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 Italie : le Pays bloqué où les classes deviennent des "

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FleurOccitane
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MessageSujet: Italie : le Pays bloqué où les classes deviennent des "   Italie : le Pays bloqué où les classes deviennent des " EmptySam 18 Juin à 9:02

Citation :

Italie : le Pays bloqué où les classes deviennent des "castes"

de MAURIZIO RICCI ROME traduit de l’italien par karl&rosa

Les bateaux sont alignés, rangés par milliers le long des quais, jusqu’à cacher l’eau : des yachts, des canots à moteur pour la pêche en haute mer, des deux mâts agiles. Un homme en chemise et bermuda blancs ferme sa Mercedes et s’achemine vers son énorme canaot à moteur. Un autre homme en jeans et t-shirt descend du voilier d’à côté et monte dans une jeep tout terrain.

Une tranquille scène de début d’été au Circeo, à l’Argentario, à la Riviera. Un spectacle habituel. C’est pourquoi il est, à première vue, inexplicable. Parce que, à en croire aux statistiques, nous sommes un pays de pauvres diables. Ramener à la maison, tous les mois, plus de 2.500 euros, semblerait un évènement rare, extraordinaire, exceptionnel.

A la fin des années 80, le 1,1% le plus riche ne possédait que10,6% du patrimoine, il en possède aujourd’hui 17,2%. Le fils d’un ouvrier a six fois plus de probabilités de devenir ouvrier que l’enfant d’une famille aisée.

L’Italie des castes progresse 10% possède la moitié de la richesse

Les classes moyennes sont plus pauvres, l’immobilisme et les disparités augmentent

La pyramide des classes sociales et la richesse nationale

-En 1989, le 1% supérieur des familles possédait 10,6 % de la richesse nationale, il en possédait 17,2% en 2000

-En 1989, les 9% suivants possédaient 29,6% de la richesse nationale, ils en possédaient 31,3% en 2000

-En 1989, les 10% suivants possédaient 17,7% de la richesse nationale, ils n’en possédaient que 15,3% en 2000

-En 1989, les 40% moyens possédaient 33,8% de la richesse nationale, ils n’en possédaient que 29,2% en 2000

-En 1989, les 40% inférieurs possédaient 8,3% de la richesse nationale, ils n’en possèdent que 7,0% en 2000.

CEUX QUI PAYENT L’IMPOT SUR LE REVENU ET CEUX QUI NE LE PAYENT PAS

Italie : le Pays bloqué où les classes deviennent des " Classe

Les Italiens connus par le fisc sont presque 40 millions, mais seulement 1 sur 100 déclare gagner plus de 70 000 euros (bruts, presque la moitié une fois déduites les taxes et les contributions) par an. Parmi ces derniers, seuls 188.000 dépassent aussi le pic des 100 000 euros, moins que 1 sur 200. Cette infime poignée de riches semble par ailleurs tout faire pour dépenser comme des Grands de France avant Robespierre.

Chaque année on vend en Italie environ 90.000 voitures de luxe, des BMW, des Mercedes, des jeeps tout terrain et des Porsche, des voitures qui coûtent 40-50 000 euros seulement pour les acheter et une somme importante pour les faire rouler. Sans un revenu à la hauteur, cela est difficile, et peut être même 100 000 par an ne suffisent pas. Et pourtant, 90 000 voitures par an pour 180 000 personnes voudraient dire que ces super riches devraient acheter au moins tous les deux ans une Mercedes neuve.

Un engagement remarquable, surtout si l’on considère toutes les autres dépenses. Le bateau, justement : entre les yachts, les canots à moteur et à voile, 70.743 embarcations de plaisance entre 10 et 24 mètres de long sont enregistrées. Dix mètres, c’est beaucoup : il y a la place pour 4 à 6 lits. Et ça coûte cher aussi : un modeste 12 mètres à voile coûte facilement 160 000 euros. Des tableaux et des meubles anciens, n’en parlons pas : en 2002, les hôtels des ventes ont vendu, à eux seuls, plus de 80 millions d’euros d’objets d’art. Des voitures, des bateaux, des tableaux d’auteur et des trumeaux d’époque.

D’où vient, dans ces années de crise économique et de stagnation des revenus, tout cet argent et qui sont ceux qui le dépensent? Ce n’est pas le Fisc qui nous le dira, bien sûr. Il y a un an, une étude confidentielle de l’Agence des Entrées estimait que le chiffre d’affaires que le Fisc ne voit pas est de 200 milliards d’euros : pour 100 euros déclarés, 46 restent cachés. Par rapport à il y a 20 ans, cette économie souterraine, avertit le Censis (Centro Studi Investimenti Sociali, NdT), a changé de nature : il y a de moins en moins d’ateliers pour la contrefaçon de sacs dans les caves. L’économie souterraine devient postmoderne elle aussi : une économie souterraine de services, "qui se niche dans les sous déclarations, dans les fausses facturations, dans les déclarations non faites, dans les transactions cash". Des mi-fraudeurs, plutôt que des fraudeurs totaux.

