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 Adieux à la gauche

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FleurOccitane
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Localisation : Toulouse
Date d'inscription : 30/04/2005

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MessageSujet: Adieux à la gauche   Adieux à la gauche EmptyVen 31 Mar à 1:09

Citation :

Adieux à la gauche (1/7)

Lu sur Les cahiers d'Anne Archet : "Dès son apparition comme mouvement radical au milieu du XIXe siècle, l’anarchisme a été associé à la gauche. William Godwin, qu’on reconnaît habituellement comme le premier anarchiste moderne, frayait avec l’aile radicale des whigs britanniques. On voyait régulièrement Stirner fumer ses cigares chez Hippel en compagnie des hégéliens de gauche. Élu député en 1848, Proudhon siégea avec l’extrême-gauche à l’Assemblée de la Seconde république française. Sans parler de Bakounine, qui joua le rôle qu’on connaît au sein de l’AIT – lorsqu’il ne courrait pas d’une barricade à l’autre de Dresde à Lyon. Cette association a toutefois toujours été difficile. Je pourrais vous citer des exemples jusqu’à demain matin mais ils sont si sanglants que je préfère m’abstenir. Disons seulement que les militants de gauche qui ont eu accès au pouvoir1 ont toujours considéré l’objectif anarchiste de transformation radicale de la vie, ainsi que le principe stipulant que les fins et les moyens sont indissociables comme des obstacles, voire même des dangers potentiels pour l’atteinte de leurs propres objectifs politiques.

Le mariage entre les anars et la gauche – qu’on ne peut qualifier ni d’amour ni de raison – a pourtant duré presque deux cent ans. Les militants, les théoriciens et les groupes anarchistes ont ainsi occupé au cours de ces deux siècles une niche minuscule de la constellation éclectique de la gauche révolutionnaire : celle de la « gauche de toutes les gauches » ou alors celle, encore plus pitoyable, de la « conscience de la gauche ». Dans la plupart des principales insurrections et révolutions de cette époque, les gauchistes2 autoritaires ont tenu le haut du pavé, repoussant chaque fois les anars un peu plus dans la marge. Qu’ils furent libéraux, sociaux-démocrates, tiers-mondistes, altermondialistes, socialistes ou communistes, les gauchistes adhérèrent massivement au courant autoritaire, soucieux de justice et d’égalité, mais favorisant l’action politique à travers des organisations hiérarchiques dont les principales caractéristiques furent un leadership professionnel, des idéologies dogmatiques (surtout en ce qui concerne les courants marxistes), un moralisme à tout crin et un dégoût envers la liberté individuelle et les initiatives autonomes de créer des communautés authentiquement non-hiérarchiques et libertaires.

Principalement après leur expulsion de la Première internationale, les anars se sont trouvés devant un dilemme :soit ils situaient leurs critiques quelque part dans les marges de la gauche, soit ils rejetaient en bloc le gauchisme au risque d’être isolés et oubliés. Puisque la majorité des anars sont justement devenus anarchistes en quittant des organisations gauchistes jugées trop autoritaires, il n’est guère surprenant qu’ils choisirent pour la plupart la première alternative. L’anarcho-syndicalisme est probablement le meilleur exemple de cet anarcho-gauchisme. Il a permis aux anars d’épouser les idéologies et les méthodes de la gauche pour lutter pour une vision gauchiste de la justice sociale, tout en adhérant simultanément aux valeurs anarchistes d’action directe, d’autogestion ainsi qu’à certaines valeurs culturelles libertaires. Il en va de même pour les adeptes du plateformisme de Makhno et Archinov, qui ont poussé si loin le flirt avec l’autoritarisme de la gauche qu’on arrive à se demander s’il s’agit encore d’anarchisme.3 Certains anars ont enfin fait le pari de se noyer carrément dans des organisations de gauche qui n’adhèraient que marginalement, sinon pas du tout, aux valeurs libertaires, simplement parce qu’ils ne voyaient (ou n’arrivaient pas à imaginer) aucune manière de lutter directement en compagnie d’autres anars… qui étaient eux-mêmes noyés dans d’autres organisations gauchistes concurrentes.

