourd’hui c’est le caractère insupportable de l’agression subie par les couches populaires mais pas seulement , c’est le salariat dans sa masse qui est atteint [3] . Quel est le point d’appui, la conscience qui est possible de changer les choses. Il est clair que depuis le début des années quatre-vingt il n’y a plus eu de conquête sociale, que des échecs. Le NON à la Constitution a été un "séisme" parce que c’est la première "victoire". La Constitution a été abolie, il ne faut pas minimiser cette victoire en disant par exemple que le gouvernement fait comme s’il ne c’était rien passé. Cela renvoie à l’analyse fausse du PS au lendemain de la victoire du NON qui aurait été un vote sanction contre le gouvernement français. Les Français ont obtenu ce qu’ils voulaient en repoussant cette constitution. Maintenant il s’agit de poursuivre dans la même voie, en mettant en pièce la politique néo-libérale. Le 29 mai est une étape pas un coup d’épée dans l’eau. Enfin dans ces temps de mondialisation où l’on explique que tout est de la faute des salaires chinois ou des peuples du Tiers monde qui nous envahissent, où on tente de nous impliquer dans une gestion paranoïaque de la planète et de notre propre pays, il faut montrer au peuple français que sa volonté de résistance n’est pas isolée, partout en Europe, mais aussi sur la planète les peuples luttent contre le même ordre injuste. Nous ne sommes pas en concurrence comme ils voudraient nous le faire croire... [4]

Danielle Bleitrach, sociologue.


Danielle Bleitrach vient de publier avec Maxime Vivas et Viktor Dedaj Les États-Unis DE MAL EMPIRE Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud, Atheles.

[1] Un jeune homme m’expliquait ainsi sa vision du devenir de Marseille : "on va offrir logements, cadre de vie aux retraités aisés de toute l’Europe, et pendant ce temps les emplois qui nous seront offerts à nous les jeunes seront essentiellement des emplois précarisés, sous payés pour assurer "le confort" de ces retraités aisé, mieux nous leur payerons leur retraite alors que les nôtres seront démantelées." Choquée par ce conflit intergénérationnel, je lui ai rétorqué qu’il n’avait qu’à se battre comme nous nous étions battus et que son discours accompagnait le néo-libéralisme du pouvoir, comme d’ailleurs leur inertie politique favorisait ce même pouvoir. Ce jeune homme aussitôt a précisé : "votre génération n’a rien conquis du tout, ce sont vos parents, ceux qui ont fait la résistance. Vous, vous nous avez bassiné avec mai 68 et vos barricades mais vous avez tout perdu, vous n’avez été que des enfant gâtés". Il me semble que le constat fait de la crise de la représentativité des forces politiques de gauche par rapport aux milieux populaires a encore une dimension aggravée si l’on considère les jeunes, non seulement de ces couches populaires mais mêmes ceux issus des couches moyennes qui sont entrés dans des processus de déclassement par rapport à leurs parents.

[2] Si Marseille n’est pas la Corse où les ruptures avec la légalité comme le détournement d’un bateau sont saluées par une population qui n’est pas pourtant majoritairement indépendantiste, une sorte d’indulgence flotte dans l’air pour celui qu’on oblige à sortir du "droit chemin". Aujourd’hui cela va plus loin, quant un élu municipal parle d’arrêter les "vandales" qui sabotent les horodateurs, il se heurte à un front hostile où chacun s’estime prêt à en faire autant. On pense au phénomène paysan qui a précédé pendant un siècle la Révolution française, le vol du bois mort. Aucune loi, aucun châtiment n’a pu empêcher les paysans d’aller voler ce bois mort dans les forêts seigneuriales. Quand l’injustice apparait inscrite dans la loi, quand le pouvoir bascule totalement dans l’illégalité morale, le refus quotidien et obstiné de la loi est une réponse pré-révolutionnaire, le terreau... A Marseille, face à l’agression multiforme, il y a incontestablement un rejet plus ou moins conscient de la légalité. Le phénomène est local, mais il a une dimension planétaire, quand les Etats-Unis peuvent envahir un pays souverain, quand la France peut imposer à l’Afrique les dirigeants qu’elle a choisi, et quand un individu comme Soros peut mobiliser une armée de juristes pour violer les protections nationales et couler une économie, le tout sous couvert d’une légalité dont ils sont maîtres de la définition et que tout cela se confond avec la démocratie, que signifie le droit sinon la possibilité de substituer les intérêts privés d’une poignée à l’intérêt général.Dans le conflit de la SNCM, le fait que le repreneur appartienne à un sérail proche du premier ministre, qu’il lui soit donné à perte tout le patrimoine de la compagnie pèse lourd. Autant que la conscience aigüe qu’il y a là un "naufrageur" aux liens suspects,à qui l’on confie le soin d’en finir avec un service public essentiel, de le transformer en pavillon de complaisance recrutant des travailleurs sous payés et sans statut.

