L'usage de la lingette sur la sellette

liberation-jeudi 05 mai 2005
L'usage de la lingette sur la sellette

Maison. Une étude compare l'impact écologique des serviettes jetables, des sprays et des détergents.

Citation :: Démaquillantes, hygiéniques ou antibactériologiques, elles ont envahi nos intérieurs. Les lingettes cauchemar des rétifs au tout-jetable mais joie du Neuneu du coup de chiffon continuent de plaire. Dix millions de foyers français l'ont adoptée. La moitié sert à récurer la maison, 36 % nettoient les fesses de bébé et 14 % démaquillent maman.

Jetées après usage, elles emplissent nos poubelles à vue d'oeil. Fatiguée par ces critiques, l'Afise (association des industries de la détergence, de l'entretien et des produits d'hygiène industrielle) a fait réaliser une «analyse du cycle de vie» (ACV) sur trois produits ménagers : lingette, spray et détergent à diluer. Lequel de ces produits a le plus d'impact sur l'environnement ? L'étude conclut qu'aucun nettoyant ne serait significativement meilleur que l'autre. Tout dépend du critère choisi (la production de déchets, la consommation d'eau, les besoins en énergie) à la conception du produit et lors de son utilisation.

Les produits passés au crible font partie de la famille Monsieur Propre, le chauve musclé de Procter & Gamble. Ils ont été étudiés pour le nettoyage des surfaces de la maison, à l'exclusion des sols. L'ACV a été réalisée par... Procter & Gamble, mais critiquée par des experts indépendants, dont Nadia Boeglin, de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Economie d'eau

La lingette économise de l'eau, et pas qu'un peu. En 2003, 5 millions de m3 ont été épargnés en France grâce aux lingettes, soit, d'après l'Afise, la consommation annuelle de la ville de Caen. Le spray consomme aussi trois fois moins d'eau que les détergents.

Comme le diable se niche dans les détails, regardons l'ACV de plus près. Les auteurs de l'étude ont retenu qu'en moyenne, pour le nettoyage des surfaces hors sol, on utilisait en France 4 litres d'eau à 41,5 degrés. Dans ces conditions, logique que la lingette l'emporte. Mais l'étude ne relativise pas ce genre de mauvais usages : rinçage à grande eau ou robinet ouvert pendant le nettoyage. En fait, seulement 0,53 % des gens utilisent un seau plein pour rincer une surface de cuisine.

Et après, quels résidus ?

Une lingette pèse 3 grammes. Pas de quoi en faire un plat, selon l'Afise. Un foyer qui l'a adoptée en consomme une par jour. «Les déchets lingettes représentent 187 grammes par habitant et par an.» Soit plus de 11 000 tonnes par an à gérer, tout de même. Certes, le spray produit trois fois moins de déchets ; le détergent liquide, six fois moins. Mais l'étude considère qu'il faut étudier le produit «du berceau à la tombe». En France, les déchets solides finissent en partie dans les incinérateurs. Ainsi, la montagne de 11 000 tonnes devient poussière. «Ce qui compte pour les consommateurs, c'est ce qu'ils mettent dans leurs poubelles, pas comment ces poubelles sont traitées, explique Nadia Boeglin. Certes, tout déchet devient un tas de cendres une fois incinéré, mais il ne faut pas oublier que cette technologie a d'autres impacts, par exemple sur la pollution de l'air.»

Ex æquo en énergie

Le spray remporte la palme sur ce critère. Lors de sa fabrication, le spray consomme 26 % d'énergie en moins que la lingette et 48 % de moins que le détergent liquide. Quant aux autres critères retenus acidification de l'air, changement climatique, toxicité pour l'homme , il n'y a pas de différence significative entre les trois nettoyants.

Scénario extrême

Dans un autre scénario, jugé «extrême» par Procter & Gamble, les lingettes en prennent pour leur grade. L'hypothèse considère qu'on utilise la même quantité de lotion par produit. Comme une lingette contient 11,15 ml de lotion, en une semaine, cela correspond à 78,05 ml de spray et de liquide à diluer. Dans ce cas, la lingette apparaît comme le pire des nettoyants ménagers. Quant à la «juste» dose de lotion contenue dans une lingette, les usages montrent que celle-ci contient encore 25 % de détergent quand on s'en débarrasse.

Question de dosage

«Tous ces produits ont des impacts sur l'environnement, conclut Nadia Boeglin. Le consommateur ne comprend pas toujours que sa façon d'utiliser le produit en détermine l'impact sur l'environnement, qu'il s'agisse de lingettes, de sprays, de détergents et de plein d'autres choses. Si on surdose les produits, ça ne sert à rien de les rendre performants.» En clair, on peut tout utiliser, si on l'utilise au mieux.

source : http://www.liberation.fr/page.php?Article=294328

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