Nobel de la paix : Ça rime encore à quoi ?

altermonde-levillage- dimanche 9 octobre 2005, Jean Dornac
Nobel de la paix : Ça rime encore à quoi ?

Citation :

Il est comme ça des jours où l’on est amené à se dire que rien ne va plus dans ce monde ; que tout marche à l’envers ; que ce qui était blanc au temps de notre enfance est devenu noir... J’en ai fait l’amère constatation à propos de l’attribution, l’autre jour, du dernier prix nobel de la paix. Normalement, je devrais mettre ce nom avec une majuscule, mais, las, non, je n’ai vraiment plus envie de jouer à ce jeu stupide qui consiste à admirer ce que nos autorités nous ordonnent d’admirer. Et encore moins, lorsque la désignation de la personne ou l’organisme bénéficiaire d’un prix au passé prestigieux enterre toute la signification de ce prix.

Nous avions déjà eu Henry Kissinger et Menahem Bégin très surprenants, pour ne pas dire choquants, prix nobel de la paix. A présent, c’est l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique). J’ai dit, ailleurs, comme introduction à la réaction forte et très juste de la CRIIRAD : « L’institution suédoise se décrédibilise à grande vitesse. Cela devient une "Star act" pour politiciens ou organismes en mal de crédibilité... » (Voir : Le prix Nobel de la Paix à l’AIEA : La réaction de la CRIIRAD)
Ce qui révolte les gens qui œuvrent à la CRIIRAD, et ils sont bien placés, eux, pour le savoir, c’est que, comme ils l’écrivent : « l’AIEA pratique depuis près de 20 ans une désinformation intense sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. En tout état de cause, la CRIIRAD considère que l’écrasante responsabilité de cette agence dans le dossier Tchernobyl est incompatible avec l’obtention du prix Nobel de la Paix et constitue un affront pour toutes les victimes des contaminations radioactives. »

Un ami de la CRIIRAD m’a dit, lui : « C’est bien la première fois que le prix nobel de la paix est donné pour justifier la prochaine guerre... »

Et pour cause ! Un communiqué de l’AFP à Théhéran, rapporte ces phrases de Kazem Jalali, porte-parole de la Commission parlementaire des Affaires étrangères : « Il y a deux façons de voir l’attribution de ce prix. L’hypothèse optimiste est qu’il va renforcer le rôle de l’agence et le travail technique dans le but d’éviter la prolifération des armes nucléaires. L’hypothèse pessimiste est qu’avec ce prix, M. ElBaradei se rapproche encore de la position politique des Etats-Unis et des Européens, notamment à propos du dossier nucléaire iranien et fasse davantage pression sur l’Iran. Pour ma part, je pense que la seconde hypothèse est plus près de la réalité ».

On pourrait, si on suit la mentalité actuelle de haine a priori contre les musulmans, se dire que les Iraniens racontent n’importe quoi. Mais, ce serait oublier ce qu’ont dit Scott McClellan, porte parole de la Maison Blanche et Shimon Peres, vice-Premier ministre israélien. Le premier à affirmé, entre autres :
« Nous sommes heureux de pouvoir continuer à travailler avec M. ElBaradei pour faire face aux dangers posés par la prolifération, y compris les menaces posées par les programmes nucléaires de la Corée du Nord et de l’Iran ».
Quant à Shimon Peres, sans rougir, il dit :
« C’est un avertissement à l’Iran car l’Iran constitue aujourd’hui le plus grand et le plus dangereux problème. (...) Tous les efforts, diplomatiques, psychologiques et autres, seront faits pour empêcher qu’une telle arme tombe entre les mains de dangereux ayatollahs. Interrogé sur la possibilité pour l’AIEA de renforcer les pressions sur Israël qui, selon des experts internationaux, dispose d’un arsenal de quelque 200 ogives nucléaires, Shimon Peres répond : Nous sommes le seul pays au monde qui soit menacé par une telle arme (nucléaire) et nous ne menaçons personne ». Sans commentaire !!!