[3] Non seulement le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés est atteint (les cadres, et les diplômés compris), mais il faut bien mesurer qu’à travers les enfants, la jeunesse c’est la possibilité d’une mobilité ascendante, les difficultés des jeunes générations qui pèsent sur les familles.

[4] Une telle compréhension est indispensable non seulement pour lutter contre le sentiment de fatalité qu’impose l’idée que les processus venus de l’étranger nous échappent, mais elle est essentielle pour affronter les dangers de fascisation d’une révolte sans issue politique. Enfin comme beaucoup de jeunes les plus en difficulté sont issus de l’immigration, la nécessité d’une autre compréhension de la planète s’impose. CF. notre livre :Danielle Bleitrach, Viktor Dedaj, Maxime Vivas, DE MAL EMPIRE, ces leçons de résistance qui nous viennent du sud. Aden éditeur. Septembre 2005. On pourrait résumer l’esprit de ce livre en une phrase : ils n’ont pas toutes les cartes en main, il est possible de faire autrement. Ne pas comprendre que dans un temps de mondialisation, la bataille doit être certes localisée, concrète, mais aussi bien mesurer l’ampleur du champ, fait partie des limites de la pensée politique de la gauche aujourd’hui et singulièrement des communistes, chez qui la chute de l’Union Soviétique a correspondu à une perte de repères, et à un repliement...

http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2742[/quote]
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FleurOccitane
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MessageSujet: Re: Que se passe-t-il à Marseille ?   Que se passe-t-il à Marseille ? EmptyDim 9 Oct à 17:10

Citation :

L’avenir de la France

L’article de Danielle Bleitrach, Que se passe-t-il à Marseille ? est fort intéressant car il se livre à une description de la situation réelle et non à un portrait politico-journalistisque rapide et il nous livre à l’échelle d’une ville ce qui est en train d’affecter la société française tout entière. Il montre que la population marseillaise commence lentement à prendre conscience, de manière encore confuse et très personnalisée, de trois choses :

— - Le conflit de classe que nous vivons n’est pas une épreuve passagère, mais une lutte d’antagonismes inconciliables aux effets de plus en plus visibles, d’où le sentiment de désespoir et de colère croissant des individus qui en subissent concrètement les conséquences.

— - Les partis et les associations de gauche ne sont plus envisagés comme des instruments de lutte efficaces car ils tiennent un discours réformiste plus ou moins courageux, plus ou moins sincère (d’où la contradiction entre le retour des couches populaires aux urnes et la désaffection des sections PC, une mobilisation croissante de la population dans la contestation et des débats publics d’orateurs qui n’éveillent aucun intérêt).

— - En conséquence, se sentant menacés et sans espoir d’un changement clair porté par une force politique, une colère sourde fait peu à peu s’effacer les tabous des esprits : la désobéissance civile n’est plus nettement condamnée dans les gens, l’idée d’une révolution commence à être formulée sans provoquer de haussements d’épaules moqueurs.

Quelles seront les conséquences de cette situation ?

A moins d’un brusque et miraculeux changement d’orientation socio-économique, les conflits de classe vont continuer à s’accroitre, amplifiant le mouvement de colère et de désespoir actuel, ce qui amenera inévitablement les masses populaires à tenter de se défendre. Cette défense prendra trois formes : le gauchisme (avec des actes de violence et d’émeute isolés), le fascisme (avec un investissement massif des structures du FN), la réapparition de partis révolutionnaires (par l’investissement massif des structures de la CGT, puis du PC).

