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 Terre promue

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wapasha
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wapasha


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MessageSujet: Terre promue   Terre promue EmptySam 27 Aoû à 16:11

liberation-samedi 27 août 2005
Terre promue

Pierre Rabhi, 67 ans, écologiste. Il pratique en prosélyte le respect de la nature et prône le retour à la terre comme solution à la frénésie des sociétés de surconsommation.

Par Laure NOUALHAT


Citation :
Sinueuse et pentue, la route pour la ferme de Montchamp semble taillée pour un attelage d'un autre temps. Le ruban de bitume noueux se déroule jusqu'à un chemin de caillasse qui débouche sur un domaine isolé. Visage buriné par le soleil, Pierre Rabhi attend son visiteur avec bienveillance. D'ordinaire, depuis 2001, c'est lui qui sillonne la France pour parler de «décroissance», diagnostiquer le malaise qui gangrène les sociétés de surconsommation et proposer des solutions. Sur son promontoire naturel, le petit homme («50 kilos tout mouillé») semble s'être retiré du monde, alors qu'il est plutôt tranchant sur l'analyse de sa débandade.

Rabhi est né en 1938 à l'ombre de l'oasis de Kenadsa, dans le Sud algérien. Il a grandi avec les contraintes du désert, ses chaleurs accablantes et le miracle de l'eau. Sa mère meurt alors qu'il a 4 ans. Son père, forgeron, musicien et poète, se remarie. Par nécessité, cet homme qu'il admire le confie à un couple de roumis, des étrangers installés en Algérie. Ces expatriés français (ingénieur et enseignante) lui apportent sur le même plateau l'éducation mais aussi des liens qui l'écartèleront toute sa vie. Le petit Pierre, qui allait à l'école coranique, se convertit au catholicisme. Pendant la guerre d'Algérie, une boutade lui vaut d'être fichu à la porte par son père adoptif, gaulliste. Subitement exclu des deux cultures, il rejoint la France pour gagner sa vie et découvrir Paris. Il devient ouvrier spécialisé en banlieue. Et, très vite, réalise l'absurdité d'une vie à travailler pour produire une richesse dont il ne peut profiter. «Je n'ai pas souscrit à cette existence, ni à l'idéologie de la productivité. En fait, j'ai fait 68 en 1958 !» Il cherche alors à mettre en cohérence sa pensée et son mode d'existence.

Après trois ans à Paris, il embarque sa femme, Michèle, rencontrée dans l'entreprise où il travaillait, pour un retour à la terre. Le jeune couple s'offre une magnanerie en ruine, sur les hauteurs du bois de Païolive, pour 15 000 francs d'alors. La vague hippie n'a pas encore atteint les collines de l'Ardèche rude et rustre. Les habitants ne sont pas encore effarouchés par ces citadins en quête de troupeaux de chèvres. «Un ami médecin de campagne s'est porté caution pour nous, ce qui a facilité notre installation. En arrivant, j'ai travaillé comme ouvrier agricole, j'ai découvert le monde rural.» Et les nuisances de l'agriculture chimique intensive: «En quittant la ville, je pensais tourner le dos à la pensée productiviste.» Raté. L'arrivée du couple Rabhi déconcerte. «Les gens du pays se demandaient comment des gens instruits pouvaient choisir de vivre ici. On était au coeur des Trente Glorieuses. En ville, on vivait mieux.» Qu'importe, ils travaillent comme des forçats, retapent la maison pierre par pierre et font quatre enfants. Sur cette terre sèche et aride, Rabhi a ordonné une oasis de verdure. «J'ai organisé ma vie dans la simplicité», précise-t-il avec fierté. Un mode de vie transmis à ses enfants : une de ses filles a monté une école Montessori sur le domaine et ses deux fils travaillent sur une motorisation écologique.

Le pari est simple : prouver qu'une terre peut nourrir une famille sans bouleverser l'écosystème. C'est le principe de l'agro-écologie. «Ainsi, je transmets une terre meilleure que celle que j'ai reçue, ce qui me solidarise avec les générations futures.» Il s'emploie à appliquer ses méthodes là où la terre est la plus ingrate : Haute-Volta (futur Burkina Faso) en 1981, puis Maroc, Mali, Niger... «On a obligé les paysans du Sud à produire des arachides, du café, du coton à bon marché dans de grandes exploitations. Ils sont devenus aliénés.» Aucun pesticide ni engrais, gestion de l'eau parcimonieuse, la technique prouve qu'on peut concilier nécessité de survivre et respect de la nature.

