Ces analystes bêtes et méchants

psyapsy- 20-09-2005
Ces analystes bêtes et méchants

L'écho transalpin du Livre noir de la psychanalyse

La Repubblica, 3/9/05, pag. 41, sez. Cultura .

Citation :

Ces analystes bêtes et méchants

Le livre noir de la psychanalyse qui sort en France en ce moment représente une attaque sans précédent contre le savoir freudien. En huit cent pages, un groupe de chercheurs lance le débat autour de la validité des théories et leur efficacité thérapeutique. Quarante spécialistes essentiellement américains, parmi lesquels n’apparaît aucun italien. Par Fabio Gambaro Paris « Vivre, penser et se sentir mieux sans Freud ». C’est le sous titre explicite du livre noir de la psychanalyse (éditions les Arènes), un ouvrage de huit cent pages, à peine arrivé dans les librairies françaises, et déjà au centre de violentes polémiques dans le monde de la psychiatrie et de la psychanalyse de l’autre côté des alpes : En France, en fait, il n’a jamais été publié un acte d’accusation aussi explicite et violent à l’encontre de l’auteur de L’interprétation des rêves. Le livre, qui réunit toutes les critiques qui ont été avancées ces dernières années à l’encontre de Freud et de la psychanalyse, est dirigé par Catherine Meyer, laquelle a réuni une petite quarantaine d’études de 10 nationalités, à commencer par deux spécialistes français : Jean Cottraux, qui dirige l’unité de traitement de l’anxiété de l’hôpital Universitaire de Lyon, et Didier Pleux, fondateur de l’institut français de thérapies cognitives. A leurs côtés, un ex psychanalyste comme Jacques Van Rillaer, une pédopsychiatre telle que Catherine Barthélémy, un ethnopsychiatre tel que Tobie Nathan ou encore une philosophe comme Isabelle Stengers. Mais surtout de nombreux auteurs provenant de l’autre côté de l’Atlantique qui ont commencé à importer en France la critique radicale de la psychanalyse depuis plusieurs années, à la façon des Universités Américaines (il n’y a en revanche aucun italien). On trouve aussi des historiens de la psychanalyse comme Mikkel Borch-Jacobsen de l’université de Washington ou Frederick Crews de l’université de Barkley, mais aussi des spécialistes des thérapies cognitive de renommée mondiale comme Aaron T Beck ou Albert Ellis. Un large éventail d’auteurs pour discuter du « dogme de la psychanalyse ». un dogme qui, dans la patrie de Jacques Lacan et de Françoise Dolto, est particulièrement consolidé, vu que 70 % des psychiatres pratiquent ou s’inspirent de la psychanalyse, sans oublier que dans les universités et dans les medias, la psychanalyse règne presque sans conteste. Une situation unique au monde selon Catherine Meyer, qui accuse les psychanalystes français de censurer systématiquement quelconque critique contre leur discipline, « en qualifiant les thérapies nées de la psychologie scientifique ou des neurosciences de techniques de conditionnement qui normalisent les patients pour en faire des individus pavloviens ». Le Ministère de la Santé a du retirer une enquête officielle de l’Inserm, qui critiquait les résultats des thérapies psychanalytiques. « En France la critique de la psychanalyse est un tabou », accuse Catherine Meyer. « Quiconque s’hasarde à remettre en question la parole psychanalytique est immédiatement accusé de révisionnisme, avec toutes les connotations négatives que le mot comporte . Mais une approche critique de la psychanalyse est plus que jamais nécessaire. Pour cela nous avons essayé de rouvrir le débat, sans préjugés et sans peur, en posant quelques questions fondamentales. La psychanalyse est elle une science ? Est elle efficace ? Pouvons nous évaluer ses résultats ? La légende de Freud contient-elle des inventions ? Pour répondre à toutes ces interrogations, nous avons donné la parole à des psychologues, des psychiatres, des philosophes, des historiens, mais aussi à de simples patients, ceux dont la souffrance est habituellement oubliée. A la fin, notre bilan est très négatif. » En effet, aucune critique ne vient épargner la psychanalyse. Dans la première partie de l’œuvre, les auteurs discutent du mythe des origines, en accusant l’auteur de La psychopathologie de la Vie Quotidienne d’avoir menti sur ses cas cliniques et d’avoir attribué à ses patients, des souvenirs dont il n’avait aucune preuve. Il y a aussi de nombreuses conquêtes théoriques que Freud a présentées comme siennes et qui en réalité proviendraient « de manière plus ou moins directe de la sexologie de l’époque ». En de nombreuses occasions, ensuite, l’inventeur de la psychanalyse aurait délibérément exagéré les résultats de ses cures pour prévenir les critiques. Selon Han Israels, « Freud, dans ses publications, n’hésite pas à présenter une théorie désastreuse comme un succès fulgurant ». La psychanalyse, donc, serait un château de sable depuis ses origines. Une simple pseudoscience, car, comme le soutient Franck Sulloway, Freud a toujours évité de vérifier la justesse de ses hypothèses. Le livre noir de la psychanalyse explique le succès de la psychanalyse par la faiblesse de ses structures théoriques, et serait seulement « une théorie vide », « une nébuleuse en mouvement perpétuel, dans laquelle chacun peut lire ce qu’il veut. » La pensée psychanalytique serait une sorte de caméléon capable de s’adapter et d’expliquer un nombre incalculable de situations de la vie quotidienne. «C’est pourtant de cette façon, explique Catherine Meyer, que s’est diffusée dans la société une sorte de pensée vaguement psychanalytique qui prétend tout expliquer, en culpabilisant surtout les mères. Aujourd’hui les parents ont continuellement peur de commettre des erreurs. La psychanalyse a contribué à balayer toute spontanéité dans l’éducation. » Pour les auteurs du livre, les psychanalystes, qui dans les années soixante étaient l’expression d’un mouvement antiautoritaire et libertaire, se seraient transformés aujourd’hui en gardiens du temple jalousement attaqué du pouvoir et des privilèges économiques. Par conséquent, ils refuseraient d’admettre la faible efficacité de leurs thérapies et les défaites à l’égard de l’autisme, de l’anorexie ou des toxicodépendances. A propos des toxicodépendances, Jean Jacques Deglon accuse « l’impérialisme idéologique de la psychanalyse » d’avoir gêné pendant trente ans toutes les autres thérapies, en contribuant à une « catastrophe humanitaire » qui aurait coûté la vie à 10 000 personnes. Une affirmation désinvolte qui risque d’alimenter bon nombre de polémiques. Toute la dernière partie du livre est dédiée à la révolution des neurosciences et aux diverses formes de psychothérapies nées des théories cognitivo-comportementales. « Il existe une vie après Freud » . La connaissance de l’homme et de la vie psychique a fait d’énormes pas en avant. Aujourd’hui, pour soigner la souffrance psychique, il existe d’autres thérapies en dehors de la psychanalyse » rappelle l’éditrice de l’œuvre, en souhaitant que le livre puisse susciter un débat paisible et salutaire. Mais à en juger par les réactions violemment négatives qui parviennent du monde de la psychanalyse, la discussion ne sera certainement pas facile. Et les polémiques risquent d’être brûlantes.

source : http://www.psyapsy.org/index.php?option=com_content&task=view&id=210&Itemid=34

@+