Ces trois conséquences sont en train d’émerger doucement dans le paysage : le site bellacio par exemple voit fréquement s’afficher les réactions d’excités gauchistes qui appellent à l’émeute, ces paroles risquent, à mesure que les tensions sociales s’accroissent, de se transformer en actes ; le Front national, qui n’est pas encore un parti fasciste, mais un parti populiste mêlant capitalisme et racisme, est en train de virer doucement au fascisme : Le Pen est contesté par des militants plus radicaux. A mesure que les tensions sociales vont s’accroitre, la gauche militante ira en se renforçant et le FN en tirera prétexte pour se radicaliser. La possibilité que réapparaissent des groupes fascites violents, sur le modèle de La Cagoule, sera alors probable. Quant à la montée révolutionnaire, on en voit les prémisses : les militants du PS sont en train de faire un virage à gauche, timide certes, mais bien réel, la CGT de connaitre un flux de syndicalisation, le PC de ressusciter. A mesure que les tensions sociales continueront de s’accroitre, ces 3 instances radicaliseront à leur tour leurs idées. Le réformisme sincère et courageux auquel se livrent Bernard Thibault et Marie-George Buffet fait déjà l’objet de contestations dans leurs propres rangs.

Que sortira-t-il de tout cela ?

Toute radicalisation politique d’un pays amène avec elle des larmes, du sang --- mais pas toujours la victoire. Etant donné le combat qui s’annonce dans les prochaines années, je crois qu’il est du devoir de chacun d’entre nous de veiller à articuler en son âme et conscience deux choses : une réflexion politique et militante courageuse, radicale et sans concession ; le refus du fanatisme, de la violence et de l’appel au meurtre. Toutes les dérives commises par le passé, tout le chavirement notamment de la révolution bolchévique dans l’antidémocratie sont venues de cette confusion. Fanatisme et radicalité politique, violence et militantisme n’ont jamais libéré ou amélioré l’existence d’aucun être, a fortiori d’aucun peuple. Nous ne sortirons vainqueur de l’avenir qui s’annonce qu’en liant la puissance d’analyse de Marx au militantisme courageux de Gandhi. Tout autre voie ne peut mener qu’à l’abîme.

Yann Le Dorner Professeur de philosohie.

De : Yann Le Dorner
samedi 8 octobre 2005

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=19450
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FleurOccitane
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MessageSujet: Re: Que se passe-t-il à Marseille ?   Que se passe-t-il à Marseille ? EmptyLun 24 Oct à 5:43

Citation :

Il y a beaucoup de leçons à tirer de la bataille marseillaise ! par Danielle Bleitrach.


[ Marseille ces dernières semaines a parlé et agi non en fonction de quelques particularismes locaux mais comme la majorité de la population française l’avait fait le 29 mai. La victoire du 29 mai, l’échec des marins, sont des étapes, le combat continue, mais il y a des leçons à tirer de la victoire comme de l’échec, pour remporter la prochaine. ]


Marseille, 15 octobre 2005.


A propos de Cuba et d’autres pays en proie aux campagnes de dénigrement médiatique, il m’est arrivé d’avoir envie de hurler tant le mensonge était grossier. Concotée dans les officines de la CIA, à Miami, l’information paraissait si énorme que l’on se demandait qui pourrait y croire [1]. Mais quand tout à coup, on se retrouve avec les mêmes méthodes de truand en France, dans la ville dans laquelle vous vivez, on s’interroge sur ce que "la presse libre" est capable d’inventer ?

Lundi matin, Le Parisien annonce un "scoop", les marins marseillais, et leur syndicat CGT pillent la SNCM, en empochant les recettes de boisson et de restauration des navires. le journaliste affirme tenir son information du repreneur. Et toute la journée les télévisions et les radios ont relayé "l’information". Après avoir été accusés de couler la compagnie de navigation par leurs grèves incessantes, voici que les marins, leur syndicat CGT, sont accusés de détourner l’argent. A vomir. La réaction de la CGT des marins ne se fait pas attendre, le syndicat porte plainte contre Le Parisien. Quant au repreneur il affirme n’avoir jamais donné une telle information à quiconque. On se doute que si les faits étaient avérés, le repreneur, le gouvernement les auraient utilisés pendant les négociations. Mais il s’agit, comme tout au long du conflit de stigmatiser ceux qui osent résister, de les isoler dans l’opinion publique, de transformer Marseille en repaire de voyous. Si cette ville avait un maire digne d’elle, ce serait lui qui devrait porter plainte. Parce que cette nauséabonde affaire, grand air de la calomnie, cette déformation systématique de la réalité a été le pain quotidien dont nous avons été abreuvés tout au long de ce conflit. Et si nous avons éprouvés un sentiment d’isolement, de trahison, tout a été fait pour cela. La propagande médiatique, cela sert à cela, à isoler ceux qui résistent, à les déconsidérer, mentez, il en restera toujours quelque chose.

