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 Travailler pour la paie, les racines de la révolte - Echange

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FleurOccitane
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MessageSujet: Travailler pour la paie, les racines de la révolte - Echange   Travailler pour la paie, les racines de la révolte - Echange EmptyMer 29 Mar à 16:59

Citation :

Travailler pour la paie, les racines de la révolte - Echange (...)

jeudi 9 février 2006 par collectif rto

Travailler pour la paie. Les racines de la révolte

Il est évident que les travailleurs s’organisent pour tenter de faire que la journée de travail soit la plus agréable possible. Stanley Aranowitz commente une telle situation comme suit : « Occasionnellement, le désir de court-circuiter le travail et de jouer se fait jour sur la chaîne de montage dans des batailles avec l’eau ou l’invention de jeux fantaisistes auxquels chaque travailleur recourt à un moment ou à un autre de la journée. La production devient un jeu mathématique ou une course de vitesse, et se voit convertie dans l’imaginaire en quelque chose d’autre. Ce schéma d’injecter le plaisir dans l’accomplissement de l’opération la plus monotone est très habituel (110). »

- Les travailleurs s’appliquent à chanter pour eux, à penser à quelque événement agréable, passé ou à venir, ou à participer à des invectives plaisantes ou obscènes pour que le temps passe plus vite. Des travailleurs de l’automobile décrivent ce qu’ils ressentent lorsqu’ils peuvent parler et jouer pendant le travail. : « Discuter fait que le temps passe plus rapidement...Si on ne devait ni parler, ni rigoler, on deviendrait cinglés (111). » * On ne peut pas s’empêcher de se demander pourquoi il est nécessaire d’organiser l’environnement du travail moderne de telle sorte que ceux qui travaillent veuillent être ailleurs. Quelques travailleurs en arrivent même à dire qu’ils aiment travailler plus vite parce qu’ainsi le temps passe plus vite.

- Andrew Levison souligne que des analystes ont présenté des schémas qui suggèrent que le travailleur d’usine est un robot triste, « Des zombies qui ne rient ou ne sourient jamais alors qu’ils travaillent. » Mais il ajoute que cette vision est une déformation de la réalité tout autant de celle qui fut donnée dans les années 1950 « du travailleur heureux ». En dépit du bruit et de la pression du travail, de solides amitiés se nouent, les plaisanteries fusent et toutes sortes d’activités se font jour (112). Le jeu dans le travail

Dans l’industrie de la construction ou dans d’autres qui impliquent le travail en équipe, la coopération amicale est presque toujours la règle. Même l’environnement le plus hostile ne peut empêcher les travailleurs de trouver des moyens de battre le système. Deux amis qui travaillaient ensemble sur une chaîne de montage où ils ajustaient des roues jouaient aux dames en travaillant, déplaçant un pion entre chaque voiture. Seul un romancier qui aurait passé des années dans une usine pourrait connaître avec exactitude cette partie de la vie de la classe ouvrière, la manière dont la camaraderie se développe ou celles dont se déroulent les activités cachées comme de jouer au loto (ce qui est très fréquent) ou même quelque chose d’aussi simple que la manière de passer par trois relais un message d’une personne travaillant dans un autre département de l’usine, pour lui demander de sortir quelques pièces du moteur Chevy dont il a besoin pour réparer sa voiture. En échange, il est proposé de fournir des bougies toutes les fois que l’autre en aurait besoin.