Peut-être serait-il temps pour les anarchistes de l’ombre de la gauche, maintenant que les vestiges de sa force passée sont en pleine implosion. Qui sait ? Si suffisamment d’anarchistes se dissocient de la myriade d’échecs, de palinodies et de purges de la gauche, peut-être pourront-ils finalement parler et agir par eux-mêmes, pour eux-mêmes. Ce faisant, ils pourraient même inspirer une nouvelle génération de révoltés, qui seraient cette fois-ci moins susceptibles de compromettre leurs idéaux dans des tentatives chimériques de maintenir un front commun avec une gauche politique qui s’est historiquement opposée à toutes les expériences libertaires. Parce qu’un examen même sommaire de l’histoire nous le confirme : les révolutionnaires libertaires, toutes tendances confondues, se sont vu refuser l’adhésion à l’immense majorité des organisations politiques de gauche, ou alors ont été réduits au silence par celles qui les ont acceptés. Et surtout, les anars ont été persécutés, emprisonnés, torturés et assassinés par tous les gauchistes qui ont réussi à obtenir le pouvoir politique ou les ressources organisationnelles pour le faire.

Pourquoi un tel conflit entre la gauche et les anars fut-il inévitable ? Parce que la gauche et les anarchistes portent deux visions profondément différentes du changement social, des visions incarnées par des critiques et des pratiques distinctes. Les anars – particulièrement les individualistes, qui entrer tous s’identifient le moins à la gauche – refusent de s’organiser de manière à ce que soit créé une leadership isolé du reste de la société, refusent la hiérarchie et l’inévitable manipulation qui est le lot de toute organisation de masse, et refusent l’hégémonie qu’une quelconque idéologie doctrinaire. La gauche, quant à elle, adhère systématiquement à des pratiques représentatives dans lesquelles des organisations de masses sont soumises à un leadership séparé fait d’intellectuels idéologues et de politiciens opportunistes. En adoptant cette pratique, le parti finit par se substituer au mouvement de masse, et la direction du parti finit par ses substituer au parti. En réalité, la fonction première de la gauche au sein du capitalisme a toujours été de récupérer intégralement chaque lutte sociale capable de confronter le capital et l’État, ce qui a eu pour conséquence de consolider l’accumulation du capital, le salariat, la domination étatique en les couvrant d’une logorrhée révolutionnaire faite de références vides à la liberté et à la justice sociale.

Ma conviction est que l’anarchie ne peut se réaliser qu’à l’extérieur de la logique gauchiste. Un divorce entre les anars et ce qui reste de la gauche est selon moi plus que nécessaire, et ce divorce exige minimalement un rejet de l’organisationnalisme, du démocratisme, du progressisme, de l’identitarisme et l’idéomanie de la gauche.
Anne Archet


Notes

1. Et quand je dis « gauche au pouvoir », j’inclus les anarchistes autoproclamés de la FAI et de la CNT qui furent entre autres ministres de la seconde république espagnole… [retour]

2. J’utilise ici le mot « gauchiste » non pas dans son sens léniniste habituel (Le gauchisme, maladie infantile du communisme…) mais dans un sens plus général pour désigner les partisans d’un large spectre d’idéologies politiques qui va du libéralisme keynésien à l’extrême gauche. [retour]

3. J’ai choisi ici de ne pas explorer l’interminable et stérile débat organisationnel entre plateforme et synthèse, même s’il illustre à merveille le cul de sac que peut représenter une approche gauchiste de l’anarchie, histoire de ne pas embêter davantage mes lecteurs non-anarchiste (même su je me demande si j’en ai encore en ce moment !) Si vous êtes curieux, je vous renvoie à l’ouvrage du plateformiste Alexandre Skirda intitulé Autonomie individuelle et force collective : les anarchistes et l’organisation, de Proudhon à nos jours (éditions A.S., 1987). [retour]

Mis en ligne par libertad, le Dimanche 5 Mars 2006, 23:15 dans la rubrique "Pour comprendre".

http://endehors.org/news/9785.shtml
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FleurOccitane
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MessageSujet: Re: Adieux à la gauche   Adieux à la gauche EmptySam 1 Avr à 18:38

Citation :