La vérité sur le conflit.

Nous avons tout subi à Marseille pour que soit étouffée la voix d’une ville rebelle, de marins qui se battaient non pas seulement pour eux, mais pour le service public, pour l’intérêt national, qui étaient confrontés à de vrais voyous de haut vol, ceux qui se servent, dilapident le patrimoine du pays. Sous couvert d’"informations", vous n’avez eu droit dans les médias qu’à ce qui pouvait peser en faveur du gouvernement, du patronat et ce jusqu’au mensonge pur et simple, comme l’invention de cadres agressés par des grèvistes à demi-voyous. Il n’y a pas que les journaux ou les télévisions nationales, La Provence, le produit Lagardère local et son supplément gratuit, n’ont cessé de peser sur le conflit des marins et celui des traminots pour aider les prédateurs du MEDEF, du gouvernement et de la mairie, ils continuent pour le conflit des traminots et tentent de trouver "des usagers en colère". Il faut ajouter que seuls L’ Humanité et La Marseillaise ont fait entendre un autre son de cloche.

Le contexte : les mensonges et l’honneur d’une ville qui se bat.

Pendant tout le conflit des marins, on vous a menti, présenté des jusqu’aux boutistes isolés qui avaient fini "par choisir la privatisation" (sic) de la SNCM. Et tandis que Villepin venait expliquer devant les caméras de télévision qu’il était pour le dialogue social, le gouvernement se conduisait à Marseille comme le représentant direct du MEDEF, provocateur et méprisant de toutes les revendications des salariés de l’entreprise, une véritable honte. A toutes les propositions, ils répondaient par la menace d’un dépôt de bilan, la condamnation pure et simple de la liason avec la Corse. Ils bafouaient sans état d’âme la territorialité française. On vous a caché le bradage pur et simple de tout un patrimoine national, batiments, navires, laissé à perte à un copain du ministère.

Ce qui a été occulté, déformé, a été à quel point les marins ont porté non seulement leur propre statut mais aussi une responsabilité nationale, Marseille tout entière a défendu cet enjeu, comme elle défend les traminots, même si La Provence ou la télévison locale se battent les flancs pour dénicher des "usagers mécontents" . Parce qu’ici au moins on sait ce que l’attaque du service public, signifie pour le patronat la possibilité de mettre a quia tous les salariés y compris ceux du privé qui ont moins de capacité pour se défendre, que cela signifie pour tous : les droits fondamentaux, à la santé au logement, à l’éducation bafoués. C’est logique, le privé ne reprend pas un service public pour défendre l’intérêt général, mais pour le profit de ses actionnaires et les rentes confortables de ses PDG, qui se sont avérés jusqu’ici bénéficier de primes à l’incapacité, à commencer par France télécom. Alors qu’on ne nous raconte pas que le naufrageur d’entreprises qui se présente pour assumer le destin privatisé de l’entreprise SNCM, vient pour rétablir une situation menacée par les marins et la CGT. De cela, une bonne partie de la population marseillaise est convaincue.

S’il arrive que chez un commerçant une voix tente de s’élever pour relayer les mensonges, pour dire que c’était la CGT et ses grèves qui coulaient le port, dix voix lui répondent que sans le combat des travailleurs, nous serions encore au Moyen-âge. Ainsi hier matin cette femme qui se plaignait d’avoir du faire des kilomètres à pied pour se rendre à la Sécurité sociale : "T’inquiète, si tu ne te bats pas, t’auras plus à aller à la sécu, tu n’en auras plus... Parce que sans les combats de nos aînés, tu n’aurais pas de sécurité sociale ! Et "ils" veulent nous l’enlever !"