Il est tout à fait pertinent et intéressant de lire quelques réactions glanées, ça et là. J’alternerais ceux qui applaudissent, divers représentants des pouvoirs dans plusieurs pays, des gens qui ont intérêt à ce que le nucléaire, tant civil que militaire poursuive sa carrière, mais bien sûr refusent cette même possibilité aux autres pays, et les réactions de plusieurs organisations qui luttent réellement contre la dissémination nucléaire, tant militaire que civile. C’est assez saisissant...

Il applaudit :
Jacques Chirac : « L’AIEA et M. El-Baradei ont apporté une contribution déterminante à la recherche de la paix et de la sécurité dans le monde d’aujourd’hui ».

Est révolté :
Le réseau Sortir du nucléaire (collectif de 720 associations anti-nucléaires françaises) : « Il se déclare indigné. L’AIEA, en abusant l’opinion publique sur la prolifération du nucléaire militaire et civil, joue un rôle de première importance dans un processus qui mène l’humanité à sa perte. Sortir du nucléaire cite la publication le 5 septembre d’un scandaleux rapport qui minimise considérablement les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl ».

Il applaudit :
Dominique de Villepin, Premier ministre : « Ce prix récompense vos efforts visant à empêcher que l’énergie nucléaire ne soit utilisée à des fins militaires. Je salue l’engagement sans faille du responsable en faveur de la satisfaction des besoins énergétiques de la planète par le développement de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ».

Est révolté :
Greenpeace : « L’AIEA contrôle la dissémination des armes nucléaires tout en étant responsable de la dissémination des technologies de fabrication de ces armes. (...) C’est seulement lorsque cette double casquette sera supprimée que l’AIEA pourra se concentrer sur les menaces immédiates de dissémination de la technologie nucléaire à des fins civiles et militaires. On peut s’interroger sur la sagesse de faire de M. ElBaradei un lauréat du prix Nobel de la paix dans la mesure où il dirige l’AIEA pro-nucléaire ».

Il applaudit :
Philippe Douste-Blazy : « C’est un succès personnel pour un homme, un homme de paix qui a pour religion l’objectivité et qui a pour philosophie la transparence ».

Est révolté :
Senji Yamaguchi, militant antinucléaire japonais co-fondateur de Nihon Hidankyo (NH), survivant de Nagasaki et nobelisable : « Il critique le choix de l’AIEA comme prix Nobel de la paix, un choix destiné selon lui à ne pas offenser les Etats-Unis ».

Elle applaudit :
Condoleezza Rice, secrétaire d’Etat américaine : « En attribuant cet honneur bien mérité à l’AIEA, le Comité Nobel a noté : A une époque où les armes nucléaires risquent de s’étendre à la fois aux Etats et aux groupes terroristes, et où la menace nucléaire parait jouer un rôle croissant, le travail de l’AIEA est d’une importance incalculable ».

Est révolté :
Alexeï Iablokov, écologiste russe : « Je suis choqué. L’AIEA est une organisation qui, en 1986, trois mois après Tchernobyl, disait : rien de grave, un Tchernobyl peut se produire tous les ans, l’énergie nucléaire y survivra. C’est une organisation inhumaine et on lui décerne un prix ».

Il applaudit :
Tony Blair, Premier ministre britannique : « Ce prix démontre très clairement l’importance du travail fait dans le sens de la paix et de la sécurité dans le monde ». Tony et la paix !!!

Est révolté :
Ecodéfense, ONG écologiste russe : « L’attribution du Prix de la Paix à l’AIEA est la plus grosse erreur historique du Comité Nobel. L’annonce de l’attribution (...) a suscité une profonde perplexité qui s’est muée en choc. Jamais le Nobel de la Paix n’avait été donné à une organisation aussi compromise, oeuvrant à la prolifération des technologies nucléaires à double destination (civile et militaire) Ecodefense accuse notamment l’AIEA de vouloir faire de la Russie une décharge nucléaire internationale ».

Et vous, qu’en dites-vous ? Ceux qui applaudissent si fort, il défendent l’intérêt de qui, à votre avis ? Le vôtre, le nôtres, ou celui des lobbys nucléaires ?

La réponse est évidente, non ?

source : http://altermonde-levillage.nuxit.net/article.php3?id_article=3871

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