Adieu à la gauche (2/7)
--> Adieux à l'organisationnalisme : "Je suis venu te dire que je m'en vais et tes larmes n'y pourront rien changer…"


Lu sur Les cahiers d'Anne Archet : "Quand j’étais gamine, une des histoires que ma mère me racontait avant de m’endormir (et dieu sait qu’elle était efficace, puisque je ronflais toujours au bout de deux minutes) s’intitulait La pitoyable aventure du maoïsme québécois. Elle me racontait que ses copains maos n’avaient qu’une seule obsession, celle de construire un parti d’avant-garde représentant les intérêts du prolétariat1. Répartis dans deux organisations jumelles et férocement concurrentes (En lutte! et la Ligue communiste marxiste-léniniste) les adeptes du grand timonier formaient une armée de militants recevant des ordres et des enseignements d’une direction éclairée et strictement centralisée. Possédant par définition la « ligne juste », ils présentaient l’adhésion de leur parti en construction comme la seule voie possible pour une véritable émancipation de la classe ouvrière. Non seulement les autres partis de gauche, mais aussi tous les groupes sociaux, mouvements radicaux et même les garderies coopératives devaient se soumettre à la « lutte principale », celle du prolétariat contre la bourgeoisie (donc celle de la construction du parti maoïste). Jouant sur la culpabilité petite-bourgeoise de leurs concurrents, les deux organisations maos ont réussi à phagocyter ou saborder l’essentiel de ces groupes, attirant à eux les militants les plus actifs et les plus doués.

En 1979, la direction de la Ligue et celle d’En Lutte!, jugeant les conditions favorables, décidèrent de transformer leurs organisations en parti – le PCO et l’OMLCEL. Plutôt qu’annoncer l’aube rouge de la révolution prolétarienne, cette victoire annonça la défaite de l’extrême-gauche, les deux partis maos connaissant immédiatement une crise profonde menant à leur dissolution simultanée en 1982. Leur seule réalisation concrète fut d’avoir dégoûté durablement toute une génération de révoltés de toute action révolutionnaire.

Cette belle histoire a une morale : l’action politique et l’obsession organisationnelle ne mènent pas à un monde meilleur. Évidemment, l’exemple des maos, avec leurs slogans décervelés et leur obéissance robotisée constitue un cas extrême. Mais il reste représentatif de cette caractéristique des plus agaçantes de la gauche, qui est sa conviction que la lutte contre l’oppression et l’exploitation est essentiellement un programme politique qui doit être assumé par un parti et qui doit être réalisé à n’importe quel prix et par n’importe quel moyen. Or, cette approche ne peut que contredire plusieurs principes fondamentaux de l’anarchie.

Premièrement, la politique implique une coupure entre ceux qui décident et ceux qui mettent en application ces décisions. Elle implique aussi l’existence d’institutions chargées de prendre ces fameuses décisions et veiller à leur exécution. La séparation et l’institutionnalisation inhérentes à la politique sont en soi autoritaires parce qu’elles exigent que les décisions soient prises avant même qu’adviennent les circonstances auxquelles elles s’appliquent. Les décisions politiques prennent toujours la forme de règles générales qui doivent être systématiquement appliquées lors de certaines situations, quel que soit le contexte ou les circonstances particulières.

Deuxièmement, une conception politique de la lutte a pour conséquence inévitable de concentrer le pouvoir dans ces institutions décisionnelles et exécutives. Le programme de la gauche a toujours été d’influencer, de conquérir ou de créer des versions alternatives de ces institutions. En d’autres mots, l’objectif premier de la gauche a toujours été de changer et non de détruire les relations de pouvoir institutionnalisées.

Or, l’anarchie, même prise dans sa simple définition étymologique, vise l’abolition des relations de pouvoir institutionnalisées. Les anarchistes ont toujours rejeté le principe d’une révolution politique et ont toujours considéré que la lutte révolutionnaire n’est pas un programme politique mais la lutte d’individus pour la réappropriation globale de leur vie. Une telle conception est éminemment anti-politique ; en d’autres mots, l’anarchie s’oppose à toutes les formes d’organisation sociale, ainsi qu’à toutes les méthodes de lutte où les décisions qui concernent la vie et la lutte sont institutionnellement séparées de l’exécution, quelque soit le degré de participation démocratique du processus décisionnel.

