Ségolène et Nicolas : idoles et miroirs aux alouettes

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La très artificielle poussée de Ségolène Royal dans les sondages doit nous interroger sur les raisons fondamentales de ce type d’agression médiatique dont est de plus en plus victime la démocratie.

L’utilisation du malaise social, sociétal par les politiciens et leurs avatars médiatiques ne date pas d’aujourd’hui. Cependant les développements technologiques de ces dernières décennies leur permettent une exploitation beaucoup plus rapide des flux « d’atmosphères ». Les techniques de communication et donc de manipulation constituent, aujourd’hui encore plus qu’hier, l’élément primordial des stratégies de prise du pouvoir. Sarkozy tout comme Royal font preuve dans ce domaine d’aptitudes particulières. Ils savent avec maestria butiner dans les remous de la morosité les reflets qui les aident à composer leur miroir aux alouettes. Ils leur suffit alors de décliner, au fil de forums bien organisés, d’émissions formatées, d’interviews complaisantes, les vieilles lunes susceptibles d’apaiser les nostalgies : travail, famille et même « patrie » qu’on dévoie pour les besoins de la cause en la disant « en danger ». Royal - Sarkozy : même objectif, même thématique, mêmes méthodes ! Ne nous y trompons pas. Et à la clé, sous couvert de « pragmatisme », le renforcement d’un libéralisme économique et politique, soft ici, forcené là mais délibéré des deux côtés.

Mais l’essentiel de cette démarche politicienne, à l’origine d’un progressif délitement des socles démocratiques, réside bien sûr dans l’obsolescence des institutions qui la favorisent. Il est grand temps de mettre un frein à la dangereuse glissade qui nous conduit vers une américanisation de notre régime. Non pas la patrie mais la république est en danger !

L’extrême personnalisation des candidatures, au détriment de toute démarche programmatique, nous oriente vers des choix plus que suspects. Le succès que connaissent les recrutements au rabais, au PS aussi bien qu’à l’UMP, est parfaitement éclairant. Il s’agit bien plus de susciter des dynamiques électorales et de constituer des lobbies que de constituer des forces militantes productrices de réflexion de propositions. En tout état de cause les initiateurs de cette grossière manœuvre de forcing à l’adhésion, à commencer par Jack Lang, commencent à s’en mordre les doigts tant les adhésions favorables à Ségolène Royal se multiplient rue de Solférino. On se souvient des dérives occasionnées par les cartes à 10 francs du temps de la trop fameuse fédération des « Bouches du Nord » au sein du PS. Le même genre de situation est en train d’émerger au PS et l’on ne voit pas pourquoi l’UMP ne connaîtrait pas la même à court terme. A moins que les militants, les vrais, ne veuillent bien s’émouvoir de ces adhésions qui, pour une somme parfois dix fois inférieures au montant de leur propre cotisation, donneront à peu près les mêmes droits aux nouveaux venus qu’aux membres traditionnellement statutaires ! Les mêmes droits et surtout celui de désigner le candidat à l’élection présidentielle ! Nous y revoilà ! Lang a vendu cette initiative à Hollande en se fondant sur le prestige dont il bénéficie, paraît-il, auprès des jeunes et donc en espérant qu’une majorité de jeunes afflueraient au PS pour ensuite soutenir sa propre candidature à la désignation. Lui aussi, qui a toujours habilement surfé sur les frustrations de la jeunesse, mise sur la récupération des « flux de morosité ».

On sait quels risques comporte ce genre de stratégie. De fil en aiguille, de désignation en élection, d’élection en pérennisation, toujours en s’appuyant sur le rapport aspiration/frustration des populations... chacun sait où peut aboutir ce jeu là. Pourquoi serions-nous épargnés de pulsions collectives que d’autres ont douloureusement vécues ? Nos institutions, en tout état de cause, ne nous prémuniront pas puisque, aussi bien, elles auront largement contribué à l’éclosion du désastre. Les « candidats » seraient bien inspirés de nous présenter, plutôt que leur personne plus ou moins bien fardée, des lignes de programme structurées ainsi que les réformes institutionnelles permettant de les mettre en œuvre et d’assurer les mécanismes de la démocratie, de garantir les fondements de la République.

Muncerus

De : muncerus
jeudi 27 avril 2006

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