Dans les années 90, Pierre Rabhi crée Terre & Humanisme, un centre de formation où des chercheurs, des informaticiens, viennent s'initier à la terre. «Ils aspirent à sortir du système et à s'autonomiser», explique-t-il. Pierre Rabhi est naturellement devenu leur porte-parole, lui qui se dit «en insurrection» depuis plus de quarante ans. Son engagement en politique s'inscrit dans la continuité de son engagement personnel. «La politique n'est pas l'affaire des politiciens, c'est ce qu'on applique à soi-même. Quitter la ville pour revenir à la terre, c'est un acte de résistance fondé sur la recherche d'une autre voie.»

En 2002, on lui propose de se présenter à l'élection présidentielle. Il crée le Mouvement pour l'insurrection des consciences mais ne recueille que 184 signatures d'élus, même pas la moitié des 500 requises. Pour certains de ses amis, Rabhi n'aurait jamais dû se mêler de la chose publique, ne sachant pas, d'après eux, appliquer à son mouvement la démocratie si chèrement défendue. «Je doute que ses idées débouchent sur un programme politique. Le public de Pierre se compose plutôt de gens mus par une quête personnelle», témoigne Jean-Claude Besson-Girard, l'un des compagnons d'aventure. Le bide de 2002 n'a pas pour autant détourné Rabhi de la politique. Il continue à donner des conférences devant les étudiants de grandes écoles ou de jeunes agriculteurs. Il refuse les clivages politiques et vote plutôt «contre» que «pour» quelqu'un. «Personne ne me donne envie. Je suis de plus en plus tenté par l'abstention.» Il trouve l'écologie politique trop «froide». «Un jeune ne se mobilise pas uniquement pour défendre un lac ou dépolluer une rivière. Il faut aussi l'enthousiasmer.» Il propose de renouer avec l'enchantement du monde, la beauté des arbres, le chant des cigales et, parfois, le génie des hommes. «Il existe un espace en moi de jubilation et de tranquillité.» Il n'est plus croyant, ou plutôt, croit en la vie. «J'ai conscience d'évoluer dans un véritable miracle mais la nature ne doit pas nous être subordonnée, c'est à elle que nous devons la vie. Je suis blessé par les exactions commises contre elle.» La crise est écologique, mais aussi profondément humaine.

Parfois caricaturé en gourou, Pierre Rabhi rejette l'appellation en bloc, imitant Krishnamurti, le philosophe indien qui a passé sa vie à chercher la vérité, ce «pays sans chemin», dont l'accès ne passe par aucune religion, ni philosophie, ni secte établies. La rencontre avec Yehudi Menuhin a bouleversé sa vie. Sur son ami, le musicien a écrit : «Cet homme a fécondé des terres poussiéreuses avec sa sueur, par un travail qui rétablit la chaîne de vie que nous interrompons continuellement.»

A la rentrée, l'homme du désert publie un livre d'entretiens croisés avec Nicolas Hulot. Pas encore sorti, l'ouvrage a provoqué une onde de choc parmi les partisans de la décroissance. Comment Pierre Rabhi peut-il se compromettre avec celui que les militants considèrent comme «le pilote d'hélicoptère» de TF1, la chaîne qui vend du temps de cerveau ? «J'ai accepté de collaborer à la condition que le livre mette en lumière nos convergences et nos divergences. C'est la rencontre de deux consciences», se défend-il. Nicolas Hulot : «Pierre Rabhi rassemble tout ce que j'aime : l'expérience, l'humilité, la tolérance, et une grande force de persuasion.» Les deux hommes composent les deux facettes du même engagement : l'un se dit pragmatique, l'autre, idéaliste. Et l'idéaliste n'est pas le plus utopiste des deux.

éphoto MARC CELLIER
source : http://www.liberation.fr/page.php?Article=319478

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