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wapasha Langue pendue
Nombre de messages : 4560 Localisation : Pays des Abers Date d'inscription : 30/04/2005
| Sujet: Vivre sans Sam 11 Juin à 15:01 | |
| Je ne me rapelle plus si j'en avait parlé ici mais courant avril, j'ai contribué à cet article pour le magazine internationnal DS. Céline Gazagne vient tout juste de m'envoyer un exemplaire, je le post donc ici. 11/06/05 DS Magazine n°93 juin 2005 par Céline Gazagne & Anna Blic VIVRE SANSVivre sans pour mieux s'accommoder de soi. Refuser le technostress, le portable qui nous sonne, la télé assommante. Et profiter en toute modernité d'un monde en mouvement, techniquement innovant et humainement respirable. - Citation :
- Les chiffres sont implacables. 81 % des ménages possèdent une voiture.
70 % un téléphone portable. 95 % subissent la télé. bête immonde dans le salon. Derrière les chiffres, une autre réalité. Quelques petits pour-cent ne cèdent pas à la pression sociale. On pourrait facilement leur coller une étiquette « résistants » sur le front. Ces gens hors normes n'ont rien d'anormaux. Le sociologue Gérald Gaglio a interrogé des « non-possesseurs » de mobile. Il confirme que « les stéréotypes qu'on leur applique ne conviennent pas. Ils ne sont ni isolés socialement, ni marginaux, ni technophobes et ne vivent pas au fin fond des campagnes ». Ainsi Laure, 25 ans, tranquille étudiante à Clermont- Ferrand. Axel, parisien, 32 ans, technicien vidéo. Denyse, parisienne elle aussi, a 40 ans, est architecte et scénariste. Julien, 23 ans, ingénieur. Bruno, Maxime et les autres. Pas des rebelles. Des gens comme nous.
Aliénation, désorganisation, agression
Laure voulait qu'on puisse la joindre facilement. Elle est devenue une mobile-victime. « En 1998, j'étais à la fac. C'était vraiment nouveau. J'avais payé mon portable très cher, j'étais une des rares équipée et ça me réjouissait. » Les réjouissances durent quatre ans. « J'étais accro. Je passais des week-ends entiers pendue à mon nouvel appendice. C'était maladif. Quand je sortais, je ne profitais de rien, soudeuse de ce que faisaient les autres, de ce que je ratais. » Laure a décroché il y a trois ans. Un seul mot pour qualifier cette nouvelle vie sans : « C'est cool. Je me disperse moins, je profite du présent, je ne me sens plus sous surveillance. » À ce stress, s'ajoute « l'obligation d'être joignable ». On veut nous atteindre partout, tout le temps. Les employeurs l'ont bien compris. On a reproché à Maxime, ingénieur en informatique, de ne pas être joignable « en cas d'urgence ». Il a rerusé l'asservissement. Une chance, sa boîte n'a pas voulu mettre la main à la poche. Arme d'aliénation, le portable est aussi un élément de désorganisation. Alors qu'on nous l'a vendu cmme un instrunent censé nous rapprocher les uns des autres. En oubliant ce qu'étaient les bons vieux rendez-vous. Maintenant, on ne dit plus «on se voit tel jour à telle heure », mais « on s'appelle ». Un engrenage sans fin. Nous nous téléphonons, nous loupons, nous parlons par messageries interposées. Le jour du rancard, on remet ça : « Tu y es ? J'arrive. » Cinq minutes plus tard, un SMS annonce « je suis en retard ». L'histoire se termine par un « désolé, j'ai un quart d'heure de retard ». La plus simple des politesses a été abrogée par de sales habitudes téléphonées. Aliénation, désorganisation et agression. Le voyant « nouveau message » ne s'éteint jamais. Il clignote insidieusement au bureau, a. la maison, sur le mobile, sur l'écran. Jusqu'à l'angoisse. 150 en allumant l'ordinateur le matin. Quelques heures plus tard, malgré un passage par la case « corbeille », il y en a toujours autant.