En plus d’être politique, la gauche est organisationnelle, c’est-à-dire qu’elle considère que l’organisation, que ce soit un parti ou un syndicat, est le principal sinon le seul moyen d’action. L’organisation représente la lutte ; sa construction et sa croissance sont l’expression concrète du programme de gauche. Si les militants impliqués dans cette activité se définissent comme anarchistes et révolutionnaires, alors l’organisation se met pour eux à représenter la révolution et l’anarchie. La puissance de l’organisation se confond ainsi avec la force et la puissance de la lutte révolutionnaire et anarchiste.

Un exemple flagrant de ce phénomène est la révolution espagnole. Les dirigeants de la CNT et de la FAI, après avoir inspiré aux ouvriers de Catalogne et aux paysans d’Aragon le désir de se saisir des moyens de production, non seulement ne démantelèrent pas leur organisation pour les laisser explorer librement le jeu de la vie sociale selon leurs propres désirs, mais s’en servirent pour s’instituer gestionnaires étatiques de la production. Cette gestion fut dans le meilleur des cas aussi incompétente que celle des oligarques et des capitalistes et surtout n’eut que très peu à voir avec les principes autogestionnaires de la FAI-CNT pré-révolutionnaire 2.

Lorsque la lutte contre l’ordre établi est isolée des individus effectivement en lutte et placée entre les mains d’une organisation, cette lutte cesse d’être un projet libérateur pour ces individus et ne devient qu’une cause extérieure à laquelle ils adhèrent. Parce que cette cause est indissociée de l’organisation, l’activité principale des individus qui y adhèrent est l’entretient et l’expansion de l’organisation. Ainsi, la prochaine fois qu’un gauchiste vous fera un sermon sur l’importance de l’organisation hiérarchique au nom de l’efficacité, comprenez que la seule efficacité qu’une telle organisation peut atteindre est celle de s’organiser hiérarchiquement.

Ne vous méprenez pas : je ne dis pas que toute forme d’organisation est à rejeter. Je dis tout simplement que l’organisation politique, permanente et hiérarchisée est non seulement inutile mais dangereuse. Toute organisation doit d’abord avoir comme base l’individu libre et autonome, car une organisation qui menace l’autonomie individuelle ne peut prétendre lutter pour une societe libertaire. Toute organisation doit prendre la forme d’une libre association, ce qui signifie que les gens sont libres de s’associer avec les individus de leur choix, de la façon qu’ils le désirent et qu’ils peuvent aussi se dissocier et même refuser l’association si c’est leur choix. Toute organisation doit explicitement rejeter l’autorité hiérarchique et doit être simple, petite, informelle et temporaire, car plus une organisation dure longtemps, plus elle risque de devenir rigide, sclérosée et dominatrice.

Autrement dit, la différence entre les anars et les gauchistes, c’est que les anars veulent que vous vous organisiez par vous-mêmes, alors que les gauchistes veulent vous organiser. Les gauchistes ont une seule obsession : vous recruter dans leur organisation pour que vous puissiez servir leur cause. Ils favorisent l’unité idéologique, stratégique et tactique grâce à l’autodiscipline (qui plus souvent qu’autrement la forme d’une autorépression) quand c’est possible, ou la discipline organisationnelle sous forme de sanctions quand c’est nécessaire. D’une façon ou d’une autre, on exige de l’individu qu’il abandonne toute forme d’autonomie et marche sans discuter sur un chemin tracé d’avance par un leadership génial et claivoyant.

Voilà une bonne raison de dire adieu à la gauche, non ?
Anne Archet

Notes

1. Le texte fondateur du maoïsme québécois, le Pour le parti prolétarien de Charles Gagnon illustre bien par son seul titre le programme des maos… [retour]

2. Pour une analyse des carences de la CNT et de la FAI à l’époque de la guerre civile, je vous recommande évidemment Enseignement de la révolution espagnole de Vernon Richards [retour]


Mis en ligne par libertad, le Lundi 6 Mars 2006, 21:06 dans la rubrique "Pour comprendre".

http://endehors.org/news/9792.shtml
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