- Un de ces amis décrivait une situation où jouer au jacquet avait eu de sérieuses conséquences sur la production : « Les ouvriers pariaient en jouant au jacquet en travaillant... Quelquefois le jeu devenait si intense qu’un des ouvriers loupait une opération... entraînant la mise au rebut du moteur ou, plus sérieusement, ne prendrait pas note d’une notice d’erreur entraînant le rejet de toute une série du produit (30 à 35 moteurs d’un seul coup). Le contremaître alors interdit de jouer au jacquet sur la chaîne. Si le travailleur impliqué n’avait causé qu’une seule erreur ou n’était pas en cause dans le rejet d’une série, sa réaction devant l’interdiction de jouer serait quelque chose comme « ça peut arriver à tout le monde » ou plus simplement de dire au contremaître « d’aller se faire foutre », de ne pas tenir compte de l’interdiction et de continuer à jouer. Pour le travailleur qui aurait été à l’origine du rejet de la série de 30, une tactique différente serait employée. Il accepterait d’arrêter de jouer mais continuerait de le faire. Si le contremaître s’en apercevait et reviendrait confirmer son interdiction, l’ouvrier tout simplement soutiendrait qu’il ne joue pas : Contremaître : « Je vous avais pourtant dit à tous de ne pas jouer au jacquet. Ouvrier : nous ne jouons pas Contremaître : qu’est-ce que vous racontez, le jeu est là sous mon nez. Ouvrier : on ne joue pas on discute seulement des stratégies au jacquet. Et l’ouvrier commentait : « Cette technique de déni est une des forces les plus puissantes dont le travailleur dispose car il ne contraint pas le contremaître à se trouver dans une situation dans laquelle son autorité serait directement menacée (113). »

Donald Roy, dans son article « Banana Time », parle des quantités de jeux que les travailleurs imaginaient et pratiquaient pour faire passer le temps ; un des travaux examinés était un travail aux pièces, alors le jeu était un jeu de travail aux pièces ; dans un autre travail, on trouvait un conflit avec le management, alors le jeu était un jeu de guerre. Dans un autre travail, il vit se développer un nouveau jeu appelé « le jeu du travail ». Ce jeu consistait à fixer des buts de production à court terme dont la récompense consistait dans un changement d’activité : « Dès que j’atteins le but fixé, je gagne de faire autre chose. » Il raconte comment peu à peu il réalisa que ses camarades de travail utilisaient des astuces et des ruses pour « briser le temps » et le faire passer plus vite. Il comprend que les bavardages et les grossièretés prenaient tout leur sens : « Comme je commençai à y faire plus attention, comme le système de communication me devenait plus familier, ce qui me paraissait discontinu commença à montrer sa continuité, l’absurdité prenait un sens ; ce qui était obscur devenait clair et ce qui paraissait idiot devenait marrant. Et comme le contenu de ces interactions prenait de plus en plus de sens, l’interaction elle-même révélait sa structure. Il y avait des "temps" et des "thèmes", et des rôles au service de leur inaction (114). »

- Cette reconnaissance de la structure incluait la perception que la routine d’une longue journée était brisée par des pauses informellement imaginées et institutionnalisées dans le planning quotidien. En plus des pauses officielles, les travailleurs prenaient ainsi de brèves pauses dans la routine quotidienne, à des intervalles de temps fixes, baptisés de l’activité particulière détournée pour ce moment. « Il y avait la pause café, la pause pêche, la pause banane, la pause poisson, la pause soda et naturellement la pause déjeuner. D’autres interruptions, que l’on pouvait compter dans cette série mais n’étaient verbalement pas reconnues comme des "temps", étaient la pause fenêtre, la pause pickup » et le temps de départ décalé de deux co-équipiers.
- « La signification majeure dans l’interaction de ces interruptions reposait en ce qu’elles déclenchaient l’intérêt de tous. La réaction physique qui avait momentanément stoppé l’activité du travail incitait à des échanges verbaux et des processus de pensée qui occupaient les membres du groupe jusqu’à l’interruption suivante. Les interactions au sein du groupe non seulement volaient du temps mais elles lui donnaient un contenu et se répandaient (115). »

