wapasha Langue pendue
Nombre de messages : 4560 Localisation : Pays des Abers Date d'inscription : 30/04/2005
| Sujet: Télescopage ! Lun 20 Juin à 14:25 | |
| adas-Martine Marchand-20/06/05 TELESCOPAGE ! Le gouvernement nous dit que les français veulent le DMP, et que les médecins sont d'accord. apparemment, il y en a à qui on n'a pas demandé leur avis. Comme notre ami Jean-Marie Gendarme, qui a un avis, pour ainsi dire, NON AUTORISÉ ! - Citation :
- "Secret médical et dossier médical partagé ( DMP ) : télescopage ?
On nous dit que le dossier médical partagé avance, que le GIE pour le DMP est constitué, les industriels choisis, mais derrière cette satisfaction de façade existe déjà un certain nombre de problèmes, usuels pour ce qui concerne la gestion très française de ce genre de dossier. Ainsi à ce jour aucun cahier des charges n’est rédigé, les représentants des usagers sont écartés, et il n’existe aucune prise de position tangible des promoteurs de ce projet pour ce qui concerne de prés ou de loin la prise en compte des avis des médecins utilisateurs : ne restent que les techniciens et les industriels. Les médecins utiliseront ce DMP, pour les patients d’abord, mais aussi pour la collectivité. Forts de leurs expériences professionnelles et des difficultés, pièges et aléas de leurs vécus professionnels, les médecins ont sans doute des choses à dire, des conseils à établir, des précautions ou gardes fous à mettre en place si on veut que le DMP présente une adéquation normale avec la vie d’un médecin et de ses malades.
Il existe donc une ou deux petites choses à dire sur le droit du secret médical, sur le secret médical lui-même tel qu’il se présente en 2005 et le DMP.
Le secret médical a fait son apparition au départ dans le code pénal de 1810, et cette empreinte, pénale, n’a pas disparu complètement et de fait ces origines ont conduit à une vision de la chose longtemps restée péremptoire et absolutiste. Au début on a d’abord estimé que le médecin ne pouvait lever le secret médical, même sans intention de nuire à son patient. Ensuite il a été affirmé que nul, y compris le patient lui-même, ne saurait valablement délier le médecin de son obligation. Le secret médical n’était alors, dans ces conditions, qu’une règle élaborée dans un intérêt d’ordre public, plus qu’un droit conçu au bénéfice de la personne a protéger.
Les droits du patient connaissent actuellement, s’insérant dans un mouvement général de la société, un accroissement sans précédent et la place qui est faite au malade dans le système de santé est en profonde mutation. On assiste aujourd’hui à un glissement du secret médical de protection d’un intérêt public vers une notion de protection d’un droit privé, à une sorte de « privatisation ». D’ordre public, de principe, le secret médical tend à devenir un droit de la personne. Cette évolution témoigne d’une prise de conscience que les données médicales constituent avant tout des éléments appartenant à la vie privée. Ainsi le secret médical serait un droit au respect du secret médical, correspondant à une sorte de démembrement du droit au respect de la vie privée, une partie. Il serait là le premier élément de la vie privée reconnu comme devant bénéficier d’une protection.
Les règles déontologiques, mêmes, ont pris en compte cette évolution et ce n’est que depuis 1979 que le code de déontologie médicale précise que le secret médical est fait dans l’intérêt de la personne soignée. De fait, le secret médical est un « secret d’intérêt privé ». Il faut évoquer enfin la Loi du 4 mars 2002 qui est désormais incontournable. Cette loi est la manifestation la plus représentative d’une tendance générale à la transformation des devoirs du médecin en droits du malade. Elle poursuit totalement la logique du mouvement des droits des patients. Le malade n’est plus le bénéficiaire indirect des obligations imposées au médecin. Il devient le titulaire de droits fondamentaux, ce qui indirectement confère des obligations indirectes au médecin. La logique est inversée.