La haine contre le patronat, le gouvernement et ce maire mal élu qui livre sa ville à l’encan est grande, et on ne se fait aucune illusion sur leurs mobiles.

Et s’il n’y avait qu’eux, eux c’est logique, ils sont de droite, mais que dire de certains syndicats comme la CFDT, Chérèque jouant une fois de plus les jaunes, le PS national faisant la fine bouche et manifestant sa volonté de "laisser faire", prenant prétexte de ses divisions internes pour ne pas soutenir les marins. Le PS local n’est pas en reste, il poursuit ses querelles pour le pouvoir entre Guerini, le président du Conseil Général et Vauzelle, celui du Conseil Régional sur le dos des marins et du service public. Ils s’opposent sur les solutions et semblent ignorer le dossier solide présenté par les marins que seuls l’humanité et la Marseillaise ont popularisé.

C’est en ce sens que beaucoup ont pensé que le meeting des "nonistes" devant le port n’était sans doute pas la meilleure des choses, une apparente radicalisation des mots d’ordre, un soutien que nul ne peut leur reprocher mais qui n’était pas la meilleure manière de rassembler. Le PS national y a vu l’occasion de marquer sur le dos des marins, la même ligne que celle qu’il venait de tenir dans la bataille pour la Constitution. OUI au traité, OUI au néo-libéralisme, comme la droite et le patronat, OUI au bradage de la SNCM. C’est pour cela que la une de L’ Humanité avec son trombinoscope de dirigeants du PS affirmant qu’ils s’opposeraient à la privatisation d’EDF a été mal vécue. Non seulement ces gens-là avaient plus ou moins initié à Lisbonne la dite privatisation et avaient plus privatisé que la droite quand ils étaient au pouvoir, avaient mené campagne pour le OUI à la Constitution, mais ils venaient d’affaiblir la lutte des marins de la SNCM. Et après toutes ces trahisons, ils avaient le front de venir s’exposer dans un journal communiste qui se prêtait à l’opération, pour dire qu’ils allaient défendre l’EDF, le service public.

Il y avait plus. Oui Marseille avait besoin des communistes, de sa presse, de ses militants, allant partout dans les entreprises, dans les quartiers pour populariser leurs lutte, comme l’a fait la CGT. Ils ont partiellement répondu à l’appel, mais leurs faiblesses politiques du moment, leurs hésitations politiciennes, leur désorganisation, ont montré leurs limites. Comme personne à Marseille ne peut imaginer à quel point le PCF s’est lui-même sabordé, ses incapacités à jouer réellement le rôle que l’on attendait de lui, ont été mal vécues... Cela rappelait les interpellations de militants au moment de la Constitution : "Pourquoi vous ne faites pas comme avant, vous ne nous réunissez pas entre voisins pour qu’on discute entre nous ?" Ils ignoraient jusqu’à l’existence des comités du NON. Qui pourtant faisaient ce qu’ils pouvaient à leur manière. Heureusement il y avait la CGT, dans les entreprises où elle était organisée, malgré le silence de leur direction nationale.

[...]

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MessageSujet: Re: Que se passe-t-il à Marseille ?   Que se passe-t-il à Marseille ? EmptyLun 24 Oct à 5:44

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Un syndicat et des marins qui ont fait front :

A Marseille, la CGT ressort encore grandie de cette affaire, comme de la bataille pour le NON à la Constitution. D’abord la CGT des marins. Auprès des marins eux-mêmes : quand dans un conflit aussi dur, qui se heurte à un tel mur, les salariés votent à 87% comme le leur demande un syndicat, cela traduit à quel point le capital de confiance reste intact. Ils ont approuvé la ligne impulsée par la CGT, la combativité responsable, mais aussi le fond de responsabilité à l’égard du pays et des autres salariés. Alors que les médias ont tenté, à partir d’un détournement de bateau d’identifier leur combat avec celui des "Mafias" vraies ou supposées de l’île Corse. La couverture de L’ Express de cette semaine en porte encore témoignage. Sans parler de la complaisance à peindre une compagnie, un service public coulé par d’éternels grévistes. La CGT devait développer l’unité avec un syndicat corse, qui parfois avait des méthodes qui donnait des armes aux adversaires, c’est allé jusqu’à la folle proclamation du FLNC d’appeler à l’assassinat du repreneur. Elle devait au plan local, faire l’unité avec des syndicats qui au plan national faisaient chorus avec les médias et le patronat. Et toujours, à partir de là ce théatre d’ombre médiatique, les marins avaient bien cherché ce qui leur arrivait. A Marseille c’était la gabegie, le jusqu’au boutisme, on ne pouvait pas les défendre. On voit que les accuser eux et leur syndicat de piller la caisse est dans la logique.