L’interaction au sein du groupe était caractérisée par des thèmes, un mélange de blagues et de choses sérieuses qui constituaient un élément de ces échanges entre travailleurs. « A l’opposé des pauses, ces thèmes volaient de l’un à l’autre sans qu’on puisse y voir une séquence particulièrement prévisible. Des conversations sérieuses pouvaient se mêler soudainement à des grivoiseries et vice et versa (116). » L’analyse de Roy sur l’interaction dans ce petit groupe de travailleurs montre comment ils organisaient et passaient leur temps. Cela peut sembler familier à tous ceux qui ont eu l’occasion d’approcher la chaîne de montage quand éclatent des protestations et que les outils tapent sur la chaîne, ou à ceux qui ont eu la malchance d’être envoyés au magasin à outils chercher un « skyhook » (un outil imaginaire qui permet de jouer des tours aux apprentis). « ...mon découragement initial devant la pauvreté de l’interaction sociale était dû, je le reconnais maintenant, au manque d’observation. L’interaction était là, en un courant permanent. Elle sollicitait l’attention et soutenait l’intérêt et cela faisait à passer le temps. Les douze heures de "serrer l’écrou, serrer l’écrou" devenaient aussi facile à endurer que huit heures d’activités diversifiées... la "bête féroce de l’ennui" était matée pour devenir aussi peu dangereuse qu’un chaton (117). » Bill Watson décrit deux situations dans lesquelles le travail comme jeu atteignait un point où le travail devenait secondaire, car les travailleurs l’avaient transformé en un jeu au travail. Ces incidents faisaient partie d’une structure d’organisation coopérative que les travailleurs avaient établi entre eux, entre plusieurs départements de l’usine. Il explique que ce système organisation informelle était né d’une action commune lors de l’exécution du travail, et fonctionnait pour « engager des sabotages, ramasser l’argent des paris ou même organiser des jeux et des concours dont la fonction était de transformer la journée de travail en un passe-temps agréable » (118). Dans le Hot Test Department (département de l’inspection des moteurs), indique Watson, les contrôleurs avaient organisé un concours pour « faire sauter les bielles » qui avait duré des semaines. L’entreprise y avait perdu 150 moteurs, car ces travailleurs avaient décidé de ne pas serrer les boulons fixant les bielles dans certains moteurs pris au hasard. Le résultat était que lorsque l’on essayait de faire tourner le moteur, un claquement métallique se produisait au démarrage. Lorsqu’il entendait ce bruit, l’ouvrier faisant cet essai devait pousser un hurlement qui avertissait tout le monde dans l’atelier.

- « Chacun abandonnait alors son travail et courait se mettre à l’abri derrière des caisses ou des bancs. Avant de s’écarter, l’ouvrier lançait le moteur à fond. Le moteur cognait de plus en plus pour finalement s’arrêter, alors que la bielle était éjectée à travers le carter du moteur et volait à travers l’atelier. Les ouvriers sortaient alors de leur cachette, et applaudissaient bruyamment ; un point était inscrit à la craie sur le mur en face du nom du contrôleur concerné (119). »

Les paris continuaient de plus belle et l’argent était gagné ou perdu à la fin de cette compétition.

Dans un autre cas, alors qu’il faisait très chaud, une bataille d’eau fut organisée et elle dura plusieurs jours. « La plupart des moteurs étaient ou bien négligés ou bien déclarés bons pour que chacun soit libre pour la bataille... Cette bataille impliquait habituellement 10 à 15 tuyaux inutilisés, chacun alimenté en eau sous la pression d’une lance à incendie. Avec des feux croisés de jets d’eau, les cris, les rires et les courses ici et là, on ne trouvait guère d’ouvrier disposés à tenir son poste à ce moment. L’atelier était régulièrement inondé du plancher au plafond et tout le monde était complètement trempé. Pistolets à eau, lances à incendie et seaux étaient bientôt sur les lieux et le jeu prenait la proportion d’une bagarre des heures durant. Un des hommes porta pendant quelques jours le bonnet à douche de sa femme, ce qui amusait tout le reste de l’usine, qui ne pouvait deviner se qui se passait dans cet atelier (120). »