« J'ÉTAIS ACCRO. JE PASSAIS DES WEEK-ENDS ENTIERS PENDUE À MON NOUVEL APPENDICE. C'ÉTAIT MALADIF. QUAND JE SORTAIS, JE NE PROFITAIS DE RIEN, SOUCIEUSE DE CE QUE FAISAIENT LES AUTRES, DE CE QUE JE RATAIS. »
Communication pas communion
On se débarrasse d'une dépendance, une autre nous guette, prête à nous dévorer. Laure, notre mobile-addict, a aussi été une camée de la petite lucarne. « Depuis toute petite, on me surnommait " Mère-la-télé ". Je regardais tout, tout le temps. Je me suis aperçue que je ne savais rien faire d'autre que continuer à mater encore et encore. C'était horrible. » Profitant de ce regain de lucidité, notre téléphage se débarrasse de la boîte malfaisante. « Je l'ai donnée. » Nous sommes des millions à nous enfermer dans la bulle télévisuelle. Lantique aphorisme « du pain et des jeux » est devenu « du travail et une télé ». Il n'y a qu'à regarder les chiffres. Elle nous hypnotise en moyenne 3h30 chaque jour. C'est tellement facile de rentrer chez soi et de s'avachir devant l'écran. Combien d'entre nous allument la télé dès le saut du lit, la laissent bourdonner, beugler selon les cas, jusqu'au soir ? JE ME SUIS APERÇUE QUE JE NE SAVAIS RIEN FAIRE D'AUTRE QUE CONTINUER À MATER ENCORE ET ENCORE. C'ÉTAIT HORRIBLE.
La tête se vide jusqu'à l'abrutissement.Les enfants élevés devant la télé, Corinne les appelle « les légumes ». « Frustrer un enfant, c'est le préparer à entrer en société. J'estime que mon rôle éducatif consiste aussi à les élever sans télé. Je l'ai, mais elle n'est allumée que dans certaines conditions, quelques heures par mois. C'est encourageant de voir des petits bobos noyés dans le confort redécouvrir cet objet avec le même appétit que les premiers possesseurs de l'ORTF. La télé est un formidable outil d'entraînement pour les parents qui ne savent pas poser la limite. Même au bureau, même en les élevant seule, j'ai toujours pu gérer l'autorisation de la regarder ou pas. Aujourd'hui, l'aînée, étudiante, vit seule et sans. Avec beaucoup de joie et de curiosité dans les yeux, me semble-t-il. Et la seconde n'utilise l'écran que pour des séances DVD le week-end. Elle ne s'intéresse absolument pas à cette machine-là, préférant son " Popod ", qui est une autre addiction. Mais bon, la musique c'est la musique. » Axel, technicien vidéo, a brisé ses chaînes après trente-deux ans de promiscuité avec la lucarne. Il s'est défoulé dessus à coups de crosse de fusil, lors d'un happening dans une librairie. « C'est un outil d'asservissement qui formate la pensée, restreint l'espace et le temps. Les gens sont indisponibles à certaines heures. On me vend comme un individu de tel âge, tel sexe, telle catégorie socioprofessionnelle. Nous sommes devenus des cibles commerciales, je ne veux pas participer à ça. » Axel refuse la définition - cynique et juste - du PDG deTFl, Patrick Le Lay. Une petite phrase qui avait fait mouche l'été dernier. « Pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible. » La suite en dessous :
Dernière édition par le Sam 11 Juin à 20:11, édité 1 fois | |
| | | wapasha Langue pendue
Nombre de messages : 4560 Localisation : Pays des Abers Date d'inscription : 30/04/2005
| Sujet: Re: Vivre sans Sam 11 Juin à 15:09 | |
| La suite : - Citation :
- Ouvrez les yeux, fermez vos écrans !