Dans ce peuple il y a de tout. Mais, si nous regardons la quantité de revenu occulté, il est probable que ce sont soit surtout des avocats, des ingénieurs, des architectes et des psychologues qui comptent. En effet, une des grandes fractures qui divisent en deux la société italienne est le rapport avec le fisc : d’un côté les 12 millions d’Italiens qui déclarent leurs revenus et de l’autre le reste, taxés sur leur fiche de paye. Dans son dernier numéro, la revue Patrimoni liste 20 manières (toutes légales) pour payer moins de taxes : la plupart concerne les travailleurs autonomes et/où ceux qui disposent d’une deuxième résidence. 12% des salariés possèdent aussi la maison pour les vacances. Le pourcentage, selon la Banque d’Italie, double chez les familles des professions libérales.

[...]

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=16339
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FleurOccitane
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MessageSujet: Re: Italie : le Pays bloqué où les classes deviennent des "   Italie : le Pays bloqué où les classes deviennent des " EmptySam 18 Juin à 9:03

(suite)

Citation :

Au contraire, si nous regardons le patrimoine (maisons, bateaux, titres) un entrepreneur - dit la Banque d’Italie - a une richesse supérieure de 50%, un salarié en a une inférieure de 30% à la moyenne nationale. En effet, le puzzle d’un pays qui gagne peu mais qui ne se prive pas du luxe devient moins compliqué si, plutôt que les revenus, on regarde la richesse, les patrimoines familiaux de maisons et de titres, recensés par des enquêtes par échantillons de la Banque d’Italie. Parce que l’Italie est un pays riche, anormalement riche même. Le patrimoine globalement accumulé par les Italiens correspond aujourd’hui à 9 fois leur revenu annuel.

"Dans les autres pays européens, d’habitude le rapport est de 3 à 1", souligne Giuseppe De Rita, qui est le fondateur du Censis. Sommes-nous un pays de riches? On serait plutôt amené à dire de richards, en suivant le raisonnement de De Rita. Stefano Ricucci, l’agent immobilier au centre des grands évènements financiers de ces derniers mois - des banques au Corriere della Sera - semble en effet le prototype d’une Italie qui nage dans les immeubles, les titres et les liquidités mais qui se garde bien d’investir cet argent dans des produits et des services "Un pays de patrons, pas de capitalistes" dit De Rita. A la condition, naturellement, de s’entendre sur le terme de "patrons" : 80% des Italiens vivent dans des appartements de leur propriété, mais seulement 13%, presque 1 sur 8, possède aussi une deuxième résidence. Plus généralement, la pyramide de la société que la richesse dessine est beaucoup moins régulière et continue que celle qu’identifient les données floues sur le revenu : elle se gonfle au sommet et se vide au centre.

L’Italie est un pays divisé, où la richesse se concentre en haut et le processus a pris de la vitesse à partir des années 90. Aujourd’hui, selon une recherche du Service des études de la Banque d’Italie, 10% des familles les plus riches de la population contrôlent presque la moitié de la richesse totale du pays. En 1989, le patrimoine des riches n’arrivait qu’à 40% du total. Ce sont les classes moyennes qui ont perdu du terrain, ces 40% de la population qui se trouvent au milieu de l’échelle sociale. En l’espace d’à peine dix ans, ils sont passés de 34 à 29% du total du patrimoine. La pays progresse : tout le monde va à la mer. Mais il y a ceux qui prolongent leurs vacances à Capri et ceux qui les écourtent à Castelvolturno (entre Pozzuoli et Gaeta, au centre de la route littorale domitienne, NdT).

Mais le bassin où flottent ces yachts de 10 à 24 mètres devient plus large et plus crédible : en excluant les 200 familles extra riches, à peu près deux millions de familles se partagent 30% de la richesse nationale. En gros, il s’agit pour chacune, en moyenne, d’un patrimoine de deux milliards de vieilles lires (un million d’euros, NdT).