Analysant la signification de ces histoires, Watson pensait que la transformation de la journée de travail en quelque chose d’agréable devenait d’autant plus nécessaire à mesure que la pression du travail devenait plus forte. « Une partie de la réalité pour le travailleur est qu’il est de moins en moins capable de s’inscrire comme oeuvrant dans une finalité, et de plus en plus enclin à voir la journée de travail comme un moment où l’interaction entre hommes devrait devenir intéressante et agréable (121). » Les incidents qui viennent d’être décrits, ajoutait-il, montraient des circonstances dans lesquelles des hommes voyaient leur travail comme un processus pratique concret et leurs relationsavec les autres comme simples et spontanée, « qui pouvaient se structurer comme bon leur semblait. Qu’ils travaillent tous ensemble au rythme fixé ou qu’ils aient de temps en temps des périodes où ils introduisaient une plus grande diversité - ou même arrêtaient le travail tous ensemble -, tout cela en venait à être... quelque chose relevant de leur propre décision (122). » Jouer des tours

Les exemples de farces sont si nombreux que la difficulté pour en parler vient du fait que l’on doit choisir entre des millions d’exemples. Huw Beynon, dans son livre Working for Ford (Travailler pour Ford) cite un ouvrier britannique : « A la fin de l’équipe on se rue tous vers la pointeuse. Je ne sais pas pourquoi mais c’est comme ça. Quand on fait ça, on doit attendre le bus, mais c’est un fait qu’il nous faut pointer. Un jour, je courais ainsi vers la pointeuse et j’ai attrapé mon manteau pour m’apercevoir qu’il avait été attaché avec de solides nœuds. C’était Clarkey. C’était un vrai salaud car il avait vraiment noué tout solidement. Je ne pouvais pas le prendre. Le lendemain, j’ai amené au boulot quelques boîtes de semences de tapissier. J’ai fait un petit trou dans la poche du manteau de Clarkey, y ai vidé les semences et les ai réparties dans la doublure en secouant. Quand il vint pour décrocher son habit, c’était comme s’il pesait près d’une tonne. Des mois plus tard, il vintme dire : "Je me suis adossé à ma chaise hier soir et j’ai écopé d’une semence droit dans ma colonne vertébrale... espèce de salaud." Clarkey, c’était un bon copain (123). »

- Les contremaîtres étaient les cibles favorites de certains ouvriers. Un jeune ouvrier de Chrysler me raconta qu’il mettait de la graisse graphitée sur l’écouteur du téléphone du contremaître puis lui téléphonait, à la grande joie du reste des ouvriers du département (124). Huw Beynon raconte un autre incident où un groupe d’ouvriers prit l’orange d’un contremaître, la vida soigneusement de son contenu et remplit la peau avec du mastic à joints. L’orange ainsi reconstituée fut remise dans le sac du contremaître. Et tous le surveillèrent en train d’essayer de la peler. L’enduit en question est une substance qui colle et qui brûle. Tous se marraient, sauf le contremaître (125). Un autre aspect du travail comme jeu est le test de vitesse que nous décrirons en détail dans le chapitre suivant. Comme nous le verrons, cela peut être interprété non seulement comme un test de capacité physique, mais aussi comme un jeu que les travailleurs organisent pour eux-mêmes. Le jeu de la vitesse devient quelquefois une compétition entre équipes ou départements, ou entre deux ouvriers travaillant sur la même machine et accomplissant la même tâche. Un mineur de fond décrivait de quelles manières les mineurs relâchaient la tension. Il décrivait la manière dont les mineurs, lorsqu’il prenaient leur douche, parvenaient à en tirer profit en la tournant en combat aquatique. L’un d’entre eux pouvait venir subrepticement déverser un seau d’eau froide sur la tête d’un copain et prendre la fuite en vitesse, poursuivi par l’autre. Ils continueraient le jeu en se battant avec les serviettes de toilette, « volant et cachant les vêtements, les cantines et autres effets personnels, mettant des grenouilles dans les poches des uns, du chewing-gum dans les chaussures des autres, jouant d’autres tours supposer mettre l’autre en colère et faire monter la température. »

[...]

