Les taudis brûlent et l'Etat vend ses immeubles chic et vide

vendredi 02 septembre 2005 (Liberation - 06:00)
Les taudis brûlent et l'Etat vend ses immeubles chic et vides

Nombre d'organisations appellent à défiler samedi pour le droit au logement.

Par Dominique SIMONNOT

Citation :

En attendant la manifestation de samedi (1), des militants du DAL, du Mrap, de la CGT et de la Confédération nationale du logement se sont plantés devant deux grands immeubles vides de la très chic rue de l'Université à Paris, dans le VIIe arrondissement . L'un appartient à l'ENA, l'autre au ministère de la Justice, et tous deux ont été mis en vente par l'Etat. «L'immeuble de l'ENA fait 6 000 m2, il va être bientôt acheté par un groupe financier ou un fonds de pension, enrage Jean-Baptiste Eyraud, du DAL, et plutôt que d'y construire des logements sociaux pour loger ceux qui vivent dans des taudis, cela servira la spéculation !» Et, au DAL, on brandit la liste de cette trentaine d'immeubles parisiens, propriété de l'Etat, et proposés à des acheteurs privés. Les manifestants avaient une autre raison d'attirer l'attention sur l'ENA. Plus ironique : «A peu près tous les responsables politiques, les ministres, les chefs de grandes entreprises ont fait l'ENA et ont failli dans la politique du logement, ont marché sur la tête... Il est temps de remettre les choses à l'endroit.»

Pendant ce temps, dans le XIIIe arrondissement, l'ambassadeur de Côte-d'Ivoire en France tenait un discours tout aussi furieux ­ et très inhabituel de la part d'un diplomate ­ lors d'une visite à la maison des étudiants de Côte-d'Ivoire. Là vivent 250 personnes, dont 40 enfants, dans un immeuble très abîmé. Après les deux incendies meurtriers ayant frappé cet été des familles africaines à Paris, l'ambassadeur a appelé ses compatriotes «à prendre leurs précautions, car la crainte que ce soit un acte criminel existe. La police ne peut être partout. Nous pouvons nous organiser pour monter des gardes de nuit. Il vaut mieux prendre ces précautions-là !» Yacinthe Kouassi a aussi réaffirmé son voeu de régularisation des sans-papiers : «Tant que vous n'êtes pas régulier, vous n'êtes personne !» Face au bâtiment délabré, dont les occupants affirment que la précarité est organisée pour forcer leur expulsion : «Nous sommes dans un pays où les spéculateurs existent, il ne faut pas se voiler la face !»

Hier encore, la préfecture de police a annoncé une autre liste. Celles des soixante squats présumés dangereux qui pourraient être évacués. Certaines expulsions seraient prévues pour les jours à venir. Dans ces immeubles décatis, les habitants redoutent leur expulsion mais aussi un incendie criminel. Là aussi, selon le DAL, des tours de garde nocturne sont organisés... «Les gens ont peur, très peur.»

De nombreuses associations et organisations ont annoncé leur participation au défilé de samedi pour réclamer un logement pour tous. Celles qui défendent les droits de l'homme, les immigrés, les sans-logis, les démunis. Mais aussi la Fédération des Mutuelles de France, qui appelle «l'ensemble de ses groupements à y participer», car la FMF ­ adhérente de la Mutualité française ­ «souhaite que la question du droit au logement, au même titre que le droit à la santé, soit une réflexion forte de "mise en sécurité sociale" de la population».

(1) 15 h 30, quai de la Gare à Paris.

source : http://www.liberation.fr/page.php?Article=320772

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