Alors même que c’était le gouvernement qui était en train de donner à perte à ses copains un patrimoine national, se conduisait comme des bandits même pas d’honneur. Il y avait de l’amertume dans le coeur des Marseillais de voir ainsi leur lutte caricaturée, le sentiment que l’on mesurait mal que c’étaient eux qui étaient responsables, eux qui défendaient l’intérêt général. Ils vivaient très mal toute cette stigmatisation, et le fait qu’on ne prenait pas leurs luttes à son véritable niveau, celui de la défense du service public, de tout ce qu’il représente non seulement pour le statut et les droits des salariés en général, mais également pour les populations, pour la Nation. Ils réclamaient des porte-voix pour rétablir la vérité. Ils savaient bien pour y vivre que le journal La Provence ou la télévision locale (la voix de son maître) n’était pas la population marseillaise, mais l’image qui leur était donné du politico-médiatique français les renvoyait à leur isolement. C’est dans un tel contexte que la mollesse de la direction nationale de la CGT, qui reproduisait l’attitude au moment de la Constitution, les distinguait comme le PS de la bataille pour l’ EDF, pour le service public leur est apparu au mieux comme une faute.

Dans ce conflit, on retrouvait tous les ingrédients de l’ heure, toute une politique que le NON à la Constitution européenne avaient dénoncée et battu. C’est justement parce que ce vote NON mêlait inextricablement défense des salariés et de la nation qu’il a été accusé de tous les maux, que certains ont cru devoir se battre sur la défensive privilégiant soit un plaidoyer en faveur de l’Europe, soit un chauvinisme national, alors que pour les couches populaires il s’agissait de la globalité de leur vie. Ce que l’on appelle le néo-libéralisme et qui n’est qu’un stade du capitalisme et de l’impérialisme, poussant la pression sur les salaires, le niveau de vie jusqu’à la régression et pour se faire démantelant la nation et les protections sociales. Qu’une ville entière, la seconde de France, le principal port de notre pays participe d’un tel enjeu, une ville, la seule très grande de France qui avait voté NON à la Constitution, était le prolongement de ce combat et on y a constaté les mêmes mensonges, les mêmes résistances, les mêmes incompréhensions politiques que pendant la bataille contre la Constitution, la même pression médiatique. Constater cela c’est montrer que les problèmes demeurent autant que la volonté de résistance. Marseille ces dernières semaines a parlé et agi non en fonction de quelques particularismes locaux mais comme la majorité de la population française l’avait fait le 29 mai. La victoire du 29 mai, l’échec des marins, sont des étapes, le combat continue, mais il y a des leçons à tirer de la victoire comme de l’échec, pour remporter la prochaine.

Les Marseillais ne mènent pas de bataille aussi rudes, par esprit de bravaches, c’est un petit peuple joyeux, gentil, sans histoire, on le traque, lui retire l’emploi, le droit au logement, le pouvoir d’achat, et on le stigmatise, alors il résiste, c’est logique, bientôt on va l’accuser de "terrorisme" au vu de la mixité assumée de son centre ville. [2]C’est une caricature, un théâtre d’ombre qui n’est que le reflet de la manière dont on traite tous ceux qui résistent. Comme le dit le proverbe africain : "Tant que le lion n’aura pas la parole, les histoires de chasse glorifiront le chasseur." Les Marseillais veulent des porte-voix qui disent la vérité et parfois ils ont le coeur lourd, la rage au ventre parce qu’ils se disent "si on tirait tous ensemble dans le même sens ce serait plus facile !"