http://www.collectif-rto.org/article.php3?id_article=49
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FleurOccitane
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MessageSujet: Re: Travailler pour la paie, les racines de la révolte - Echange   Travailler pour la paie, les racines de la révolte - Echange EmptyMer 29 Mar à 16:59

(suite)

Citation :

Ces bagarres déclenchaient une grande excitation chez les participants et des rires chez les spectateurs. Elles suivaient toujours le même schéma et se limitaient au lieu de travail. Le but n’était nullement de causer des blessures ou un dommage quelconque car on ne volait jamais une chose de grande valeur. « Les habits étaient cachés de telle manière qu’il y avait toujours un indice permettant de les découvrir et il n’en résultait jamais une grande gêne. » C’était seulement une partie d’un rituel accepté par tous. « C’était seulement quand on avait été impliqué dans de telles bagarres au moins une fois qu’une acceptation complète de tous les autres travailleurs était garantie. » L’acceptation d’un travailleur par tles autres camarades de travail était conditionné par la participation au jeu. Le refus de jouer était interprété comme un rejet par les camarades de travail (126).

- Ceci nous amène à discuter sur les différentes façons que les ouvriers ont utilisées pour modifier la manière dont les managers organisent le procès de production. Un ouvrier de Chrysler décrit la situation dans son département lorsque ses camarades de travail lui confièrent la tâche d’organiser les pauses. Il devait quitter son poste une demi-heure avant chaque pause et questionner chaque ouvrier pour savoir qui jouait aux cartes, aux échecs, aux petits chevaux ou n’importe quoi d’autre. Il combinait alors tout de sorte que, lorsque la sirène annonçait le début de la pause, les ouvriers ne perdaient pas de temps et pouvaient commencer à jouer immédiatement (127). Tom Juravich, dans son livre Chaos on The Shop Floor (« Chaos dans l’atelier ») racontait que les ouvriers trompaient la monotonie d’un grand nombre de manières différentes. « Quelques-uns rêvaient aux vacances d’été ou à une nouvelle voiture, d’autres aimaient avoir de la bière pour le déjeuner, tandis que d’autres mettaient la radio et chantaient en travaillant. Si vous observiez soigneusement l’usine, vous pouviez noter toutes sortes de routines qui à première vue pouvaient apparaître sans intérêt (128). » Une vieille femme avait une routine qu’elle suivait régulièrement. Chaque jour elle allait à la boutique du coin et achetait un journal. Elle l’apportait à sa table de travail, puis allait chercher du papier toilette qu’elle étendait sur la table. Elle mangeait alors la moitié de son sandwich, ni plus ni moins, chaque jour. Il y avait de nombreux exemples de femmes ayant le même comportement : « Vous vous demandiez d’abord si ces routines ne résultaient pas toutes le résultat d’un trop long temps passé dans un lieu de travail aliéné. Puis avec le temps vous voyiez le but caché de ces rituels. La plus grande partie de ce que les travailleurs faisaient dans l’usine échappait totalement à leur contrôle. Ils savaient qu’ils devaient produire... mais n’avaient aucun contrôle sur la manière dont ils devaient assurer cette production. Ces rituels... servaient à imposer... un impact personnel dans la journée. La femme qui mangeait la moitié de son sandwich chaque jour... imposait un certain ordre dans les événements du jour. Bien que ces tâches fussent manifestement trop peu intéressantes, c’est en imposant leur ordre qu’ils pouvaient en quelque sorte "faire avec" (129). »