Nos « refuseurs » n'ont pas attendu d'entendre ces propos pour comprendre. En aucun cas ils n'acceptent le costume de résistants, rebelles ou altermondialistes. Ils en ont eu ras le bol et ont réagi. C'est tout. Laure se moque gentiment d'elle-même : « Un temps, j'ai cru être une vraie rebelle. Ce fût juste ma petite rébellion perso. » Le regard des autres qui restent branchés n'est pas tendre. Un geste anodin est vite interprété comme un acte politique. « II suffit de s'écarter un tant soit peu du troupeau pour être considéré comme un marginal », explique Axel. Laure : « On m'a traitée de folle. Certaines personnes pensent qu'on les snobe, qu'on les juge. On se fait traiter de " poseur ". » Bruno n'a pas de portable, pas de voiture, pas de télé. Et îl le dit. « Je suis trop radical, me dit-on. On me demande pour qui je me prends. Impossible de discuter, ça ne les intéresse pas. » Dur. On passe pour une bêcheuse si on préfère voir les films en Cinémascope. À bouder ainsi les figures imposées de la modernité, court-on le risque d'être mis au ban ? Le sociologue Gérard Gaglio est convaincu que non. « Ils sont à l'intérieur du système. La société ne peut pas les exclure, si ce n'est de façon symbolique, par la moquerie. » Pourquoi se priver, alors. D'autant plus que pour tous, ces abandons s'apparentent à une renaissance.
Sans mec
Jean, 54 ans, a laissé tomber la télé en 2002. « J'ai le sentiment d'être plus ouvert. Je m'informe par Internet et je lis les journaux francophones. Après quelques mois, j'ai commencé à voir les choses autrement. Je n'étais pas militant, je le suis devenu. » Pour Axel, le défonceur de télé, la vie sans lucarne, « c'est un peu comme pour les Alcooliques anonymes, on n'en veut plus du tout ». « Je croyais que j'aurais besoin d'aller chez des amis pour avoir ma dose. Même pas. » Bruno est graphiste et webmaster à Brest. Son temps sans TV, il le donne à des associations, en les aidant à gérer leur site Web. Sylvie, journaliste à Cherbourg, lit « dix fois plus de livres, trois fois plus de magazines, achète des disques, va au cinéma... Ça ne me fait pas faire des économies, mais ce n'est pas mauvais pour ma culture ». Sans voiture, Maxime « prend plaisir à traverser sa ville à pied ou à vélo ». Ces convalescents utilisent un langage commun, évoquant une « liberté retrouvée » et plus de « fil à la patte ». Journaliste parisienne, Hélène correspond pile- poil à la définition de celles que snobe la province avec un petit rire amusé. Sauf que chaque matin, elle avale une demi-heure de marche plutôt que d'emprunter le métro. « Le temps de rêver le nez en l'air, de repenser à ce que j'ai lu la veille puisque je n'ai pas de télé. Je ne suis pas un exemple, juste quelqu'un qui ne digère pas certaines obligations, comme celle du portable qui sonne. J'ai pas mal d'amis qui se plaignent de se sentir tout le temps fatigués. En rentrant du boulot, c'est plateau-télé et ce léger coma qui stérilise les couples et la famille après deux heures de Fogiel, Drucker, Delarue, etc. Je ne connais pas ce sentiment de culpabilité des soirées " rien ". Moi, quand je rentre, je raconte et j'écoute la journée de mon compagnon, de mes enfants. Parfois, nous grignotons des restes. D'autres fois, avec l'un ou l'autre, nous cuisinons. Ensuite, j'ai le temps de lire, de sortir, de voir venir la soirée, de la déguster. » Restent celles qui vivent sans mec. Et qui se branchent sur Internet pour en trouver. Pourquoi pas si ça ne devient pas une drogue dure, si la rencontre vient un jour. Vision d'horreur, « les couples du dimanche, leurs deux enfants dans les jambes, qui poussent un landau chargé de paquets inesthétiques. Tendus tous les deux, absorbés, énervés par le temps volé. Vivre ensemble, être avec un homme, me reproduire, je n'en ai pas envie. J'apprécie le silence, la turbulence de ma vie, les rencontres de passage, les hommes, à condition qu'ils ne s'installent pas. Et mon métier, l'opéra, la danse, la folie de la vie pour peu qu'on la respire en dehors des cadres obligés ». Quand on rentre dans les rails, cela se termine souvent ainsi : « Je suis malheureuse avec mon mari qui a tourné au tyran domestique après l'arrivée des enfants. Il ne dit pas la loi, il la fait. Dans sa voiture, les vitres doivent être ouvertes ou fermées selon sa volonté supérieure. Idem pour la musique. Son credo, c'est faites ce que je dis, pas ce que je fais. Il est égoïste, hypercentré, frustré. Il gâche ma vie, celle de mes enfants. Et pourtant, je ne le quitterai pas. Sauf si j'en trouve un autre. Seulement je n'en aperçois aucun à l'horizon. La faute à mon moral en berne assorti à mon physique qui se dégrade au diapason. Alors je reste, car ce que je redoute le plus, c'est de me retrouver seule. » Vivre avec lui ou elle nécessite de communiquer, pas avec un portable ou un mail. Se parler pour de vrai, oser demander, donner, recevoir, refuser. Quatre verbes essentiels à notre équilibre. Recevoir avec bonheur un coup de fil, un appel, un courrier suggère de pouvoir décliner, se dérober, éloigner, évincer, ne pas se laisser attraper à tous les coups. Bien le bonjour aux papillons.