La manifestation de samedi 15 octobre :

Elle avait lieu après la reprise des marins, Marseille était non pas abattue mais meurtrie par tant d’injustice, ce samedi 15 octobre sur le Vieux port. En début d’après-midi il pleuvait des cordes, après ça c’est arrangé. On pouvait craindre le pire et une demi-heure avant le début du meeting, si les délégations du département affluaient, chacun constatait que les Marseillais se faisaient attendre et on ne pouvait l’attribuer à la seule haine viscérale des Marseillais pour la pluie. Etait-ce la tristesse de l’échec ? Il y avait de cela, mais il y avait autre chose. Peu à peu le Vieux port s’est empli, a même un peu débordé en bloquant la circulation, environ 10.000 personnes, après un échec c’est considérable, mais cela n’avait rien à voir avec les grands jours, ceux où l’on sent l’unité syndicale, où l’on est au diapason d’un élan national comme le 4 octobre.

Mais il faut aussi mesurer combien Marseille, capable de mobiliser 10.000 personnes, en temps d’échec, donnait une leçon de combativité et d’unité syndicale avec les drapeaux des autres centrales qui flottaient et la canebière remplie. Certes les rangs n’étaient pas serrés et les marins n’avaient pas tous répondu à l’appel comme d’ailleurs ceux des autres entreprises en lutte. Il avait des banderoles avec des délégations.

Marseille est un lieu où tout se sait, tout se dit, cela tient sans doute au fait que son centre est resté populaire, et chaque jour la ville bruisse de mille rumeurs, celles des derniers jours allaient toutes dans le même sens, les héros étaient fatigués, en colère, mais il n’y avait dans leurs rangs aucun ressentiment contre leur direction syndicale locale, la CGT en sortait renforcée. S’il fallait confirmation du fait que la quasi absence ne refletait en rien le découragement, on constatait la même présence clairsemée des traminots en grève et qui se heurtent au même refus de négocier, là la bataille se poursuit et leur représentant est venu le dire à la tribune. Au bout de huit jours de grève, il n’y a que 4% de salariés qui ne la font pas, impossible d’assurer le moindre transport. Imaginez depuis plus d’une semaine pas le moindre transport public, la grève est totale, pas la moindre protestation d’usagers, mais le fait est que les traminots dans leur masse n’avaient pas considéré que cette manifestation et ce meeting étaient tout à fait ce qui correspondait à leur détermination. La colère, la détermination restent entières contre Villepin et Gaudin, le gouvernement et la mairie, et c’est ça qui domine, la volonté de défendre Marseille contre sa vente à l’encan et avec elle une certaine conception du service public et du droit des salariés.

La base populaire marseillaise c’est clair n’était pas venue, rien à voir avec les 100.000 manifestants du 4 octobre, ils étaient dix fois moins nombreux, mais les plus politiques étaient là pour dire que le front était uni et ferme. Il ne s’agissait pas d’un baroud d’honneur mais de l’affirmation de l’essentiel, justement le fait que le combat continuait. Les responsables étaient là, mais ils n’avaient pas fait le tour des cantines pour mobilier, pour inviter les salariés ou mêmes les syndiqués à être présents. Ils étaient venus en délégation et par un miracle du comportement collectif, ils étaient juste assez nombreux pour compter et pas assez pour que cela tourne au plebiscite, à Marseille l’absentéisme est une forme de fidelité. La phrase la plus entendue était : "cette pluie plus Thibault, on n’est pas aidé"... Mais en disant cela on marche sur des oeufs, parce que l’intelligence politique des manifestants et même de Marseille est tout entière orientée contre l’adversaire.

Mireille, la secretaire de l’UD CGT, en a fait une tonne dans le meeting pour expliquer qu’il n’y avait pas le moindre désaccord entre le local et le national, elle a dit que ceux qui affirmaient le contraire étaient des menteurs et des ennemis de la CGT, et elle a terminé par un vibrant "merci Bernard". Il y a eu de rares applaudissements dans les silences qu’elle installait dans son discours pour l’approbation de la foule, mais celle-ci ne répondait pas, elle attendait la suite poliment.
Bernard Thibault en tant que Secrétaire de la CGT devait être respecté en tant que symbole et sa présence était dans l’ordre des choses, mais là s’arrêtait l’enthousiasme populaire. Les rumeurs disaient que Bernard Thibault serait hué ; c’était mal compter avec le respect qui entoure la CGT, et même plus que tiède son secrétaire avait du compter avec la grande dame qu’est sa centrale, à côté des autres syndicats nationaux, il avait été modéré dans ses abandons. Donc il n’était pas question de le huer, l’adversaire était ailleurs, le front devait rester uni, mais même si Bernard Thibault n’a pas pris la parole, défiler à la tête de la manif entouré de véritables combattants qui le protégeaient, tandis que ceux qui avaient la colère, s’étaient absentés, a été une manière de leçon que lui ont infligé, à la Marseillaise, avec le sens de leur dignité et celle de la CGT, les travailleurs. Comme dans le conflit des marins, Marseille stigmatisée, brocardée, vendue a revendiqué derrière la CGT, son sens des priorités, son refus de laisser diviser, son honneur autant que les nécessités d’un combat de classe au service du pays.

