Les salariés exposés

humanite-Article paru dans l'édition du 13 août 2005.
Les salariés exposés

Citation :

2 370 000. C’est le nombre de salariés exposés à des produits cancérogènes sur leur lieu de travail, soit 13,5 % des 17,5 millions de personnes couvertes par cette étude.

70 %. C’est la proportion d’ouvriers parmi les salariés exposés.

39 %. C’est la proportion d’expositions ne donnant lieu à aucune protection collective.

La progression du nombre de cancers en France a de beaux jours devant elle, si l’on en croit les résultats de l’enquête Sumer 2003, publiés en juillet dernier par la DARES, l’institut de recherche du ministère du Travail. Cette étude menée par des médecins du travail fait état de 2 370 000 personnes exposées à un ou plusieurs produits cancérogènes, soit 13,5 % des 17,5 millions de personnes couvertes par l’étude (sur 21,7 millions de salariés en France). En dix ans, cette proportion a progressé d’un point.

La catégorie la plus touchée est sans surprise celle des ouvriers. Les secteurs du commerce et de la réparation automobile, des industries des métaux, du bois, du papier, des minéraux et de la construction exposent au moins un tiers de leurs salariés à des cancérogènes. Ces secteurs étant très masculins, la moyenne de 13,5 % cache une forte disparité selon les sexes : 20 % des salariés hommes sont exposés, contre 4 % des femmes.

Le bilan est également catastrophique du côté des protections mises en place pour les salariés. Du coup, la loi stipule que tout produit cancérogène doit être remplacé par un produit moins ou non dangereux. Et « si ce n’est techniquement pas possible » -hypothèse qui annule le caractère contraignant -, les entreprises « doivent prendre toutes les dispositions pour que les expositions soient les plus faibles possible ».

Or les médecins ont constaté qu’« il n’y a aucune protection collective pour 39 % des expositions ». Et quand il y en a, quelle valeur ont-elles ? Dans 14,5 % des cas, il s’agit d’une « ventilation générale qui ne peut être considérée comme une protection efficace dans le cas des cancérogènes ». Le vase clos, seul système réellement protecteur, ne représente que 3 % des protections. Enfin, il n’y a aucune protection individuelle dans 55 % des cas.

Fanny Doumayrou

Citation :

humanite-Article paru dans l'édition du 13 août 2005.
Expliquez-vous Pierre Mériaux Inspecteur du travail, responsable national du SNU-TEF (FSU)

Quelle est votre appréciation sur la protection des salariés par rapport aux cancérogènes ?

Pierre Mériaux. La législation du travail ne fait pas de la protection de la santé des salariés une priorité. Si un produit est dangereux, il devrait être interdit, comme l’amiante l’a été. Mais il a fallu une énorme mobilisation pour cela. Le Code du travail prévoit seulement une obligation de substitution des produits cancérogènes par des produits non ou moins dangereux. Mais, dans les faits, c’est plus une incitation qu’une obligation, d’autant plus que les pouvoirs publics ne font rien pour aider à sa mise en oeuvre. Ils pourraient par exemple fournir un appui technique sous forme de listes de produits de remplacement. Le seul interlocuteur pour un petit employeur qui cherche à ne plus utiliser un produit cancérogène, c’est souvent le fournisseur lui-même !

Par ailleurs, la loi fixe des valeurs limites à la présence des produits cancérogènes dans l’atmosphère. Mais ces valeurs sont contraignantes, c’est-à-dire permettant d’attaquer l’employeur en cas de dépassement, pour seulement cinq produits. En fait, ces valeurs limites n’ont pas de sens puisque les cancérologues soulignent bien qu’il n’y a pas de seuil pour déclencher un cancer. Une exposition, même à de très faibles doses, mais chronique, peut provoquer la maladie. La seule solution, c’est donc la non-exposition des salariés. Soit par une réelle obligation de substitution, soit par des procédés de vase clos, où les salariés ne sont pas en contact.

Propos recueillis par F. D.

source : http://www.humanite.fr/journal/2005-08-13/2005-08-13-812015

source : http://www.humanite.fr/journal/2005-08-13/2005-08-13-812017

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