Les embrouilleurs
Overdose. Trop d'écrans télé, trop de portables, de conversations indélicates, partout, tout le temps. Las, des petits malins ont bricolé des boîtiers magiques. Depuis quelques mois déjà on peut dénicher sur la Toile des brouilleurs de portable. En Asie, c'est la dernière plaisanterie à la mode. Les facétieux repèrent un spécimen, l'oreille scotchée au portable, dégainent leur brouilleur, pressent un bouton. Le tour est joué. Voilà une victime impuissante, désorientée, hurlant « Allô ? Allô, allô ! » dans un combiné muet. Étonnante coutume qui n'a pas encore été importée en France. Chez nous, la loi commence à interférer dans le champ de la téléphonie mobile intempestive. Depuis octobre 2004, les salles de spectacle et de cinéma ont le droit d'utiliser ces détraqueurs de portable. La dernière curiosité nous vient d'outre-Atlantique et s'appelle TV-B-Gone (se prononce « tivibigone », signifie « télé bannie »). Un killer de télé, ce TV-B-Gone. Un appareil de la taille d'un porte-clefs, une fonction unique : stop. Un manuel explique le maniement de ce gadget diabolique. « Viser la télé. Appuyer sur le bouton. Continuer à viser la télé jusqu'à ce qu'elle s'éteigne. » Prudence, l'utilisation répétée de TV-B- Gone entraîne des effets secondaires, « diminution de l'anxiété, augmentation de la sociabilité et des performances cognitives, sensation de bien-être ». De dangereux et perfides activistes anti-TV ont resté cette télécommande d'exception à Disneyland- Paris, où des écrans diffusent des pubs vers les files d'attente des attractions. Personne ne s'en est rendu compte. À ceux qui les accusent d'imposer leur choix, ils rétorquent qu'ils ne font que répliquer à un matraquage. http://www.tvbgone.com
- Citation :
- Interview avec Dominique Boullier,
anthropologue, professeur à l'université de technologie de Compiègne et directeur de Lutin (Laboratoire des usages en technologies d'information numérique).
Pourquoi plus de "refuseurs" de portables ?
Ils en ont ras le bol tout simplement.Nous sommes sans cesse sous pression. Tout est urgent. Nous aimons ça d'une certaine façon, mais à un moment, nous saturons. Nous ne pouvons plus nous concentrer, nous astreindre à une tâche. Bouder le mobile ou les mails, c'est une façon de préserver sa zone de liberté, de retrouver la maîtrise de son environnement. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que ce comportement se généralise. Nous pouvons imaginer qu'il y aura davantage de lieux et de moments sans portable, sans télé, sans voiture. C'est cela qui aura de la valeur.Pour se sentir libre vis-à- vis de ces prothèses, il faut s'en libérer de temps en temps.
Ces « refuseurs» sont mal perçus. Cela peut-il aller jusqu'à l'exclusion ?
Au travail, on peut les juger comme des gens à part. On les tolère. Ceux qui n'ont pas de portable courent le risque qu'on ne leur confie plus certaines tâches. Ils doivent être très organisés. Mais ce n'est pas si grave. On nous fait croire que tout est urgent. Cette culture de la flexibilité ne produit finalement pas grand-chose de plus. tout est événement, tout est raccourci. Nous ne pensons plus. Nous échangeons facilement les stéréotypes, les conneries, les choses sans importance. En revanche, ce qui nécessite de s'arrêter, de réfléchir passe moins. @+ | |
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