[...]

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MessageSujet: Re: Que se passe-t-il à Marseille ?   Que se passe-t-il à Marseille ? EmptyLun 24 Oct à 5:45

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Il y a beaucoup de leçons à tirer de ce conflit :

Vous pouvez penser que cette description d’une manif qui n’avait pas fait le plein et pourtant témoignait d’une combativité intacte est destinée à remonter le moral, en violation des faits, mais dans ce cas je n’écrirais pas. Face à la pression médiatique, il faut dire la vérité (on peut se tromper) et la vérité est que Marseille résiste tout en portant une appréciation nuancée sur l’aide dont elle a bénéficié.

A Marseille, la CGT est sacrée. Et ces semaines de lutte ont encore renforcé cette adhésion morale. Il y a à Marseille une famille communiste populaire qui n’a jamais renié ses racines du syndicalisme révolutionnaire et les renouvelle dans chaque bataille, les comportements de chacun sont appréciés non dans l’abstrait mais par rapport à des faits, par rapport aux luttes concètes. Dans cette manif, les communistes étaient très présents, mais les avis étaient très partagés sur l’apport réel des forces politiques, si chacun avait conscience du rôle très positif du quotidien local, La Marseillaise comme de L’ Humanité, les seuls à rompre avec l’unanimité médiatique en faveur du gouvernement et du patronat, les "questions" demeuraient sur la manière dont les leaders de la gauche avaient "joué le coup", sans parler des responsables syndicaux nationaux, du vote NON à la Constitution jusqu’au conflit des marins. Sans acrimonie, mais pour faire mieux la prochaine fois. Il est clair que si Villepin et Gaudin tablaient sur des déchirements, des réglements de compte ils en étaient pour leur frais. Mais ça s’accompagnait de lucidité, du refus de s’en laisser compter.

Il n’y avait pas de tristesse, au contraire, l’affrontement de ces dernières semaines était inscrit dans le rapport des forces, il y en aurait d’autres. Comme la reprise des marins face à la menace intransigeante de déposer le bilan de la compagnie s’était faite sur l’idée : "On se battra mieux sur le port et sur le pont de nos bateau que devant un tribunal de commerce prononçant la liquidation !" Toutes les conversations refletaient la même conscience d’une bataille bien menée et dont les Marseillais étaient fiers. L’idée que l’adversaire qui présentait un mur et refusait de négocier ne faisait pas la preuve de sa force mais de son isolement face à la population, parce que le rapport des forces restait celui du vote contre la Constitution, à Marseille plus qu’ailleurs. "Ils" sont minoritaires donc enragés, décidés à aller le plus vite possible et le plus loin possible. Il y a beaucoup de leçons à tirer de ce conflit disaient-ils un demi-sourire aux lèvres.

Et chacun fera son bilan en temps utile. Y compris sur le plan politique ou jamais l’absence d’un parti capable de développer l’initiative populaire et l’intervention d’une population favorable à la grève ne s’est fait aussi cruellement ressentir. Tout est là, tous les ingrédients d’une future victoire sont rassemblés, mais il faudra tirer la leçon de l’échec marseillais. Et se donner le moyen de renforcer le camp de la résistance, parce que pas plus Marseille que dans l’ensemble de la France, qui, le NON l’ a montré, ressemble plus à Marseille qu’ aux beaux quartiers de la capitale, ne renonce, les problèmes demeurent et le refus de cette politique grandit. Il reste à donner à notre peuple les moyens d’un combat auquel il aspire, la responsabilité de tous est engagée.

Danielle Bleitrach, sociologue.

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