Noël Ignatiev parlait de son expérience dans une aciérie. Bien que ce qu’il décrivait eût été éliminé par le management avec l’automatisation de la production d’acier et l’élimination des ouvriers, quand il vint d’abord travailler dans l’usine, il fut surpris du niveau atteint par les salariés pour contrôler leur journée de travail. Il concluait que cela résultait de la nature même de la production de l’acier. Une fois que les matières premières étaient enfournées, ils ne pouvaient être surveillés, contrôlés comme dans le cas des travailleurs sur une chaîne. La technologie n’était pas la seule explication, bien que le management eût toujours essayé de rationaliser le travail, de prendre en compte le temps mort quand l’acier étaient encore dans le haut-fourneau. Chaque fois il se heurtait à la résistance des ouvriers. « Je me souviens qu’une fois, peu après mes débuts dans l’usine, le contremaître vint dans un abri où une poignée d’entre nous se reposaient, les uns sommeillant, d’autres buvant du café, d’autres jouant aux cartes ; il demanda à deux d’entre nous de sortir pour aller voir si certains équipements n’étaient pas cassés. "Vous ne voyez pas que nous sommes occupés", répondit l’un d’entre nous alors qu’il ramassait les cartes. "Nous irons quand la pluie aura fini de tomber",dit son partenaire, plus conciliant. Le contremaître partit, apparemment satisfait d’avoir obtenu le mieux de ce qu’il pouvait espérer de ce groupe d’ouvrier à ce moment. Après tout, il devait vivre avec ces gars là le lendemain (130). »

Les ouvriers qui travaillent sur la chaîne qui ne sont pas réglés par la machine mais ont seulement à se passer le travail de l’un à l’autre peuvent plus facilement varier leur rythme et leur journée de travail suivant leurs besoins. Ils peuvent ralentir cerythme ou l’accélérer quand cela leur semble nécessaire. Le grande différence, dans ce cas, c’est que le groupe s’organise lui même et agit comme une unité pour servir les intérêts de ses membres. M. G. et S. F.

(à suivre.)

(110) Stanley Aronowitz, False Promises (Fausses Promesses) (New York, Mc Graw Hill, 1973),130

(111) Walker and Guest, The Man on the Assembly Line (L’Homme sur la chaîne de montage, 68.

* Voir au ssi à ce sujet l’ouvrage Grain de sable sous le capot, de xxx Durand (éd. La Brèche, 198..., qui décrit la vie sur la chaîne aux usine Peugeot de Sochaux (Doubs), en 1982. (Note d’Echanges.)

(112) Andrew Levinson, The Working Class Majority (La majorité classe ouvrière) (New York, Coward, Mc Cann and Geoghegan, 1974),95.

(113) Bill Gachnik, « A study of Factory Underlife : the Secondary Adjustements of Auto Workers « (Une étude de la vie souterraine de l’usine : les ajustements secondaires des travailleurs de l’automobile) document non publié, Windsor,Ontario 1978, 10-11.

(114) Roy eBanana Time -Job Satisfaction and Informal Interaction « (Le temps de la banane : satisfaction au boulot et interaction informelle) dans Bryant, Social Dimensions of Work, 381 (Dimensions sociales du travail).

(115) Ibid., 382.

(116) Ibid.,385.

(117) Ibid.,388-9.

(118) Bill Warson, Counterplanning on the Shop Floor, (Contre-planning dans l’atelier), 6.

(119) Ibid.

(120) Ibid.

(121) Ibid.

(122) Ibid.

(123) Hugh Beynon, Working for Ford (Travailler pour Ford) (London, England, Allen Lane, Penguin Education, 1973) 236-7.

(124) Interview with Chrysler worker (entretien avec un ouvrier de Chrysler) 12 février 1976.

(125) Baynon, Working for Ford, 139.

(126) Douglas G. Kazulak : « Reflections on Working in the Hole » (Réflexions sur le travail dans le trou), document présenté au deuxième Congrès sur les ouvriers et leurs communautés, London, Ontario, 4 mai 1977.

(127) Entretien avec un ouvrier de Chrysler, 12 février 1976.

(128) Tom Jurawich, Chaos on the Shop Floor - A Worker’s View of Quality, Productivity and Management (« Chaos dans l’atelier, une vue ouvrière sur la qualité, la productivité et le management »)(Philaderphia Temple University Press, 1985), 56.

(129) Ibid.

(130) Noël Ignatiev, « Present Depths « (Profondeurs actuelles), document non publié, 9-1

http://www.collectif-rto.org/article.php3?id_article=49
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