L’article L.1110-4 du CSP le dit : « toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant ». Ce qui est une écriture parfaitement significative. De devoir du médecin conçu dans un but de protection de l’intérêt général, il tend à devenir un droit du patient établi dans son intérêt privé. Si le secret médical procède d’un intérêt privé, alors l’atteinte à ce secret ne cause de préjudices qu’au patient. Seuls ses intérêts sont atteints. Il est alors possible d’admettre qu’il soit juge de son intérêt et puisse renoncer au droit au secret médical. Une renonciation contractuelle est dés lors envisageable, possibilité sur laquelle lorgnent les assureurs
La cour de cassation refuse de considérer que la réponse à un questionnaire médical de santé implique l’engagement contractuel de lever le secret médical comme une obligation d’exécution de bonne foi. Elle refuse d’analyser la levée du secret médical comme une obligation systématique de tout contrat d’assurance de personnes sur le fondement de la bonne foi.
Le secret médical doit poursuivre un intérêt légitime. Mais le juge civil ne peut, même avec une expertise judiciaire, contraindre le praticien, contre la volonté du patient, à transmettre des informations commues dans l’exercice de sa profession. Le secret médical bénéficie au malade, qui lui seul en dispose.
Le secret médical participe de la protection de la vie privée. Le secret médical ne peut se définir comme un droit absolu à s’opposer la transmissions de toutes données médicales. Il apparaît davantage comme protégeant les informations médicales contre la diffusion, dés lors que celle ci porterait atteinte à la vie privée, à l’intimité de la personne. Le droit au secret médical établi que la transmission d’informations médicales est présumée porter atteinte à la vie privée.
En matière d’assurances, la présomption est en faveur de l’assuré et c’est à l’assureur, s’il souhaite s’affranchir du secret médical, d’apporter la preuve de l’illégitimité du but poursuivi. Et tout cela doit se faire sans violation du secret médical qui ne peut etre levé tant que la preuve illégitime n’est pas faite… Facile non ?
Et quelles sont la place et le rôle exact du médecin généraliste dans tout cela dés qu’il a un DMP dans la main ?
Le médecin est tenu de par ses obligations conventionnelles ( signature du formulaire médecin traitant entre autres ) de remplir le DMP, et de bonne façon, sinon des coercitions dures sont d’ores et déjà prévues… Celui ci est rempli à l’usage du malade, des médecins spécialistes éventuellement concernés, d’un autre médecin généraliste éventuel. Le DMP ce faisant constitue la transmission « portable » de la vie médicale du malade avec ses pathologies et son parcours de soins. Il est écrit de fait sous la dictée du malade qui garde quant à lui la haute main sur ce qui est inscrit ou ne l’est pas. On peut ainsi s'interroger raisonnablement sur le degré de consentement et d'information du patient qui ne peut savoir a priori ce qui est bon pour lui ou non dans ce cadre.
De fait il y a ici télescopage entre le devoir du médecin qui doit tout marquer ( pour etre le plus complet possible ) ou marquer les choses importantes et le droit du malade à ne vouloir faire inscrire que ce qui lui convient. A quel titre et sous quelle responsabilité ? Au titre du droit du secret médical appartenant à une personne : le malade, mais dont le médecin serait le dépositaire « à éclipse » ? La responsabilité de l’inscription des données relève de qui ? du malade qui dicte ? ou du médecin qui collige ?
Le médecin doit remplir sans faute ce DMP, c’est à dire sans faute médicale. Or en clair pour lui le fait d’occulter tel épisode de soins ou telle pathologie dont la gravité ne rentre pas en ligne de compte sur la seule appréciation du malade ( qui peut etre totalement superficielle ou irrationnelle ), le conduit inéluctablement à la faute. Faute par rapport à son éthique, à ses devoirs, à ses confrères spécialistes ou non susceptibles d’utiliser ce DMP à la suite, faute par rapport à sa responsabilité civile professionnelle.
Le malade interdit au médecin d’inscrire tel fait médical. Le médecin ne l’inscrit donc pas. Cet élément clef va manquer lors d’un épisode de soins postérieur au point de le compromettre. Le malade se retourne contre le médecin responsable de ce dernier acte et ce dernier se retourne contre le malade et son confrère qui n’a pas inscrit le fait antérieur susceptible d’etre facteur de chance pour le malade. Qui est responsable ?