Plus (comme les Usa et la Grande Bretagne) ou moins (comme la France et l’Allemagne) ou beaucoup moins (comme les pays scandinaves), les autres pays enregistrent eux aussi un écart de la richesse entre les différentes classes. Le problème, en perspective, est de comprendre combien ce bassin des yachts est off limits, pas un signal de classe, mais de caste fermée. Combien ce rêve de vacances à Capri est destiné à rester enfermé dans un tiroir, dès la naissance, selon la famille où on naît. Combien l’Italie est vraiment le pays des Ricucci, l’ancien mécanicien-dentiste, fils d’un traminot, qui donne l’assaut maintenant au Corriere della Sera. Sous ce profil, disent nombre de chercheurs, l’Italie semble plus immobile que les autres, un pays où la fluidité sociale - c’est-à-dire la possibilité de monter - ainsi que de descendre, dans l’échelle sociale - est emprisonnée dans des cols de bouteille. Tout le monde n’est pas pessimistes.

Aris Accornero, connu surtout pour ses études sur les ouvriers, souligne avec force les inégalités économiques entre les classes. "Mais les gens, dit-il, perçoivent clairement les espaces de mobilité sociale, y croient, s’y investissent, en commençant par les études de leurs enfants". Les trois quarts des diplômés de ces dernières années sont le premier diplômé de la famille. Dans les dix années qui précèdent 2003, le nombre de dirigeants, d’entrepreneurs, de personnes qui exercent des professions libérales, de techniciens a augmenté de plus de 30%, tandis que les artisans, les ouvriers et les travailleurs non qualifiés diminuaient. "Toutes ces personnes sentent qu’elles vivent mieux que leurs parents et cette conviction s’accumule - remarque Accornero - une génération après l’autre". Au Censis aussi, le directeur général Giuseppe De Rita souligne le test de mobilité sociale qui vient du laboratoire social Vénétie, avec ses centaines d’ouvriers devenus des entrepreneurs, ou celui qui vient des immigrés : entre 2000 et 2005 le nombre d’ entreprises individuelles dont les titulaires sont des extracommunautaires a triplé, en arrivant à plus de 180.000.

"Il ne s’agit pas de cela", réplique Antonio Schizzerotto, le sociologue qui a étudié de plus près la mobilité socialedurant ces années-là. "Si nous parlons de fluidité sociale, elle est plus grande en Italie qu’en Amérique, en Grande Bretagne, en Suède, aux Pays Bas, en France et en Allemagne. Sept Italiens sur dix font un travail différent de celui de leur papa. Mais cela se passe parce que la structure de l’emploi a changé, "mais les mécanismes qui génèrent les inégalités n’ont pas changé". Le fils de quelqu’un qui exerce une profession libérale continue à avoir beaucoup plus de chances que le fils de l’ouvrier d’exercer une profession libérale, d’avoir une maison pour les vacances et même l’Aston Martin "De ce point de vue, les différences avec l’Italie du début du 20ème siècle sont peu nombreuses" : le fils d’un entrepreneur a dix fois plus de possibilités de devenir un entrepreneur que le fils d’un ouvrier. Tandis que le fils d’un ouvrier a six fois plus de probabilités de rester un ouvrier qu’un garçon d’une classe supérieure de devenir un travailleur manuel.

Pour dégeler ces castes, il faudrait que les grands mécanismes d’échange entre les classes fonctionnent mieux. L’amour des temps modernes sera sûrement romantique et aveugle : qui pense encore aux mariages d’intérêt? Mais il semble qu’en matière d’échelle sociale l’amour y voie très clair. 70% des épouses d’hommes qui ne sont arrivés qu’au certificat d’études n’ont qu’un certificat d’études. 90% des femmes de diplômés possèdent un diplôme ou un bac. Presque 60% des actuels quadragénaires ont épousé quelqu’un (quelqu’une) ayant le même niveau d’instruction. Ce n’est pas une tendance en baisse : leurs prédécesseurs, les baby-boomers de l’après guerre, avaient une mentalité moins fondée sur la lutte des classes (50%).

Et même le plus grand moteur de mobilité sociale, le diplôme, ne tourne pas à plein régime. Les diplômés, dit Schizzerotto, n’ont pas tous la même valeur : un diplômé d’une famille bourgeoise ou d’une classe moyenne a 50% de probabilités de plus de rester un bourgeois ou un membre d’une classe moyenne que celles qu’a un diplômé fils de travailleur manuel d’arriver au sommet de l’échelle sociale. Pourquoi s’étonner, observe Giuseppe De Rita? Quatre diplômés sur cinq trouvent un emploi grâce au réseau d’amis, de parents, de connaissances. Les yachts attirent les yachts et Castelvolturno attire Castelvolturno.

de "La Repubblica" du 13 juin 2005

De : MAURIZIO RICCI
samedi 18 juin 2005

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=16339
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