Par quelle pièce supplémentaire, quel biais, quel document, le médecin généraliste va t-il pouvoir prouver l’intention d’effacement du malade et sa volonté ? Comment en garder la preuve ? un DMP bis ? Le secret médical porte sur toute la vie de soins et pathologique du malade. Si une partie de celle ci est occultée du fait d’une des parties, le secret médical s’applique cependant à l’ensemble. Il y aurait donc dés lors un secret médical apparent, tangible, et un secret médical caché, à disposition du malade et éventuellement connu d’un médecin, mais pas de tous : simple n’est ce pas ? Que fait on dans le cas où le malade arrive avec son DMP où un spécialiste a marqué quelque chose que le malade demande au généraliste d'effacer. Ce sera monnaie courante…
A t-on le droit d'effacer ? a priori non : l'objet du secret médical s'il est effacé doit l'etre par le médecin qui l'a inscrit.. Et s'il est effacé par le généraliste quelle preuve le spécialiste pourra t-il ( ou l'inverse ) apporter qu'il avait bien marqué tel acte ou tel fait médical ?
Le médecin serait susceptible de porter de fait le chapeau de la responsabilité pour une pathologie ou un acte de soins qui n’apparaît pas dans le DMP, dont il a eu connaissance mais qui n’y est pas inscrit sur la volonté du malade. Qui est responsable dans ce cas ? Qu’advient il du secret médical caché si celui ci toujours non inscrit sur le DMP est révélé à un autre médecin par le malade ? Le secret médical caché par définition ne peut etre transmis avec le DMP apparent. Le DMP peut il etre assimilé à un questionnaire d’assurance vie ? Le secret du DMP doit etre d’autant plus inviolable or le fait des multiples intervenants est un risque, celui est il collectif ou particulier ? Reste le dossier médical détenu par le médecin mais celui ci peut être en totale opposition au DMP car il comprend des informations partielles qui ne sont pas disponibles aux tiers soignants intervenants. On peut aussi poser le problème du patient en fin de vie ou grabataire qui ne peut avoir accès à son dossier médical, et où un tiers, famille ou femme de ménage pourra etre amené à le consulter. Sur quels critères ?
Enfin que vaut ce droit au secret médical du DMP et que devient le rôle du médecin généraliste responsable du remplissage du DMP face à une demande de consultation par des tiers comme les assureurs, qui au lieu de se contenter d'un certificat médical ad hoc seront tentés de proposer au patient de le consulter - directement - moyennant une baisse de ses cotisations ou de son assurance pour les emprunts. Ici le médecin ne sert plus à rien : on le jette ? Ensuite se pose la qualité des informations notamment en ce qui concerne les antécédents dont l'interprétation est difficile y compris et surtout au niveau du secret inter familial, car le fait d’inscrire qu'un frère ou un parent est porteur de la même maladie peut entraîner des conséquences en cascades pour les collatéraux ! Enfin que devient le DMP en cas de décès du malade ? Avec la loi du 4 mars 2002, les implications des assureurs, les dates de prescriptions des contrats, il va falloir garder ces DMP qui peuvent etre consultables après le décès du malade. Avec l'accord des ayants droits ou devant un tribunal, mais il va même falloir prévoir une sécurité sur ce plan. Combien d'années doit on les garder ? Et qui les garde ? les Notaires ?
Tout ceci est totalement explosif à tous niveaux, et ce à court terme. Il n’existe même aucune visibilité, aucune crédibilité à la mise en place du DMP hors d’une prise en compte totale, analytique, raisonnée de cette adéquation du DMP au vécu professionnel médical et à ses aspects médicaux légaux, dont le secret médical. La chose est incontournable, le défi fonctionnel trop important, les enjeux financiers énormes pour se contenter de la position actuelle, où le corps médical n’est même pas considéré comme un interlocuteur valide, alors qu’il devrait etre présent à tous les stades des études et de la mise en place de ce DMP. Docteur Jean-Marie Gendarme" source : http://www.webzinemaker.com/admi/m6/page.php3?num_web=17902&rubr=4&id=265422 @+ | |
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